Murs visibles et invisibles

Vicente Fox fustige le Congrès américain, qui veut construire un mur, le long du Rio Grande, afin d’endiguer le flot d’émigrants pénétrant clandestinement aux États-Unis. Ce mur me fait penser aux sans-abris, claquant des dents dans les rues de Montréal au nez et à la barbe des passants emmitouflée dans l’univers sonore de leurs baladeurs numériques.

Sans-abri devant une vitrine de Noël

Un nouveau pays sud-américain (la Bolivie) vient de passer l’urne à gauche en élisant démocratiquement le premier président indigène de l’histoire du continent. Plus au Nord, le très libéral président mexicain, Vicente Fox, fustige le Congrès américain, qui veut construire un mur, le long du Rio Grande, afin d’endiguer le flot d’émigrants pénétrant clandestinement aux États-Unis. Un mur tombe quand un autre s’élève. Intéressant contraste, si ce n’est, même, une relation involontaire de cause à effet.

Après la révolution bolivarienne du vénézuélien Chavez, le socialisme classique du brésilien Lula et le péronisme de gauche de l’argentin Kirchner, c’est en effet au tour de la Bolivie d’inquiéter les Américains. Quelle succession de revers pour la Banque mondiale, le FMI et la généreuse « aide » américaine annuelle de 150 millions $ versés à la Bolivie par les États-Unis ! Après 40 ans d’embargo made in Washington, les cubains de Fidel Castro sont moins isolés que jamais. Ce sont désormais les États-Unis qui s’isolent eux-mêmes afin de résister à l’invasion d’une plèbe de gauche et basanée.

Plus que d’un « mur de la honte », pour reprendre l’expression du président mexicain (qui le compare, non sans raison, au mur israëlien), il s’agit d’un muret illusoire, d’une ligne de défense virtuelle, qui coûtera cher au Trésor public sans être réellement efficace. Cela mettra cependant un peu de baume au coeur des assiégés, tout en accroissant la fracture économique, sociale et culturelle séparant les deux pays.

Ado se promenant avec ses écouteurs sur les oreillesCe projet de cloisonnement continental me fait penser aux sans-abris qui claquent des dents, dans les rues de Montréal, au nez et à la barbe des passants emmitouflés dans l’univers sonore de leurs baladeurs numériques. Il suffit d’en faire l’expérience pour se rendre compte qu’une simple bulle de musique peut nous protéger en apparence du monde extérieur, en nous déconnectant de la réalité.

Avec de la musique dans les oreilles, on n’entend plus le quêteux qui demande un petit peu de change. On ne perçoit plus de façon aussi poignante le sort inacceptable de la pauvre vieille fouillant dans les poubelles. L’émotion musicale agit comme un pansement sur les blessures du monde qui nous entoure. Comme dans un décor de film, le réel devient irréel. Plus rien n’est grave. On est anesthésié.

C’est là toute l’essence du piège consumériste que nous avons créé de toutes pièce. D’insignifiants objets technologiques éloignent de notre sphère émotive et sensorielle l’infinie misère du monde. Ces gadgets nous permettent de nous bercer d’illusions de bonheurs fugaces nourries au fast food et à la télé-ralité, sur fond d’injustice sociale, d’environnement jetable et d’effet de serre. Nous pelletons en avant, sans comprendre que plus nous pelletons, plus le mur s’élève — et plus douloureuse sera sa chute.

Car, tôt ou tard, il faudra bien composer avec ce réel que les sud-américains, économiquement moins compromis que nous, prennent aujourd’hui à bras le corps. Tôt ou tard, nous devrons, nous aussi, prendre notre place dans un monde condamné à retrouver son équilibre, devenir monstrueux ou disparaitre. Espérons que nous opterons pour le premier choix, en commençant par retirer nos écouteurs lorsque quelqu’un nous parle dans la rue.

Le débat des chefs de pub

Téléspectateur avachi
Source: ClipartKey

Le Canada est en campagne. Après les premiers débats télévisés opposant — ou, plutôt, juxtaposant — les chefs des principaux partis fédéraux, une question demeure: s’agit-il d’une campagne électorale, publicitaire ou médiatique? La nouvelle formule pose en effet plus de questions médiatiques qu’elle n’apporte de réponses politiques. Résultat: cet exercice hautement démocratique s’apparente moins à un débat d’idées qu’à une longue pause publicitaire. Inévitablement, c’est la qualité de l’information offerte aux citoyens qui en fait les frais.

