Entre la poire et le faux mage

« L’échange de fichiers sans permission, ce qu’on appelle le pear-to-pear, sera rendu illégal », déclare la ministre de la culture. Mais de quelle culture parle-t-on?

Réseau Pear-to-PearAvant d’en croire mes yeux, j’ai dû relire quatre fois la quatrième phrase du quatrième paragraphe de cet article du Devoir traitant, ce matin, du projet de loi fédéral modifiant la Loi sur le droit d’auteur : « L’échange de fichiers sans permission, ce qu’on appelle le pear-to-pear, sera rendu illégal », y déclare la ministre de la culture.

Mais de quelle culture parle-t-on? Celle des grosses légumes ou des arbres fruitiers? Le journaliste Stéphane Baillargeon prend-il les internautes pour des poires un peu dures de la feuille qui s’échangent du vent entre les branches de réseaux poire-à-poire? Vérification faite, il n’est pas le seul puisque Google recense 12 800 pages en français contenant l’expression « pear-to-pear« . Si j’étais un adepte des ordinateurs Apple, j’appellerais cela un nain pair 🙂

La traduction officielle de l’anglais peer-to-peer (poste-à-poste) n’est guère plus satisfaisante, il faut bien le dire, puisqu’elle évacue une notion fondamentale de ce concept technologique, qui est la parité. Nous en reparlerons.

La chance et les regrets

Considérée comme un droit humain fondamental, la chance devrait même être enchassée dans toutes les chartes et les constitutions.

Saisir la chance comme on enfourche un étalonQu’est-ce que la chance? D’où provient-elle? Comment se cultive-t-elle? La science n’ayant pas encore émis de réponse formelle à ces questions, beaucoup de gens pensent qu’il s’agit de l’un des dons les moins bien partagés du monde. Certains en ont et d’autres pas.

C’est un fait, en effet, que certains sont beaux et d’autres laids, certains sont gras et d’autres maigres, certains jouissent dès la naissance de la richesse et d’une santé de fer alors que d’autres n’auront jamais ni l’une ni l’autre. Pourtant, quelles que soient les circonstances, les petits malins s’en sortent toujours mieux que les autres.

Prenons l’une des injustices fondamentales qui soit : le lieu de naissance. Certains êtres humains naissent hollandais ou canadiens alors que d’autres font irruption sur Terre dans une famille d’intouchables de Calcutta. Même là, pourtant, il y des riches et des pauvres, des chanceux et des malchanceux. Certains intouchables croupissent dans les marécages du destin dévolu à leur caste alors que d’autres réussissent à acquérir de meilleures conditions de vie, voire même à être heureux. Vue sous cet angle, la chance n’est plus un miracle tombant du ciel, mais une faculté personnelle à saisir les occasions, à s’adapter avec succès aux circonstances, à se convaincre que tout est possible à partir du moment où l’on relève avec précision et détermination les défis qui se présentent, même si l’on ne les choisit pas.

La chance fait-elle partie du capital génétique? Peu probable. L’expérience montre qu’il s’agit d’une qualité intuitive qui se cultive, comme le langage, la bicyclette ou l’art culinaire. Tout part de la foi en soi et de l’imaginaire. À la différence du malchanceux, le chanceux croit dur comme fer que « c’est possible ». Il est prêt à se battre avec toute l’énergie dont il dispose pour atteindre son but. À chaque défi relevé avec succès, chaque opportunité saisie au vol, sa confiance augmente et, avec elle, son potentiel de chance face au prochain défi. Lorsqu’il échoue, il n’est pas nécessairement meurtri car il est conscient d’avoir donné le meilleur de lui-même et il se dit alors qu’il aura plus de chances la prochaine fois.

Comme le plaisir, la chance croît avec l’usage. Plus on la tente, plus on la sollicite et plus elle vous sourit.

À l’inverse, que se passe-t-il lorsqu’on laisse passer sa chance sans la saisir comme on enfourche un étalon? Elle disparait à l’horizon, soulevant sur son passage un nuage de regrets dont la toxicité croît également avec l’usage. C’est pour cela qu’il est très important de protéger les enfants et de leur « donner leur chance » le plus tôt possible. Lorsqu’ils sont mal partis, que la vie est impitoyable avec eux dès leur plus jeune âge, il faut que des mères Theresa, des médecins sans frontières, des enseignants et des travailleurs sociaux aillent vers eux, pansent leurs plaies morales autant que physiques afin de leur offrir une seconde chance.

