N’oubliez pas le service !

 

Cette chronique a été publiée le 1er mars 1999 dans Multimédium, le cyberquotidien des TIC effacé du cyberespace par Québecor Media en mai 2002.



L’accès à haute vitesse, c’est bien.
Un vrai service Internet, c’est mieux!

 

Christian Aubry en 1999Après avoir goûté pendant deux mois aux délices de l’accès Internet Édition Haute Vitesse de Bell Sympatico, j’avoue qu’il n’est pas facile de revenir à ce bon vieux modem 56K. C’est pourtant ce que je vais faire, en attendant qu’un vrai fournisseur Internet m’offre un service à la hauteur de mes attentes.

Flash back : le 13 janvier dernier, à la suite d’un article et d’un méli-mélo de chiffres dans notre forum, le service de presse de Sympatico acceptait de me prêter un modem DSL Nortel pour une durée de deux mois. Bien entendu, cette offre comprenait l’accès Internet à haute vitesse, cinq mégaoctets d’espace disque pour ma page personnelle et un compte de messagerie.

Pas de problème avec le modem 1-Meg de Nortel que j’ai installé moi-même en un tournemain. Sa vitesse est très comparable à celle du modem câble, même si son rendement m’a semblé meilleur sous Windows NT que sous Windows 98. Dans les deux cas, cependant, les graphiques des pages web « descendent » nettement plus vite qu’avec un modem téléphonique V.90 et les gros fichiers, type Netscape Communicator (14 Mo!) « rentrent » à la vitesse de l’éclair!

À plusieurs reprises, j’ai consulté le service téléphonique d’aide aux abonnés de Bell Sympatico (310-SURF). L’attente dure parfois cinq à dix minutes (aouch!) mais le technicien qui finit par répondre est généralement aussi aimable que compétent.

Tout allant bien dans le meilleur des mondes, je décidais la semaine dernière de garder le modem 1-Meg chez moi et de m’abonner au service à mes frais. D’un point de vue politique, je me sentais un peu piteux d’abandonner mon fournisseur actuel, un « indépendant » qui m’offre un excellent service depuis deux ans. Ceci dit, mettez-vous à ma place : quand on a croqué la pomme, c’est dur de se remettre aux petits pois!

Il a donc fallu que je déménage mes pages Web sur les serveurs UNIX de Sympatico. Et c’est là que les choses se sont mises à clocher…

Pas de Telnet sur le site que vous avez demandé!

 

Le site de ma fille comprend une section de photos de famille réservée à ses amis, grand-parents et cousins vivant en Europe — une précaution compréhensible lorsqu’on pense aux malades qui butinent parfois sur le Net. Le répertoire contenant ces agrandissements est gardé par un petit programme standard UNIX connu sous le nom de htpasswd qui fait que sa consultation nécessite l’entrée d’un mot de passe. On installe ça en trois minutes en exécutant quelques commandes sur le site sous le protocole Telnet.

Mais voilà: par mesure de « précaution », m’a-t-on dit (???), Sympatico ne vous laisse pas accéder à vos propres pages Web en Telnet. Impossible également d’installer sur votre site un programme CGI, pas même ceux fournis avec la dernière version de Web Expert.

La solution à mon problème? « Vous pouvez toujours installer un système de mot de passe en JavaScript, ou bien avec un autre logiciel, m’a expliqué l’affable technicien. Mais, attention: c’est à vos risques et périls car nous ne supportons pas ce type de fonctionnalité. »

OK, ai-je répondu, quelle solution logicielle aussi simple et efficace que htpasswd me conseillez-vous? Après trois minutes de mise en attente, la réponse est tombée: « Écoutez, je n’en sais rien. Je sais que cela existe, à vous de la trouver. »

Un service taillé pour les « internouilles »

 

Dimanche, j’ai rendu visite à mon beau-père qui vient (enfin!) de se brancher à Internet. « Je ne savais pas quel fournisseur choisir, dit-il, il y en a tellement! Quand j’ai vu la publicité de Sympatico à la télévision, et compte tenu de la réputation de Bell, j’ai décidé d’embarquer… »

Armé du beau CD-ROM qu’il a reçu par la poste, mon cher beau-père a installé le Kit Sympatico sur son Pentium II 350 Mhz flambant neuf, équipé d’un modem V.90 à 56 Kbps. Il a bien été un peu déçu par la vitesse extraordinairement lente d’apparition des sites, mais comme il s’agissait de sa première expérience, il ne s’en est pas inquiété.