À première vue, pourtant, le citoyen est à l’honneur. Dans un effort louable pour lui laisser toute la place, la journaliste animant le débat ne fait que relancer les questions posées directement par un échantillon hétéroclite de citoyens et encadre les réponses données par les politiciens. N’est-ce pas là l’expression même de la démocratie participative? Pas vraiment, et ce pour plusieurs raisons.

  1. Les questions sont filtrées. Environ 10,000 questions ont été adressées par les citoyens, mais les états-majors médiatiques n’en ont retenu qu’une vingtaine. Selon quels critères? On ne le saura jamais.
  2. La mise en scène « télé-réaliste » domine. En effet, on est allé filmer les citoyens chez eux, dans la rue, au travail, ce qui ajoute une foule d’informations subjectives à leurs questions. De cet homme un peu hautain, qui attaquait le Bloc Québécois, par exemple, j’ai pensé qu’il avait un mobilier aussi cossu que quétaine. Cela a inévitablement influé sur la façon dont j’ai reçu sa critique.
  3. Le zapping est réducteur. La règle d’équité absolue, qui force les politiciens à exprimer des idées parfois complexes en 29 secondes et trois quart, n’a en effet aucun sens. Contrairement à un message publicitaire, la valeur d’une pensée politique ne réside pas dans sa concision, mais dans sa justesse et dans la nature de la conviction qui la porte — autant d’éléments qui ont besoin d’autant de temps et d’espace que nécessaire pour s’exprimer.
  4. L’absence de dialogue entre les adversaires, enfin, ne permet pas d’aller au bout des contradictions ou, au contraire, des similitudes qui existent entre leurs options. Il faut les appréhender à partir d’une juxtaposition de « clips politiques », ni plus ni moins, certains barbouillant à gros traits le linge sale de l’adversaire, la plupart lavant plus blanc que blanc.

Qu’est-ce qui ressort de cette heure de réclame? Pas grand-chose d’intéressant, d’où la déception et le désintérêt manifestés par le public pour ce débat. Comme par hasard, les quatre chefs de pub se sont déclarés satisfaits de leur prestation — et pour cause, puisque la formule leur évitait tout dérapage et incident majeur. Seul le Bloc Québécois a fini par la désavouer, admettant qu’elle « ennuyait » les citoyens.

Une fois de plus, la preuve est faite que « le médium est le message » et que le fast debate est à la démocratie ce que le fast food est au métabolisme. Cela fait quelques décennies que le médiatique dénature ainsi le politique, n’ayant pas pour mission d’éclairer la conscience citoyenne sur les enjeux véritables, mais plutôt d’alimenter en clichés cathodiques une « opinion publique » affective et mollement consentante. Il n’est donc pas étonnant que la propagande à courte vue remplace les projets visionnaires, ni que la corruption subsiste, ni que les méthodes autoritaires l’emportent sur l’art de la négociation.

Le pire, c’est que les journalistes, les politiciens et même les braves citoyens-inquisiteurs qui se prêtent à ce jeu lamentable ne s’en rendent pas compte, obnubilés par leur image et par les hallucinations cognitives auto-satisfaisantes qu’elle génère. On appelle cela la « démocratie d’opinion ».

Montréal souffle le chaud et le froid

Un bon -5°C n’a pas empêché 40 000 citoyens montréalais de défiler dans les rues afin d’exiger, de la part des industriels et des gouvernements, des actes concrets et immédiats pour contrer le réchauffement climatique.

Deux petites filles qui ont plus de vision que bien des adultes!

La Conférence de Montréal sur les changements climatiques n’en est pas à un paradoxe prêt. Cette semaine, la météo québécoise jouait au yoyo, passant de la douceur automnale à l’affirmation glaciale de l’hiver. Pour finir en beauté, une température inférieure à moins cinq degrés Celsius n’a pas empêché des milliers de citoyens — 6 000 à 40 000, selon les estimés — de réchauffer les rues de la métropole en exigeant des actes concrets et immédiats, à l’échelle locale, nationale et planétaire, pour contrer le réchauffement.

Il était particulièrement important que cette marche soit un grand succès populaire. De la Nouvelle-Angleterre au Quatar, de Londres à Beijing, de Paris à Sydney, les agences de presse du monde entier avaient, aujourd’hui, les yeux et les oreilles rivées sur Montréal, qui accueille la Conférence sur les changements climatiques de l’ONU.