Tout le monde devrait avoir droit à sa chance, quelle que soit son âge, sa race, sa nationalité, son sexe, sa classe sociale ou sa religion. Considérée comme un droit humain fondamental, la chance devrait même être enchassée dans toutes les chartes et les constitutions.

Racolage sur la voie publique

Je marchais à pied vers mon bureau, au centre-ville, ce midi, quand un jeune homme m’aborda en me tendant un carton bariolé de la taille d’une carte d’affaires…

Je marchais à pied vers mon bureau, au centre-ville, ce midi, quand un jeune homme m’aborda en me tendant un carton bariolé de la taille d’une carte d’affaires. Croyant qu’il s’agissait d’une pub de restaurant, je l’ai prise en lui disant merci. En réalité, six lettres stylisées s’étalaient sur toute la largeur du petit carton — S E X X X E — juste au-dessus de l’adresse d’un site Web érotique.

  • À votre avis, ce racolage sur la voie publique s’apparente-t-il à (1) du proxénétisme? (2) de la prostitution? (3) à un attentat à la pudeur?
  • Question subsidiaire: à un jeune homme dont il ne saurait dire s’il est mineur ou pas, le racoleur doit-il demander une pièce d’identité?

Blanc comme (genre)

Sacré Michael Jackson. La chirurgie esthétique l’a tellement magané qu’il mérite plus que quiconque le titre de monstre sacré. Manque plus que Jacques Parizeau, avec un ti-coup dans l’aile, pour déclarer que cet acquittement est le fait de l’argent et du vote ethnique ;->

Vote ethniqueSacré Michael Jackson! La chirurgie esthétique et les araignées dans le cerveau l’ont tellement magané que nul mieux que lui ne mérite le titre de monstre sacré. Grand frère par excellence, il a donc été, ce matin, acquitté de 10 chefs d’accusation d’agression sexuelle, complot et autres administrations d’agent intoxiquant à des enfants. Tout va pour le mieux à Neverland et les fans sont contents.

* Acquittée faute de preuves suffisantes, l’idôle est légalement innocente.
* Légalement innocente, elle n’en est pas pour autant à l’abri des sarcasmes.

À preuve, ce titre de Radio-Canada toasté des deux bords : Michael Jackson blanchi. Pas mal mimi, non? D’ailleurs, dans cette histoire, tout est interchangeable, y compris l’innocence et la culpabilité. Pour certains, il s’agissait d’un coup monté afin de sous-tirer de l’argent à la star au nez fin. Pour d’autres, l’étoile ombragée est coupable de pédophilie, mais sa fortune est telle qu’elle peut s’offrir les meilleurs avocats. Manque plus qu’un Jacques Parizeau déclarant, entre deux petits blancs, que son acquittement est le résultat de l’argent et d’un jury ethnique!

L’affaire aurait été plus simple si Michael Jackson, individu peut-être génial mais pas très sain, préférait dormir avec un homme et/ou une femme plutôt qu’avec un enfant. Pendant ce temps, dans la plaine du Mississipi, un autre monstre — trois fois maudit, celui-là — passe en jugement pour un triple crime raciste commis il y a 40 ans au nom du Klu-Klux-Klan. Ce petit blanc-là, mes amis, il est tellement noir et sec à l’intérieur que ni l’argent ni le vote blanc, anglo-saxon et protestant n’arriveront à le dégriser. Je me demande ce qu’en pense son avocat.

Quand la puce est dans le fruit

C’est la nouvelle de la semaine, du mois, voire du siècle ou même du millénaire : Apple renonce à équiper ses ordinateurs de puces IBM à partir de l’an prochain. Quand le vers est dans le fruit, il est normal que, tôt ou tard, tous les fruits se mettent au vers.

Quand la puce est dans le fruitC’est la nouvelle de la semaine, du mois, voire du siècle ou du millénaire, en exagérant juste un peu : Apple renonce à équiper ses ordinateurs de puces IBM à partir de l’an prochain.