C’est que le Kit Sympatico installe, par défaut, une connexion avec le point de branchement à 28,8 Kbps le plus proche. Si vous souhaitez surfer à 50 Kbps et plus (encore faut-il savoir que c’est possible!), il faut trouver le numéro adéquat et modifier la connexion manuellement. Évidemment, personne ne prévient les nouveaux abonnés de ce petit détail. J’ai des amis qui sont restés comme cela pendant six mois sans savoir qu’ils gaspillaient inutilement leurs précieuses heures de connexions.

Sans parler du fait que la version de Netscape Communicator livrée en standard est la 4.05, laquelle comporte une dangereuse faille de sécurité rendant périlleuse, par exemple, les transactions bancaires par Internet. Bien entendu, nulle part chez Sympatico — ni sur le site, ni via le support téléphonique — on ne propose aux abonnés de passer à une version déboguée — la 4.08 ou, mieux, la 4.5.

« Le service Sympatico est effectivement fait pour M. et Mme Tout-le-Monde, pas pour le « power user » », m’expliquait vendredi dernier Michel Lessard, directeur de l’intégration technologique de l’entreprise à qui j’expliquais mon problème de Telnet. L’anecdote de mon beau-père indique de surcroît que, même pour l’« internouille » de base, comme on dit, la qualité de service n’est pas ce qui étouffe Sympatico. Et l’on pourrait en dire autant du service InfiniT de Vidéotron, qui met la barre à peu près aussi bas envers ses propres clients.

Rendez-nous la concurrence!

 

Ceci nous ramène au point de départ. Actuellement, un peu partout au Québec, il y a des entreprises compétentes qui ont cru à Internet dès ses balbutiements. En situation de concurrence mutuelle et proches de leurs clients, elles ont pour souci d’offrir à ceux-ci la meilleure expérience possible.

Or, ces véritables fournisseurs de services Internet sont menacés par les gros budgets de marketing des entreprises de téléphone et de câblodiffusion qui ont la haute main sur l’accès haute vitesse et font tout, ces temps-ci, pour les en écarter.

Je peux fort bien comprendre qu’avec 500 000 abonnés, Sympatico ou InfiniT visent un marché de masse et ne souhaitent pas s’embarrasser des subtilités technologiques réclamées par une minorité d’utilisateurs. Reste qu’en bloquant l’accès de leurs réseaux aux fournisseurs indépendants — qui par des tarifications anti-concurrentielles, qui en traînant de la patte sous de fallacieux prétextes — ces opérateurs m’empêchent de profiter pleinement de la technologie actuelle.

Au lieu de casser les prix à outrance pour dominer le marché sur la base d’un monopole obsolète (bâti grâce à nos redevances forcées, ne l’oublions pas), ces géants aux pieds d’argile feraient mieux de se concentrer sur ce qu’ils savent faire le mieux: fournir des technologies et des réseaux de pointe à des entrepreneurs inspirés et attentifs qui sauront les exploiter efficacement.

Mon fournisseur peut être rassuré. Tant que la situation perdurera, je resterai fidèle à son excellent service, sans attente au téléphone, avec une solution à tous mes problèmes, des conseils judicieux et un visage humain. Tant pis pour la vitesse.

Mon petit doigt me dit que Bell Canada comprendra bientôt quel devrait être son vrai rôle dans le déploiement de cette technologie. Si tel est le cas, je naviguerai à nouveau sur sa ligne numérique… avec la qualité de service correspondant à mes attentes et dispensée à un prix raisonnable par le fournisseur de mon choix.

Ami calmant,

Christian Aubry

» Reproduction autorisée à certaines conditions :
Take One!

» Plus de détails sur la situation des fournisseurs indépendants.

P.S. – Je remercie le service de presse et tous les employés de Bell Sympatico ayant participé de près ou de loin à la préparation de cette chronique. Leur compétence et leur moralité ne sont nullement remis en cause par mes propos, lesquels soulèvent des questions de positionnement stratégique visiblement hors de leur contrôle…

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