Pourtant, qu’il y ait eu 6 000, 15 000 ou 35 000 citoyens dans la rue, aujourd’hui, il faut admettre que ce chiffre est encore bien faible par rapport à ceux du 15 février 2003, alors que plus de 100 000 montréalais défilaient, par moins quinze degrés, contre la guerre en Irak. Il faut dire que cette manifestation historique était la troisième en autant de mois et que, chaque jour, les médias agitaient devant la population le spectre de la guerre.

Que faut-il en conclure?

  • Probablement que la mobilisation populaire s’accentuera au fil des catastrophes économiques et des drames humanitaires que nous allons hélas! immanquablement subir au cours des prochaines années.
  • Qu’il reste un énorme travail médiatique à faire afin de convaincre les hommes de relever la tête ainsi que l’énorme défi qui les attend. L’être humain n’est pas très différent de l’autruche, en effet, avec sa tête toujours plongée dans le sable, à la recherche de pétrole ou d’un quelconque paradis, sans mesurer les conséquences de ses actes.

Raison de plus pour ne pas lâcher et pour organiser régulièrement d’autres marches symboliques comme celle-là. Bravo et merci à celles et ceux qui ont ainsi bravé l’effet de serre en se congelant le derrière. Un bâton de réglisse au bec, René Lévesque leur aurait certainement dit quelque chose comme : « À la prochaine fois ! » 😉

» Voir aussi mon album-photo.

Marche mondiale pour le climat

Comme des milliers d’autres citoyens à travers le monde, je participerai à la Journée internationale d’action pour le climat en marchant dans les rues de ma ville, le 3 décembre prochain.

Le globe terrestre entre nos main

Comme des milliers d’autres citoyens à travers le monde, je participerai à la Journée internationale d’action pour le climat en marchant, le 3 décembre 2005, dans les rues de ma ville, afin d’exiger des politiciens des actions sérieuses pour combattre les changements climatiques et assurer à l’humanité un avenir moins angoissant qu’aujourd’hui. C’est peu de choses, j’en conviens, mais il y a, en ce moment, des milliers de politiciens et d’activistes en ville. Un peu de pression citoyenne ne sera pas inutile. Qui plus est, c’est un petit quelque chose que je peux facilement faire, alors ce serait vraiment irresponsable de m’en priver. Et vous, au fait, que faites-vous, samedi ?

» Lire la dépêche de la PC sur Cyberpresse.
» Voir le reportage de TQS sur Branchez-Vous.
» Plus de détails sur le site du 3 décembre

Le vice et la vertu selon Stéphane Dion

Le ministre canadien de l’Environnement, Stéphane Dion, a cru faire sensation, hier, en plantant un arbre sur le Mont-Royal. Son coup de pelle était assorti d’un bon coup de pub… qui a fait long feu.


© monaerik (www.lecornichon.qc.ca)

Le ministre canadien de l’Environnement, Stéphane Dion, a cru faire sensation, hier, en plantant un arbre sur le Mont-Royal. Son coup de pelle était doublé d’un bon coup de pub, puisqu’il s’agissait d’annoncer que la Conférence des Nations-Unies sur les changements climatiques, qui se tient ces jours-ci à Montréal, serait neutre au plan des émanations de gaz carbonique. En d’autres termes, tout ce qu’elle produira comme GES, tant sur place que sous forme de transport aérien pour y acheminer ses 10000 congressistes, doit être compensé par la plantation d’arbres et l’achat de crédits compensatoires sur le marché des émissions polluantes. Peu d’observateurs, ceci dit, se sont laissés impressionner par ce geste.

David Ljunggren, journaliste de l’agence Reuters en poste à Ottawa, résume ainsi le problème : « Comment un pays ayant invité, de façon aussi tapageuse, le monde à faire plus afin de combattre les changements climatiques peut-il être aussi modeste lorsque vient le temps de réduire ses propres émissions de gazs à effet de serre ? »

Ce qui est insolite, c’est que c’est le Pembina Institute est partie prenante dans cette opération hautement symbolique. Or, cet institut d’éducation et de recherche en politique environnementale basé en Alberta se livre à une critique féroce de la politique énergétique canadienne qui favorise l’extraction des sable bitumineux hautement néfastes, en termes d’émission de GES, de cette province. La semaine dernière, il publiait notamment un rapport dévastateur dont le titre parle de lui-même : « La fièvre des sables bitumineux : implications environnementales de la ruée vers les sables pétrolifères du Canada »