Et alors? Presque tout à été dit sur ce sujet éminemment zootechnologique, du dossier le plus complet jusqu’aux spéculations tristement pertinentes concernant les droits de reproduction numérique. La récré numérique est finie. Que dire de plus, à part que cela ne change pas grand chose pour les salariés de l’usine IBM de Bromont?

Depuis des années, en effet, Big Blue elle-même équipe ses ordinateurs de puces Intel et le revendique fièrement. Pas un seul bloc-note IBM ne semble équipé d’autre chose que d’une puce Intel et il en va de même pour la ligne des PC de bureau. Drôle de publicité pour les puces de la maison!

De toute manière, la multinationale est sur le point de vendre sa division PC au fabricant chinois Lenovo. Quand le vers est dans le fruit, dit le proverbe, il est inévitable que, tôt ou tard, tout le panier se mette au vers.

Les souverainistes aux prises avec leur image

La souveraineté aura moins de chance de réussir sous l’égide d’un(e) chef purement offensif que sous celle d’un leader plus tranquille, tempérant sa force de caractère par une douceur apparente, doté d’un humanisme patient et généreux à même de calmer le jeu.

Le politicien et son imageJ’ai du mal à suivre les souverainistes et les commentateurs qui les observent, ces jours-ci. Presque tout le monde s’accorde pour dire que le départ de Bernard Landry a lieu à un bien mauvais moment. Certains pensent que Gilles Duceppe a la popularité nécessaire pour lui succéder et propulser les troupes jusqu’au Saint-Graal de l’indépendance. Tout ce qui les arrête est la question de la succession à Ottawa. Mauvais calcul, quant à moi.

Le problème majeur de Landry, à mes yeux, c’était son manque de charisme. Dans ses discours, il jouait souvent au prof d’école, détachant soigneusement chaque syllabe afin d’imposer à ces demeurés de journalistes la subscientifique 🙂 moelle de sa pensée. Je me rappellerai toujours l’épisode de la Cité du multimédia, en 1998, alors qu’il rejetait d’un ton cassant et péremptoire toute critique adressée à ce projet insensé qui prétendait aider une industrie anti-géographique par essence en la parquant dans un quadrilatère de béton tapissé de millions. Si vous aviez des objections, c’est que vous n’aviez rien compris à l’économie, mon pauvre ami, point à la ligne et passons à une autre question. Sept ans plus tard, on voit ce que cela a donné.

Pour réaliser la souveraineté, il faudrait à Québec un homme ou une femme au caractère trempé dans l’acier des grandes batailles politiques, certes, mais également capable d’incarner la sagesse tranquille, la compassion, l’écoute, le respect, la mesure et l’humanisme. Il faut éviter à tout prix les dérapages colériques, calmer l’esprit de vengeance et tendre très vite la main aux vaincus, en évitant de les écraser de suffisance. Le départ de Landry est, à cet égard, une bénédiction car, sous sa gouverne, une hypothétique transition vers la souveraineté se serait probablement faite dans une atmosphère propice à tous les ressentiments.

Que dire de Gilles Duceppe? C’est un homme intelligent à l’esprit démocratique et un grand homme d’état. Mais il a un visage dur, fermé, un ton cassant et péremptoire, de grands yeux perçants à faire peur aux enfants. Dans l’opposition, ce style en impose et lui confère une autorité certaine. Au pouvoir, cependant, il pourrait desservir la cause en projetant une image d’autoritarisme. Cela ne ferait que polariser davantage le climat émotionnel au Québec, tout en privant les souverainistes d’un vigoureux défenseur à Ottawa.

Pour guider le PQ dans ces eaux dangereuses, la civilité d’un Legault ou la féminité d’une Marois seraient, en terme d’image, infiniment plus fondés. Qui oserait lever des mesures de guerre, en effet, contre un honnête businessman au ton posé, pédagogique et cartésien ou contre une femme décidée, sûre de son droit, certes, mais ouverte à la négociation et à l’apaisement? À choisir, la personnalité conciliatrice, calme et transparente d’un François Legault, si elles nuit parfois à ses vélléités offensives, conviendrait encore plus à un lendemain de référendum gagnant que le charisme froid et les paupières lourdes de fatigue — ou d’arrière-pensées, au choix — d’une Pauline Marois. Malheureusement, l’homme de la situation a déjà déclaré forfait.

