La démocratie d'opinion

Denise Bombardier avait raison de rappeler, samedi dernier, aux lecteurs du Devoir, que la majorité des politiciennes et des politiciens sont des gens de conviction n’ayant rien à voir avec les bandits voleurs et corrompus qui se glissent parfois parmi eux.

Sondage ou élection?

Denise Bombardier avait raison de rappeler, samedi dernier, aux lecteurs du Devoir, que la majorité des politiciens sont des gens de conviction n’ayant rien à voir avec les bandits voleurs et corrompus qui se glissent parfois parmi eux. Reste qu’en « haut lieu », le pouvoir est affaire d’oligarchie et que l’on s’y méfie comme de la peste de ce peuple dont l’on prétend tirer sa légitimité. La vérité, c’est que le système électoral canadien tient systématiquement à l’écart du pouvoir des pans entiers de l’opinion. Il se résume à cette expression populaire : « Au plus fort la poche ! »

Curieusement, pourtant, les campagnes électorales canadiennes sont marquées par un autre type de scrutin — le sondage d’opinion — dont le résultat brut représente une sorte d’idéal n’ayant qu’un rapport très indirect avec l’issue formelle de l’élection. Cela tient, bien entendu, à la non-universalité des sondages, qui sont comme des cuillères plongées dans la soupe pour en tester le goût. Cela tient aussi, comme expliqué plus haut, aux distorsions du mode de scrutin lui-même, qui accorde le pouvoir à la minorité ayant conquis le plus de sièges de députés, la plupart du temps sans égard pour les autres. Il en ressort un large mécontement des électeurs, confrontés à de savants sondages calqués sur l’économie de marché n’ayant rien à voir avec le résultat empirique de la bataille électorale. Dans ce contexte, on peut dire que le gouvernement minoritaire est le seul garant d’un semblant de véritable démocratie.

En réfléchissant à tout ceci, il vient un autre mode de scrutin à l’esprit, que j’appellerai « scrutin proportionnel relatif à un tour ». Il s’agirait, tout simplement, d’appliquer la méthodologie des sondages à l’ensemble de la population, en tenant compte du positionnement relatif de chaque parti dans l’esprit de chaque électeur. Voici le type d’instruction qui serait donné à l’électeur :

Vous disposez de 10 points de vote. Répartissez-les dans les cases de la colonne de droite, en fonction de vos préférences relatives pour chacun des candidats :

Candidat Parti Points
Jean Chose Conservateur
Pierre Machin Bloc Québécois
Marie Truc Libéral
Lyse-Anne Bidule Verts
Bob Stuff NPD

Ainsi, l’électeur voterait pour plusieurs candidats et partis politiques, en dosant le poids de chaque vote selon ses préférences relatives. On répartirait ensuite les sièges disponibles selon une arithmétique restant à définir, mais qui s’inspirerait probablement du système allemand. Par exemple, on pourrait mesurer l’intérêt des électeurs pour le programme du parti national, d’une part, et pour leur candidat local, d’autre part. Il suffirait alors d’attribuer le nombre de sièges remporté par chaque parti aux candidats ayant obtenu, dans ces partis, la plus grande proportion d’adhésion personnelle.

Ainsi, le résultat serait donc doublement proportionnel et absolument conforme aux inclinaisons profondes des électeurs — pas seulement au moindre mal qu’ils choisissent actuellement. Les dérives partisanes, les « parachutages » et autres stratégies machiavéliques deviendraient moins gratifiantes. Le plus dur serait de bâtir une loi électorale acceptée par tous, parmi toutes celles que la subjectivité scientifique rend possible. Passé ce écueil, cependant, on se retrouverait avec un éventail de députés beaucoup plus ouvert qu’actuellement. Les caucus de parti en sortiraient presque toujours minoritaires et, donc, tenus de composer avec d’autres courants de pensée pour gouverner.

Une telle situation rendrait l’art du gouvernement plus difficile, certes, mais également plus subtil. Il s’agirait d’une véritable démocratie fondée sur le respect des opinions, le dialogue et la recherche de consensus acceptables, comme devrait l’être la vraie vie. En cas d’échec, les citoyens ne pourraient s’en prendre qu’à eux-mêmes et tenter de trouver des solutions par la persuasion et la négociation.

Parions qu’avec un bon système éducatif à la clé, la population s’accomoderait de la situation avec beaucoup moins de cynisme qu’aujourd’hui. Comme dit Alan Kay, la meilleure façon de prédire l’avenir est de l’inventer 🙂

3 réflexions sur « La démocratie d'opinion »

  1. très bon ce systeme de vote proportionnel
    en france dans les communes de – de 1500 habitants les listes sont nominales – on vote pour des noms mais c’est différent
    je vais lire votre blog (il est 00h07 en france!) tout à l’heure – continuez sur ce que j ai deja vu
    vous avez voté pour qui aux dernières elections?

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