Interrogé par le correspondant de Reuters à ce sujet, Stéphane Dion s’est fait à la fois cynique (« Il n’y a pas un pays qui dirait « Si nous disposions de ces gisements, nous garderions le pétrole qu’ils contiennent enfouis sous la terre ». Ils comprennent. Ils ne sont pas hypocrites. ») et complaisant (« Cela donne au Canada la capacité de générer des surplus et de financer [ainsi] mon plan d’action contre les changements climatiques. »).

Le pire, c’est que la seule réponse que le ministre a donné au sujet de l’incapacité canadienne à tenir ses engagements de Kyoto, c’est ceci : « Nous ne sommes pas les seuls dans le club. » Jolie mentalité. C’est un peu comme si le ministre de la Justice se défendait des dérapages de sa politique sécuritaire antiterroriste (affaires Maher Arar, Adil Cherkaoui, etc.) en expliquant que les Américains font encore pire à Guantanamo.

Mouais… Vu que c’est à peu près le cas, j’aurais pu trouver un meilleur exemple 🙁

Première neige

La première tempête de neige de l’année est tombée le 23 novembre, sur Montréal, soit à peu près en même temps que sur Genève.

La première tempête de neige de l’année est tombée le 23 novembre, sur Montréal, soit à peu près en même temps que sur Genève. On est encore loin du livre de Bernard Voyer, récemment présenté à Indicatif Présent, mais ce n’est qu’un début.

Le futur pape donne raison à Raël

Aux citoyens du monde de décider s’ils veulent Croire ou Agir. S’ils font le premier choix, bienvenue au XXIème siècle, celui de toutes les impostures, de tous les mirages virtuels et de la Bêtise infinie. S’ils optent pour le second, nous avons une chance de construire enfin une humanité digne de ce nom.

Humain rencontrant un extraterrestreDepuis quelques temps, la théorie de l’évolution, énoncée par le naturaliste britannique Charles Darwin en 1859, est remise en cause par les partisans du « Dessein intelligent » (Intelligent Design). Celui-ci n’est que la réincarnation du créationnisme, ce vieux dogme monothéiste, dans un costard pseudo-scientifique tissé de main de maître par les intégristes protestants américains. La supercherie est si bonne qu’elle s’attire les grâces de l’église catholique et, comme il fallait s’y attendre, Raël lui-même s’en sert maintenant pour justifier sa « révélation » du créationnisme extraterrestre. Reste à savoir jusqu’où ira le mélange des genres.

Comme chacun sait, la science a ses limites, qui sont celles de la méthode expérimentale. Ce qui ne peut être prouvé par a+b ne peut être considéré comme vérité scientifique. Ainsi, dans l’état actuel de nos connaissances, la théorie de Darwin, bien que maintes fois vérifiée, ne peut être prouvée hors de tout doute jusqu’aux origines de la vie et de l’univers. C’est dans la faille de ce doute raisonnable que les penseurs magiques enfoncent aujourd’hui leur pieu mensonger.

« Puisque vous ne pouvez pas prouver, hors de tout doute, que Dieu n’a pas créé, un jour, l’Univers, vous ne pouvez pas m’interdire de le croire car il est évident que la vie est si extraordinaire qu’elle ne peut qu’être le résultat d’un dessein intelligent, argumentent ces croyants. Or, si vous ne pouvez pas m’interdire de le croire, vous ne pouvez pas m’empêcher de l’enseigner aux enfants de ma ville, de mon pays, du monde entier. » CQFD. S’ensuit une lutte à finir, au sein des administrations scolaires américaines, sur la meilleure théorie à enseigner — le darwinisme scientifique ou le « Dessein intelligent ».