N’oublions pas que pour gagner la guerre, il faut, par-dessus tout le reste, savoir faire la paix. Dans ce contexte, un chef rassurant à Québec, pour calmer le jeu, et un leader imposant à Ottawa, pour contenir le fédéral, constituent le vrai ticket gagnant. L’inverse — soit Duceppe à Québec et Boisclair à Ottawa, par exemple — mettrait les souverainistes en excellente posture pour remettre à une quatrième fois leur référendum gagnant.

Un cercle particulièrement vicieux

Il y a huit mois, l’industrie du tabac a lancé un site Web soi-disant indépendant baptisé Monchoix.ca. Or, il faut apprendre à connaître l’ennemi pour mieux le combattre…

Le lobby pro-tabac en action
Il y a huit mois, l’industrie du tabac a lancé un site Web soi-disant indépendant baptisé Monchoix.ca. Dès la page d’accueil, on y précise qu’il faut devenir membre afin d’accéder « à la vaste gamme d’outils et de caractéristiques du site ». Lorsqu’on s’enregistre, on ne s’engage nullement à soutenir l’action du lobby pro-tabac ni même à y adhérer.

En remplissant mon formulaire d’inscription, seul moyen d’en savoir plus sur ce qui se trame en coulisse, j’ai précisé être un ex-fumeur, n’être intéressé que par « Cesser de fumer », « Le tabagisme chez les jeunes », « Les questions de santé entourant l’usage du tabac », « Changer la situation concernant l’usage du tabac » et, à titre de réponse ouverte, « Le respect des non-fumeurs ». J’ai inscrit en commentaire qu’«Il faut apprendre à connaître l’ennemi pour mieux le combattre». J’ai donné comme adresse de courriel « nosmoke@amicalmant.ca » et validé le formulaire sans problème. Est-ce que cela fait de moi un supporter de la cause pro-tabac? Je ne le pense pas.

C’est pourtant ce que pense manifestement la présidente de cette association, Mme Nancy Daigneault. Dans son dernier message, elle se félicite que son site Web ait franchi le cap des 20 000 membres. Le 5 avril dernier, elle établissait un lien entre ses 16 000 « membres » de l’époque et le fait que « les Québécois qui font usage des produits du tabac ont maintenant à leur disposition un moyen efficace pour se faire entendre et influencer les politiques, les lois et les règlements qui les touchent directement. » Ce lien erronné, ce sophisme, cette manipulation statistique hors contexte est un exemple de plus de la malhonnêteté fondamentale de l’industrie du tabac et de ses communicateurs.

Ceci étant dit, j’encourage les internautes à visiter Monchoixamoi.ca et à prendre position dans le débat.

Écrans de fumée

Nous exigeons juste, et à bon droit, que les fumeurs ne nous obligent pas à subir indirectement leur sort. C’est de bonne guerre et les arguments contraires d’un Gil Courtemanche ne sont que des écrans de fumée nauséabonds et inutiles face à cette exigence.

Le drapeau des corsaires pulmonaires!Dommage que la fumée de cigarette obscurcisse quelque peu la vision sociopolitique habituellement assez juste de Gil Courtemanche, ce matin. La colère — malheureusement réservée aux abonnés — que ce grand fumeur notoire pique et signe dans Le Devoir à l’adresse du ministre de la Santé du Québec est effectivement injuste et ridicule, surtout de la part d’un homme de sa trempe.

Notons toutefois que Courtemanche reconnait lui-même son égarement en préambule : « Je me lance sans filet dans un plaidoyer inutile qui sera sans effet et que ces bourgeois corrects, propres et en santé qui nous gouvernent trouveront ridicule. Je me fourvoie dans le totalement politiquement incorrect. J’avoue donc mon état de brebis galeuse et de coupable. Une question: M. Couillard, quand on vous payait richement pour soigner le coeur des princes saoudiens, leur faisiez-vous la leçon et leur disiez-vous qu’il fallait interdire la cigarette dans leur royaume où sont déjà interdits l’alcool, les drogues, la baise et tous les menus plaisirs qui font la vie des gens normaux? ».

