Patriotisme et nationalisme

Amin Maalouf : « Les nationalistes rêvaient de domination totale quand ils appartenaient à l’ethnie majoritaire, et de séparatisme quand ils appartenaient aux communautés minoritaires; l’Orient misérable d’aujourd’hui est le monstre né de leurs rêves conjugués. »

Enver Pacha
Ismail Enver (photo: Wikipedia)

J’ai placé un signet à la page 166 d’Origines, le roman biographique familial de l’écrivain libanais Amin Maalouf, que je lis actuellement. Ce passage pourrait être d’intérêt lors d’une prochaine bataille politique au Québec. L’empire auquel il y est fait allusion n’est pas l’Empire britannique, mais l’Empire ottoman, dont le Liban faisait partie au début du XXème siècle. Citation :

« Il y avait, à l’évidence, un grave malentendu. Qui allait peser sur le destin de mon grand-père, mais également sur celui de l’Empire au sein duquel il avait vu le jour. Botros était un patriote. L’officier dont il avait emphatiquement salué l’épée à l’aube de la révolution était un nationaliste. On a trop souvent tendance à rapprocher les deux attitudes, et à considérer que le nationalisme est une forme accentuée du patriotisme. En ce temps-là — et sans doute à d’autres époques aussi — la vérité était toute autre : Le nationalisme était exactement le contraire du patriotisme. Les Patriotes rêvaient d’un Empire où coexisteraient des peuples multiples, parlant diverses langues et professant diverses croyances, mais unis par leur commune volonté de bâtir une vaste patrie moderne qui insufflerait aux principes prônés par l’Occident la sagesse subtile des âmes lévantines. Les nationalistes, eux, rêvaient de domination totale quand ils appartenaient à l’ethnie majoritaire, et de séparatisme quand ils appartenaient aux communautés minoritaires; l’Orient misérable d’aujourd’hui est le monstre né de leurs rêves conjugués. »

Fin de citation. Remplacez le mot « Orient » de la dernière phrase par le mot « Canada » (si vous êtes patriote) ou « Québec » (si vous êtes nationaliste) et le tour est joué.

5 réflexions sur « Patriotisme et nationalisme »

  1. Fin de citation. Remplacez le mot «Orient» de la dernière phrase par le mot «France» ( si vous êtes patriote) ou «Occitània» (si vous êtes nationaliste) et le tour est joué.

    Mais le problème est que la sémantique peut être utilisé à toutes les sauces de la science politique… car chez nous, en Occitània, on parle de « petite patrie » pour l’Occitània, face à la France qui serait alors la « grande patrie ». Et le nationalisme français est un impérialisme, ou un nationalisme d’expansion, il n’arrive même pas à savoir comme il agit, mais il est là pour détruire la langue et la culture occitane, depuis plus de six siècles.

    Et l’État sorti de l’effondrement de l’empire Ottoman est un État à l’image de la France, centraliste et laïc, dont le nationalisme a aussi comme modèle le français, impérial et d’expansion.

    L’Empire Austro-hongrois fut aussi un État à plusieurs nationalités et il fut détruit avec la théorie de Woodrow Wilson sur l’établissement des États-Nations en Europe, mais ceci ne veut pas dire que la société soit pure ethniquement… D’où la charte européenne des minorités linguistiques, afin de rentrer dans l’Union Européenne, mais cette charte se doit d’être imposée à la République laïque turque, pas à la république centraliste de France…

    Le continent américain a besoin de savoir de l’histoire de l’Europe pour bâtir une société plurinationale au Canada ou aux États-Unis-d’Amérique du Nord, mais aussi pour les États d’Amérique du Sud…

  2. Merci de ce long commentaire en langue impérialiste, Jacme 🙂 Mais dites-moi, les Occitans déclarés d’aujourd’hui rêvent-ils encore d’indépendance ou bien cherchent-ils, plus prosaïquement, à mieux définir leur identité collective au sein de l’État supranational européen ?

    Si votre combat est plus culturel que politique, vous êtes moins nationalistes que les souverainistes québécois et c’est le concept d’individualisme qu’il vous faudrait interroger, plutôt que votre statut national. Si le combat est politique… well, je vous souhaite bonne chance d’ici à la prochaine glaciation ;->

    Bom blogacion occitana ! 🙂

    C.A.

  3. Fascinant commentaire, mikael. Du moment que tu ne prends pas un fusil pour me le mitrailler en pleine poitrine, j’accepte ta contribution. La prochaine fois, cependant, essaie de réfléchir à ce que celle-ci peut apporter à la discussion. Si ça ne sert à rien, passe ton chemin, merci.

  4. Adishatz,
    Agur,
    Bon Dia,
    Demat,

    Le mot « combat » ne me convient pas ; c’est un débat démocratique.

    L’indépendance ne se mérite que si il y a un contenu, et le contenu n’existe que si une administration est en place pour prendre le relai de l’impériale ou bonapartiste. Sinon, on aura les problèmes africains de la fin du siècle dernier.

    Je conseille à tous les independantistes de vérifier leur emploi du terme « nation » et surtout d’aller revoir la définition latine, afin d’éviter toutes les transformations – manipulations politiques – des siècles qui suivirent.

    Il n’y a pas de culture sans langue. La lenga es politica en França, la lenga es causa de la politica.

    Mais que la France soit dans le développement politicien et hypocrite de la « diversité culturelle », j’en conviens.

    Il faudra aussi expliquer à ‘mikael’ qu’une langue s’«aurthôgräafi» (edr espetat de rire = lol en français …sic!).

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