Yulbiz : un média éminemment social

Ce texte est la version originale d’un article publié le 30 septembre 2006 dans le cahier Classes Affaires du journal Les Affaires sous le titre « YULBIZ : bloguez-vous ? ».


Les Affaires

Le dernier mardi de chaque mois, vers cinq heures du soir, un groupe de gens d’affaires montréalais se rassemble au Café Méliès, célèbre bar branché du boulevard St-Laurent. Pendant trois heures, ils prennent un verre et grignotent des olives en parlant sport, loisirs, cinéma ou voyage ― mais surtout blogues, billets, statistiques et référencement. Cette passion commune pour ce qu’ils nomment les « médias sociaux » est le trait d’union qui les relie. Après avoir échangé sans relâche découvertes, trucs techniques, conseils et cartes d’affaires, ils rentrent chez eux, sauf quelques-uns qui prolongent la conversation au restaurant. Une soirée « Yulbiz » s’achève et, le lendemain matin, on en entend parler sur le Web.

L’histoire commence en février dernier. Le consultant en commerce électronique Michel Leblanc étale sa science sur son blogue depuis déjà six mois. Dernièrement, il apprécie les commentaires qu’un certain Philippe Martin ajoute à ses billets. Il visite donc sa « fabrique de blogues », qui loge à l’adresse insolite www.nayezpaspeur.ca, et ce qu’il y lit le passionne tant qu’il décide de découvrir l’homme derrière la page Web. Un coup de téléphone et une prise de rendez-vous plus tard, les deux blogueurs se retrouvent au Café Méliès pour discuter de leurs passions: le Web, en tant qu’outil marketing, et les « médias sociaux ». La rencontre dure trois heures. Chacun en parle sur son site Web et invite, un mois plus tard, les blogueurs d’affaires montréalais à se joindre à eux lors du premier « Yulbiz ». Michel et Philippe ont choisi ce nom en s’inspirant de « Yulblog », un rendez-vous mensuel de blogueurs montréalais qui existe depuis six ans.

« J’avais beaucoup d’affinités avec les gens de Yulblog, mais quand venait le temps de discuter affaires, on n’était pas toujours sur la même longueur d’onde, explique Michel Leblanc. J’avais l’intuition qu’il y avait place pour autre chose ― une rencontre de blogueurs spécifiquement intéressés par les affaires. »

Le premier Yulbiz a lieu le 30 mars et c’est un franc succès : une vingtaine de blogueurs utilisant le Web dans le cadre de leur activité professionnelles les rejoignent au Café Méliès. Il y a un peu de tout : des consultants en marketing, en communication ou en logiciels libres, des développeurs Web, des journalistes, des producteurs de contenus, des artistes, des spécialistes du référencement et des publicitaires. Tout ce beau monde passe une excellente soirée et s’empresse d’en rendre compte sur son blogue. L’effet d’entraînement est énorme. Au bout de quelques semaines, il suffit de taper « Yulbiz » dans Google pour générer des dizaines de résultats de recherche menant à autant d’articles sur le sujet.

L’expérience est renouvelée avec succès chaque dernier mardi des mois suivants : « Il s’est rapidement créé un noyau de fidèles constitué des meilleurs blogueurs montréalais traitant d’affaires, de communication, de marketing et de journalisme citoyen, explique Philippe Martin. Autour de ce noyau, il y a aussi d’excellents blogueurs qui viennent de temps en temps et des gens qui n’ont pas encore de blogue, mais qui s’intéressent aux médias sociaux et qui posent plein de questions. C’est excellent ! »

À en croire Martin Lessard, directeur-conseil au département interactif de BBDO-Montréal, Yulbiz est l’héritier des six cultures qui ont façonné le Web : celles des militaires (réseau décentralisé), des universitaires (partage), des « hackeurs » (subversion), des communautés virtuelles (regroupement), des entrepreneurs (nouvelle économie) et, enfin, du « Web 2.0 » (« remix » des contenus). « Publier un blogue ou participer à Yulbiz, explique-t-il, c’est investir son temps et ses idées au profit d’une communauté. On sait très bien que cela a une valeur et que cela rapportera, à terme, en influence sociale et en retombées économiques. Yulbiz, c’est comme une chambre de commerce qui se crée en parallèle, en s’appuyant sur Internet, son nouveau médium. »

Dans les réunions de groupes d’affaires classiques, estime Michel Leblanc, « il y a souvent un certain malaise : quelqu’un qui a de quoi à vendre et quelqu’un qui est sur ses gardes. Les discussions sont souvent convenues, superficielles. » Rien de tel à Yulbiz, où l’atmosphère est au plaisir et au partage. « On y parle de tout : politique, sports, culture, loisirs… mais évidemment, on jase aussi d’affaires et on s’échange nos cartes. J’y ai rencontré plusieurs personnes qui sont devenus des collaborateurs, des partenaires ou des clients. Le niveau de communication est largement supérieur à tout ce que j’avais connu auparavant. »

» Christian Aubry