L’été dernier, le cardinal autrichien Christoph Schoendorf, souvent cité comme l’un des successeurs probables du pape actuel, s’est engouffré dans la brèche en rejetant dos à dos le darwinisme et le créationnisme. Je ne vois pas problème à combiner la foi dans le Créateur avec la théorie de l’évolution, aurait-il déclaré en substance, à condition que les limites de la théorie scientifique soient respectées. La lettre qu’il a publiée, le 7 juillet, dans le New York Times était encore plus claire et, dans une entrevue récemment accordée à Reuters, il précise qu’il se sent à l’aise avec la théorie du « Dessein intelligent » : « L’étape suivante consiste à se demander quelle est cette intelligence [assez puissante pour créer la complexité de la vie]. En tant que croyant, bien sûr, je pense qu’il s’agit du Créateur. »

Nous voilà donc au terme du voyage scientifique. Darwin était un grand savant, mais tant et aussi longtemps que la science s’imposera les limites de la raison, les croyances métaphysiques auront le champ libre pour combler le vide comme bon leur semble. Merci pour ce rappel, M. le Cardinal, et tant pis si nous y perdons les points cardinaux de la sagesse contemporaine.

Pur produit de l’évolution récente de la pensée catholique, Christoph Schoendorf ne se rend probablement pas compte, en effet, que sa théorie du Créateur divin embusqué derrière les éprouvettes de Darwin ne vaut pas mieux que celle de l’église raëlienne. Celle-ci ne s’est d’ailleurs pas fait prier pour surfer sur la vague sans scrupule. Tant qu’on ne pourra pas prouver que les extraterrestres soi-disant rencontrés par le pape de la sensualité infinie n’existent pas, en effet, les apprentis sorciers de tout poil et de toute tonsure n’auront d’autre choix que de valider également sa théorie comme étant de l’ordre du possible et, donc, digne de Foi — avec un « F » mage-uscule, comme dans Foutaises.

Aux citoyens du monde de décider s’ils veulent Croire ou Comprendre. S’ils font le premier choix, ils seront les bienvenus au XXIème siècle, qui sera celui de toutes les impostures, des mirages virtuels et de la Bêtise infinie. S’ils optent en majorité pour le second, nous avons peut-être une chance de construire une humanité digne de ce nom. Il s’agira moins d’un « Dessein intelligent » que d’une bataille quotidienne contre les vieux démons déguisés en moines qui continuent de nous hanter par-delà les siècles des siècles. Ainsi soit-il !

» Affutez vos crayons sur le site sceptiquement vôtre de Pierre Cloutier.

Maître Juppé sur son érable perché

Alain Juppé a encore six mois d’inéligibilité devant lui pour réfléchir, après quoi «la racaille» n’aura qu’à bien se tenir, coincée entre les muscles de Nic Sarkozy et le louvoiement en eaux troubles d’Al1 JuP.

Un corbeau sur une brancheCette semaine, par curiosité, je suis allé voir en ligne ce que pensait le délinquant (*) Alain Juppé, ex-Premier ministre de la France et professeur invité de l’École nationale d’administration publique du Québec, de l’embrasement des banlieues françaises. J’y ai d’abord lu, en date du 3 novembre, les propos singulièrement hésitants d’un politicien déboussolé par tout ce qui lui arrive.

Face à la réaction d’un Claude Lamotte, qui souhaitait connaître son avis précis sur trois axes (causes, finalités, remèdes), il s’est ensuite fendu d’une analyse fourre-tout où l’on retrouve notre autruche française, si fière de son vertueux ramage qu’elle en oublie les innombrables forfaits commis à l’encontre de ses anciennes populations coloniales.

Pendant trois siècles, en effet, la France a dominé, exploité, colonisé, maté, parfois torturé et même massacré ses populations africaines. Puis, dans la seconde moitié du XXème siècle, elle les a importées comme main d’oeuvre à bon marché, parquées dans des campements, puis des cités précaires (**), jusqu’à ces innommables univers concentrationnaires de banlieue où elles sont toujours mises de côté, rejetées à l’embauche, éloignées des postes de pouvoir, ignorées, méprisées, ostracisées, marginalisées, rabaissées, considérées comme une caste inférieure, même après trois générations, tout juste bonne à se tenir à carreaux ou à faire des conneries. Version juppéenne : « Ah mais si vous saviez tout ce que nous avons fait pour eux ! »

Le pire, dans l’attitude volatile de l’ancien premier ministre, c’est que sa ligne de défense en arrive à ce constat autruchien : « Responsabilité de la société française dans son ensemble qui n’a sans doute pas pris conscience que l’Islam était devenue la deuxième grande religion de France et devait être reconnue comme telle. (…) Responsabilité aussi de l’Islam de France. Car il faut bien en venir au coeur de la question! » Le coeur de la question, selon lui, c’est l’Islam radical. Lumineux, n’est-ce pas ?

