Guerre et démocratie

Qu’est-ce qu’un parti politique? C’est la sublimation non violente d’une armée en campagne.

Qu’est-ce qu’un parti politique? C’est la sublimation non violente d’une armée en campagne. Les allégories guerrières y sont nombreuses : quartier général, chef, lieutenants, troupes, discipline, ennemi, victoire, stratégie, défaîte, triomphe, arrêt de mort. Comme sur le champ de bataille, les nuances et la conciliation ont rarement voix au chapitre. Qu’elle soit militaire ou politique, la discipline tolère en effet très mal la dissidence — et encore moins le «passage à l’ennemi»!

Défilé démocratique

« Il n’y a peut-être pas de bon régime politique, mais la démocratie en est assurément le moins mauvais », écrivait Camus en 1947. C’était vrai à l’époque, mais je crois personnellement que nous devrions aujourd’hui faire mieux. Telle que nous la connaissons, la démocratie repose sur un paradigme d’affrontement qui évoque plus le Moyen-Âge que le 21ème siècle. Son extension au tiers-monde constitue une évolution positive, certes, mais certainement pas une panacée.

Paradoxalement, il existe un pays vivant dans un système de parti unique et offrant à ses citoyens plus de démocratie véritable que les pseudo-démocraties « multipartistes » qui ne se gênent pas pour lui donner la leçon. C’est Cuba. À La Havane, en effet, les citoyens se font un devoir de commenter et d’orienter la politique nationale au sein d’assemblées populaires. Les élus de la base, qui font remonter leurs doléances vers les instances supérieures, ne sont pas des politiciens professionnels, mais des citoyens comme les autres. Ils n’abandonnent pas leur travail en assumant leur charge représentative : ils sont simplement mis en disponibilité pour quelques temps. Dans les hautes sphères, l’oligarchie et le professionnalisme politique règne, certes, mais les stratégies de ces dirigeant ne répondent pas à la logique irréductiblement guerrière des « lignes de partis ». Il s’agit de débats de stratégies et d’idées qui, au moins en théorie, peuvent se départager au mérite. Il y a donc plus de chance d’en arriver à des décisions équilibrées, rationnelles et conformes à l’intérêt du peuple.

C’est aussi cela que démontrent les manifestations monstres de La Havane, et pas seulement la malice communiste que se complaisent à stigmatiser les agences de presse reprises en choeur et sans nuance par la plupart des médias. Des préjugés néo-moyennâgeux et 30 ans de Guerre Froide leur ont manifestement lavé le cerveau. Asphyxiée par les États-Unis, Cuba est un régime tabou — et pour cause : l’enfer, c’est pas nous, c’est les autres. En avant, marche!

Du point de vue politique, les occidentaux de 2005 sont des machines à consommer et à voter, blanc bonnet et bonnet blanc. Chez eux, le spectacle politique a remplacé le débat libertaire, égalitaire et fraternel. Des gestionnaires sans états d’âme et des manipulateurs d’«image» dénués d’éthique se tapent des salaires auxquels ne peuvent prétendre les humanistes parqués dans les universités. Les scandales étouffés succèdent aux scandales avérés. Les rapports des vérificateurs constituent des exhutoires finissant généralement sur les tablettes de l’oubli. La corruption est plus sophistiquée, mais tout aussi omniprésente que dans le tiers-monde. Comme au Moyen-Âge, des « lieutenants » malhonnêtes s’estiment chanceux de pouvoir se partager un butin de guerre que leur concède, impuissante, les populations bafouées.

Quand, par miracle, le scandale devient enfin assourdissant, qu’est-ce que les démocraties occidentales proposent à leur citoyens afin de régler définitivement le problème? Une nouvelle élection. Comme si le remplacement d’une dictature douce par une dictature molle pouvait engendrer des jours meilleurs!

Une réflexion sur « Guerre et démocratie »

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