Cet égarement parfaitement lucide, assorti d’une attaque très en-dessous de la ceinture, démontre moins la justesse de la position pro-tabac (comme il y a les «pro-vie») de Courtemanche que les ravages intellectuels provoqués par son tabagisme. L’auteur semble tellement accroc à sa dose qu’il revendique sa propre déchéance physique et morale. Bravo, Monsieur Courtemanche, pour cet appui involontaire à la cause défendue par le ministre, les « bourgeois corrects » qui nous gouvernent, comme vous dîtes, mais aussi par des millions de citoyens non fumeurs, sans pouvoir et sans aigreur, qui appuient eux aussi cette législation.

Moi-même, je souscris à 200 % à cette nouvelle loi parce que j’en ai marre de devoir laver tous mes vêtements à chaque fois que je prends un verre dans un bar que fréquente M. Courtemanche. Marre de devoir choisir mon camp lorsque j’entre dans un restaurant où il est en train de souper. Marre d’avoir à me boucher le nez pour traverser le nuage de fumée qui flotte devant l’entrée de mon bureau à cause des brebis bêleuses de son espèce, fières de leur dépendance soi-disant garantie par la Charte des droits et libertés. C’est faux et elles le savent bien. Que les fumeurs vivent comme ils le souhaitent avec leur paradoxe, mais pas dans ma cour ! Leur liberté s’arrête là où commence la mienne et il est grand temps que ce principe civil fondamental soit appliqué.

Évidemment, je sais de quoi je parle. J’ai été fumeur de 1974 à 1999. Vingt-cinq années à me boucher consciencieusement les alvéoles pulmonaires, à m’exciter chimiquement les neurones et à rétrécir mes artères comme peau de chagrin. Au bout de 20 années de ce régime nazi, je sentais bien que mon souffle s’essouflait, que ma gorge en arrachait, que le cancer me guettait au tournant de la cinquantaine et que je n’aurais aucun argument à opposer à ma fille de six ans le jour où elle en arriverait là, elle aussi. Au départ, j’étais comme Gil Courtemanche : totalement accroc et sûr de mon droit à l’être. Puis le doute s’est imiscé dans mon esprit et j’ai entrepris quelques tentatives pour baisser mon ratio de poison quotidien, voire arrêter totalement, mais en vain. À chaque rechute, ma bonne conscience s’inventait mille excuses et l’élan de vertu se repliait sur lui-même en un cercle vicié.

Soudain, en 1999, est arrivé cette loi qui interdisait de fumer dans tous les bureaux du Québec. Travaillant au 14ème étage, je ne me voyais guère prendre l’ascenseur huit fois par jour pour assouvir mon vice comme un vulgaire mendiant. J’ai donc dû prendre le taureau par les cornes, m’inscrire à un programme pour arrêter de fumer de l’Institut de cardiologie de Montréal et me faire prescrire du Zyban — un antidépresseur éliminant les effets du sevrage — par mon médecin. Résultat: trois semaines avant la date fatidique, j’avais définitivement cessé de fumer. « Nécessité fait force de loi », dit le proverbe. Quant on est rendu aussi étranger à soi-même qu’un drogué dur à la nicotine peut l’être, j’ajouterais que « Loi fait office de volonté ».

Pour terminer, prenons un peu de recul. Examinons la colère de Gil Courtemanche comme l’on examinerait une manifestation anti-avortement sur la Colline parlementaire. Ces gens-là mettent également de l’avant leur sacro-sainte «conscience» afin d’empêcher d’autres citoyens de vivre selon les droits que leur accordent la loi. La sortie pro-tabagisme de Gil Courtemanche est du même acabit. Les pro-air n’empêchent pas les pro-tabac de s’asphyxier chez eux ou en plein air, si c’est ce qu’ils désirent. Ils exigent juste de ne pas avoir à subir indirectement leur sort et que l’on cesse de donner le mauvais exemple en public à leurs enfants. C’est de bonne guerre et les arguments contraires d’un Gil Courtemanche ne sont, face à cette exigence, que des écrans de fumée.