Les fous du dieu Liberté

La colère des peuples musulmans s’étend maintenant de l’Europe à l’Asie, en passant par un Moyen-Orient.

Coran

Ainsi donc, la « crise des caricatures » prend des proportions titanesques. La colère des peuples musulmans s’étend maintenant de l’Europe à l’Asie, en passant par le Moyen-Orient. L’Occident oscille entre l’embarras diplomatique, la peur sécuritaire et la stigmatisation de ces « Fous de Dieu » arriérés, pétant les plombs pour une simple raillerie humoristique. Certains y voient la preuve de leur supériorité rationnelle, de leur sagesse démocratique et de la sacro-sainteté de leur chère « liberté ».

Sacro-sainteté? Aouch ! Le paradoxe s’installe. Il n’y avait rien de « raisonnable », en effet, à publier (et encore moins à republier !) ces caricatures mordantes du prophète Mahomet. Dans le contexte actuel de conflit USA/Irak, de bras de fer Occident/Al Quaeda, de duel Israël/Palestine, de tensions ethniques européennes et de paranoïa politico-sécuritaire américaine, un tel geste de défi était évidemment déplacé et dangereux.

Qui sont-ils donc, ces journalistes de France Soir, pour trainer l’idée essentielle de « liberté d’expression » dans les eaux troubles d’intentions aussi malsaines que stupides? Ne sont-ils pas les fous d’un Dieu aveugle nommé « Liberté » pris au piège d’une posture d’assiégés? Est-ce qu’un homme libre peut cracher dans la soupe de son voisin? Si oui, pourquoi alors condamner un Faurisson ou un Georges Theil du fait de leur négationnisme? Pourquoi réclamer des excuses d’un Jeff Filion pour ce qui n’était, après tout, qu’une simple caricature radiophonique?

Cette affaire démontre, par voie de conséquence, la fureur religieuse des masses musulmanes, certes, mais il ne faudrait pas oublier la causalité occidentale qui l’a provoquée. Celle-ci a un nom pluriel : religions. Religion médiatique, religion politique, religion économique, religions individualiste, productiviste, ethnocentriste. Toutes ces religions qui s’ignorent se fondent sur l’oubli de 5 000 ans d’histoire pendant lesquels nos ancêtres sont sortis des grottes où ils se mangeaient les poux sur la tête afin de bâtir des civilisations. Et quelles civilisations !

  • Civilisation esclavagiste de la Grèce antique, entrecoupée de guerres sanglantes et d’escarmouches effacées de nos mémoires par la poésie d’Homère et la sagesse de Platon.
  • Civilisation décadente de Rome, l’empire ultime aux phalanges redoutables, adulé par Napoléon et sublimé par des générations de fervents latinistes.
  • Civilisation des Croisades, cette terrible période de fureur chrétienne pendant laquelle les Maures eurent à payer très cher leur indifférence au dieu des Francs.
  • Civilisation de l’économie de plantation et de son corollaire, la violence coloniale.

Huit cent ans nous séparent de la fin de la Quatrième Croisade et on dirait que George Bush, le bouché du Capitole, se considère encore comme le rois des Francs. Seulement six cent ans séparent la mort du prophète chrétien de celle du prophète musulman. Le 26 juillet 1826, il n’y a que 180 ans, la dernière victime de l’Inquisition espagnole fut pendue à Valence. Qui sommes-nous pour donner des leçons?

L’Occident se réclame à tout bout de champ de la liberté d’expression, mais il ne se gêne pas pour s’autocensurer quand cela fait son affaire. Dans les hautes sphères du clergé économique, on signe sans broncher des Clauses de Confidentialité vertigineuses et on attaque le moindre détracteur en justice pour diffamation. En fait, nous nous pensons des siècles en avance sur l’Islam pour la simple raison que nous adorons les stigmates de la « modernité » et que cette foi nous aveugle. Il y a mille ans, les habitants de Bagdad n’étaient pas moins lucides que nous.

Arrêtons un instant de prier sans nous en rendre compte et ouvrons les yeux. La seule liberté d’expression valable est celle qui s’ouvre aux autres sans oeillères, qui dialogue en toute liberté — et en tout respect — avec l’humanité. Que ceux qui ne le savent pas encore s’instruisent en lisant le dernier ouvrage du philosophe Jean-Claude Guillebault, La force de conviction. Ils y puiseront peut-être la force de croire en un avenir viable et la sagesse de ne pas provoquer l’éruption des volcans.

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