Suit une dissertation sur les droits de l’homme et la séparation de l’église et de l’État. À quoi bon accorder tant d’importance aux religions de France, Monsieur le professeur, puisque vous les disqualifiez d’emblée ? Votre devoir de réthorique de niveau sous-collégial a reçu ce qu’il méritait — une multitude de réactions parfois néo-vichistes, parfois intelligentes, mais le plus souvent en total désaccord avec votre interprétation sécuritaire. Bush nous a déjà fait le coup de la guerre au terrorisme une fois, avec le résultat que l’on sait. Merci bien.

Du coup, face à cette singulière levée de bouclier, Maître Juppé, sur son érable perché, s’est finalement senti obligé de mettre un peu de lait dans son fromage en étalant la science des autres — probablement parce que la sienne a démontré son inanité à tous les niveaux, économique, social, environnemental, éthique et judiciaire. Dans un collage impressionniste publié le 15 novembre, l’énarque déchu cite les rapports du Haut Conseil à l’Intégration (que de hautaines majuscules !) et de la Cour des Comptes sur la question de l’accueil des immigrants et de l’intégration des générations subséquentes : « Ces rapports (…) aboutissent tous à la même conclusion: le modèle d’intégration à la française est en panne, d’autant plus que les populations issues de l’immigration sont très fortement concentrées (…). » CQFD.

Pour conclure, il fallait bien vanter les réalisations inoubliables des autorités françaises en la matière. Sans rire, Juppé cite « notamment la création du « contrat d’accueil et d’intégration » (CAI) et surtout la mise en place de la Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et pour l’Egalité (HALDE) dont la présidence a été confiée à l’ancien patron de Renault, Louis Schweitzer ». Ligne de défense typique du technocrate. Quel est l’imbécile, en passant, qui a confié la présidence de cette Hautaine Autorité à un type s’appellant Louis Schweitzer ? N’y avait-il pas un français issu de l’immigration assez instruit et qualifié pour la fonction ? Si oui, comment se fait-il qu’on ne l’aie pas nommé à ce poste hautement symbolique ? Et sinon, qu’attend la France pour faire en sorte que cela soit possible ? Poser la question, c’est y répondre.

Aussi aveugle qu’il soit, Alain Juppé s’amende quelque peu dans sa conclusion : « Toutes les mesures gouvernementales resteront insuffisantes s’il n’y a pas un changement de comportement et une authentique volonté d’intégration du corps social tout entier. » Le bon diagnostic posé, il reste cependant muet sur les remèdes. Il faut dire qu’il a encore quelques mois d’inéligibilité devant lui pour réfléchir et sonder l’opinion sur son blogue, après quoi « la racaille » n’aura qu’à bien se tenir, coincée entre l’esbrouffe musclée de Nic Sarko et le louvoiement en eaux troubles d’Al1 JuP.

*Alain Juppé : côté pile et côté face.
** Lire, à ce sujet, les édifiants ouvrages de Dalila Kerchouche, Mon père, ce harki et Destins de harkis. Aux racines d’un exil.

L'autruche et l'effet de serre

Cet article traite des récentes émeutes des banlieues françaises, lesquelles ont introduit une nouvelle unité de mesure dans la trousse d’analyse médiatique courante : la voiture brûlée.

Une autruche la tête dans le sableCet article traite superficiellement des récentes émeutes des banlieues françaises, lesquelles ont introduit une nouvelle unité de mesure dans la trousse d’analyse médiatique courante : la voiture brûlée. En pensant à tous les signes annonçant, depuis des lustres, cette flambée de destruction massive, j’envisageais, au départ, de lui donner un titre dans le genre « L’autruche qui voulait chanter aussi fort que le coq ». Mais, après avoir lu et entendu de nombreuses réactions pertinentes, la mise en perspective avec le caractère incontrôlable des changements climatiques m’a semblée plus urgente et tout aussi essentielle.

Tout le monde a son idée sur les causes de la révolte, bien sûr, mais personne ne sait exactement quoi faire pour l’endiguer à long terme. Histoire de jeter un peu d’huile sur le feu, les gens de droite rejettent la faute sur « la racaille ». Les gens de gauche, quant à eux, stigmatisent les politiques d’intégration totalement inefficaces de tous les gouvernements français depuis la Guerre d’Algérie (y compris ceux de gauche) et, plus généralement, l’attitude ségrégationniste — quand ce n’est pas franchement raciste — de ces « français de souche » dont l’une des expressions refoulées favorites est  : « Pas d’arabe dans ma cour ! ».

Quoi qu’il en soit, le mal est fait et l’on ne voit guère comment s’en sortir. Après un automne très chaud, quand bien même l’autruche française sortirait enfin la tête des sables brûlants du désert où elle s’enlise, il ne faut pas s’attendre à ce que le climat social de ses banlieues dérougisse rapidement. Pas de miracle.

Il en va exactement de même pour le climat atmosphérique de notre chère planète. Lui aussi ira en s’aggravant, comme chacun sait, selon la loi voulant que les systèmes complexes sont aussi longs à mettre en branle qu’à arrêter. Ce serait tout de même encourageant que les centaines de décideurs politiques, qui seront bientôt réunis à Montréal pour en discuter, sortent un peu la tête du sable et cessent de vouloir régler ce méga problème sans remettre en cause une croissance industrielle n’ayant plus ni queue ni tête. À force de se fourrer le tête dans le sable, en effet, on fini par avoir chaud au cul !

En passant, y aurait-un lien de cause à effet entre les émanations polluantes des automobiles et le fait que c’est à elles que les jeunes révoltés français mettent le feu ? J’en doute, mais je ne pleurerai pas sur quelques tas de ferraille calcinée si cela peut épargner la vie d’un seul de mes arrière-petits-enfant dans 100 ans.

La Révolution tranquille à la conquête du monde

Dans la bouche d’André Boisclair, la souveraineté du Québec traduit l’aspiration pacifique d’un peuple intelligent et généreux à se donner les moyens d’un développement juste, ouvert sur le monde et compatible avec le grand défi planétaire du développement durable. Du coup, la Révolution tranquille a le potentiel de se transformer en un souffle de progrès mondial.

Photo d'André BoisclairDure semaine. La France espère cautériser sa fracture sociale avec un couvre-feu. Tony Blair est désavoué par ses députés dépités. Les États-Unis banalisent les détentions arbitraires et la torture. Le Canada est ingouvernable. Les néo-libéraux de Québec tentent d’amadouer les syndicats en se fâchant contre les néo-libéraux d’Ottawa. Malgré tout ce marasme, le Parti Québécois résiste encore et toujours à la morosité. Mieux encore : il profite de son séjour forcé dans l’opposition pour se projeter au coeur du XXIème siècle !

La course à la chefferie du Parti Québécois qui vient de se terminer fut la plus longue de l’histoire de ce pays et la plus démocratique, aussi. La campagne, en effet, a été financée selon les règles du financement électoral du Québec, sans qu’aucun candidat ne soit plus avantagé qu’un autre au plan financier. Au cours de la soirée des résultats, les militants du parti se sont replongés dans leur histoire, un vieux rêve de pays et de justice sociale jalonné de discours, de René Lévesque à Bernard Landry. Quoi de plus intelligent, pour panser les plaies de la bataille, que d’évoquer l’héritage commun ? Quoi de plus pertinent que de s’appuyer sur le passé pour mieux se projeter dans l’avenir ?

Contrairement aux atermoiements des démocraties précitées, c’est bien d’avenir qu’il s’agit ici. Notons, tout d’abord, qu’une majorité de 53% des 140 000 militants du parti donnèrent à celui-ci, dès le premier tour, un chef de 39 ans à l’homosexualité assumée, qui a dû avouer, en cours de campagne, avoir déjà consommé de la coke quand il était ministre, il y a de cela plusieurs années. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’André Boiclair, malgré ses bonnes manières et son diplôme de Harvard, n’a rien d’un vieux lambris à la française ni d’un bigot manichéen made in Texas. On peut donc espérer qu’il soit plus apte à élaborer un jugement rationnel qu’à se conformer à des préjugés d’un autre âge.

Le projet de gouvernance esquissé, ce soir, par André Boisclair brille justement par sa clairvoyance et sa portée universelle. Se mettant au service du peuple québécois, se donnant comme premier objectif de conduire celui-ci à l’indépendance, il revendique la souveraineté au nom du droit du Québec à partager avec le monde ses grands principes d’humanisme et à participer à une mondialisation bien différente que celle que nous connaissons actuellement — une mondialisation à caractère social, écologiquement viable et solidaire.

Les ennemis naturels du « PQ » qualifieront probablement ces propos de démagogiques, trop concentrés qu’ils sont sur leurs privilèges et leurs réflexes à courtes vues. Les jeunes d’ici et d’ailleurs, de même que les progressistes de tout âge, y discerneront néanmoins les prémisses d’une façon radicalement nouvelle d’aborder la politique. La vision qui semble animer le politicien Boisclair semble à la fois ouverte sur le monde et centrée sur les véritables défis auxquels nous faisons face. Une fois l’indépendance acquise, ses priorités affichées vont à l’éducation et à l’environnement, les deux mamelles du progrès humain au XXIème siècle — pas à la croissance stérile d’une richesse matérielle hypothéquant notre avenir.

Expliquée par André Boisclair, la souveraineté du Québec ne peut plus être caricaturée en « revanche des perdants » comme le font les tenants du fédéralisme canadien depuis des lustres. Elle traduit l’aspiration pacifique d’un peuple intelligent et généreux à se donner les moyens d’un développement juste, ouvert sur le monde et compatible avec le grand défi planétaire du développement durable. Du coup, la Révolution tranquille a le potentiel de se transformer en souffle universel de progrès. Si c’est cela, la souveraineté, que son règne vienne et vivement les dernières élections provinciales !

Cachez ce char que je ne saurais zapper !

Quelle différence entre une bagnole et un paquet de cigarettes ? Aucune. Ça pue, ça pollue, ça coûte une fortune en soins de santé et il n’y a pas que ceux qui roulent qui en font les frais. Pourquoi ne pas interdire également la publicité automobile à la télé ?

Une auto enfumant un piétonQuelle différence entre une bagnole et un paquet de cigarettes ? Aucune. Ça pue, ça pollue, ça coûte une fortune en soins de santé et il n’y a pas que ceux qui roulent qui en font les frais. Pourtant, alors qu’on interdit la réclame pour les cigarettes à la télévision, on nous y bombarde de pubs de bagnoles à raison de deux ou trois par coupure. C’est tellement énervant qu’il me vient une idée. Pourquoi ne pas interdire la publicité automobile à la télé ?

À la différence de la cigarette, direz-vous, la bagnole est un équipement utile à la société. Certes, mais en considérant les coûts environnementaux indirects induits par les gazs d’échappement à long terme, l’industrie automobile est cent mille fois plus nocive et meurtrière que celle du tabac. Alors, comment se fait-il qu’elle fasse encore sa pub à la télé ? N’est-ce pas là deux poids, deux mesures ?

Peu à peu, la plupart des grandes villes en viennent à interdire la cigarette dans les lieux publics, y compris les restaurants. L’objectif de ces politiques coercitives est de restreindre le tabagisme, tout en évitant aux non-fumeurs de respirer la fumée secondaire, qui fait d’énormes ravages, comme on le sait maintenant. Mais n’est-ce pas bien pire en ce qui concerne la bagnole ?

Si oui, comment se fait-il que les grandes villes du Québec, du Canada et des États-Unis ne restreignent pas encore la circulation automobile au centre-ville ? Des milliers de piétons, de cyclistes et d’usagers des transports en commun y circulent pourtant chaque jour. Encore deux poids, deux mesures ? Voyons, soyons cohérents  !

De Montréal à Kinshasa

Je viens à peine de découvrir le nouveau blogue de mon camarade Kim Gjerstad, un jeune Montréalais expatrié à Kinshasa (Congo). Kim a notamment construit et dirigé le site Web de la radio de l’ONU avant de prendre le virage vert de la défense de la nature et de l’environnement dans cette partie de l’Afrique.

Kim sur sa terrasse surplombant le fleuve CongoOuf ! Après cinq semaines d’immersion dans le « workaholisme » le plus total, l’édition 2005 du colloque annuel du RISQ est maintenant terminée. Je vais enfin pouvoir reprendre ma vie de blogueur 🙂

À ce sujet, je découvre avec plaisir le nouveau blogue de mon camarade Kim Gjerstad, un jeune Montréalais expatrié à Kinshasa (Congo) depuis quelques années. Kim a notamment construit et dirigé le site Web de la radio de l’ONU avant de prendre le virage vert de la défense de la nature et de l’environnement dans cette partie de l’Afrique. Un carnet à suivre, ne serait-ce que pour nous rappeler que notre monde n’est pas plus extraordinaire que le sien.