AVERTISSEMENT ▻ Ce texte est la traduction d’un article de RIA Novosti (archive). Il ne reflète en aucun cas mon opinion sur l’agression armée russe en Ukraine, qui est diamétralement opposée. J’ai décidé de réaliser cette traduction afin de faire connaître ce point de vue impérialiste et génocidaire à mes ami.e.s, d’abord, puis à tous les francophones qui s’intéressent, de près ou de loin, à la tragédie se déroulant aux portes de l’Europe. Sans me faire trop d’illusion, j’espère que certains, parmi celles et ceux qui soutiennent cette entreprise barbare sans en mesurer la nature profonde, ouvriront peut-être enfin les yeux.
L’auteur, Timofei Sergeitsev, est présenté par l’agence de presse étatique russe RIA Novosti comme un « philosophe, méthodologue, membre du Club Zinoviev et de Rossia Segodnia ».
08:00 03.04.2022 👁 481 474
En avril de l’année dernière, nous avions écrit sur l’inévitabilité de la dénazification de l’Ukraine. L’Ukraine nazie, banderiste, un ennemi de la Russie et un instrument de l’Occident pour détruire la Russie, nous n’en avons pas besoin. Aujourd’hui, la question de la dénazification est passée au plan pratique.
La dénazification est nécessaire lorsqu’une partie importante de la population — très probablement la majorité — est contrôlée et entraînée dans sa politique par un régime nazi. C’est-à-dire lorsque l’hypothèse « le peuple est bon, le gouvernement est mauvais » ne fonctionne pas. La reconnaissance de ce fait est à la base de la politique de dénazification et de toutes ses mesures, de toutes ses activités, et ce fait constitue son sujet.
L’Ukraine est dans une telle situation. Le fait que l’électeur ukrainien ait voté pour la « paix de Porochenko » et la « paix de Zelensky » ne doit pas être trompeur — les Ukrainiens étaient assez satisfaits du chemin le plus court vers la paix à travers la guerre éclair, à laquelle les deux derniers présidents ukrainiens ont fait allusion de manière transparente lorsqu’ils ils ont été élus. C’est cette méthode « d’apaisement » des antifascistes internes — par la terreur totale — qui a été utilisée à Odessa, Kharkiv, Dnepropetrovsk, Mariupol et d’autres villes russes. Et cela convenait parfaitement à l’homme de la rue ukrainien. La dénazification est un ensemble de mesures par rapport à la nazification de la masse de la population qui, techniquement, ne peut être soumise à des châtiments en tant que criminels de guerre.
Les nazis qui ont pris les armes doivent être détruits au maximum sur le champ de bataille. Il ne faut pas faire de différence significative entre les Forces armées ukrainiennes et les soi-disant bataillons nationaux, ainsi que ceux qui ont rejoint ces deux types de formations militaires de défense territoriale. Tous ont été également impliqués dans le traitement extrêmement cruel de la population civile. Également coupables du génocide du peuple russe, ils ne respectent pas les lois et coutumes de la guerre. Les criminels de guerre et les nazis actifs devraient être punis de manière importante et exemplaire. Il doit y avoir une purification totale.
Toutes les organisations associées à la pratique du nazisme ont été liquidées et interdites. Cependant, au-delà du pouvoir, une partie importante des masses constituées de nazis passifs, de complices du nazisme, sont également coupables. Ils ont soutenu et se sont livrés au pouvoir nazi. Le juste châtiment de cette partie de la population n’est possible qu’en supportant les épreuves inévitables d’une guerre juste contre le système nazi, menée avec le plus grand soin et la plus grande prudence possible envers les civils.
La dénazification supplémentaire de cette masse de la population nécessite une rééducation qui sera réalisée par la répression idéologique (suppression) des attitudes nazies et une censure sévère — non seulement dans la sphère politique, mais aussi nécessairement dans la sphère culturelle et éducative. C’est à travers la culture et l’éducation qu’une nazification profonde et massive de la population a été préparée et réalisée, garantie par la promesse de dividendes de la victoire du régime nazi sur la Russie, la propagande nazie, la violence et la terreur internes, ainsi que la guerre de huit ans contre le peuple du Donbass qui s’est rebellé contre le nazisme ukrainien.
La dénazification ne peut être effectuée que par le vainqueur, ce qui implique (1) son contrôle inconditionnel sur le processus de dénazification et (2) le pouvoir d’assurer ce contrôle. A cet égard, le pays dénazifié ne peut être souverain. L’État dénazifiant — la Russie — ne peut pas emprunter une approche de dénazification libérale. L’idéologie du dénazificateur ne peut être remise en cause par le coupable en cours de dénazification. La reconnaissance par la Russie de la nécessité la dénazification de l’Ukraine signifie la reconnaissance de l’impossibilité du scénario de la Crimée pour l’Ukraine dans son ensemble. Cependant, ce scénario n’a pas été possible en 2014 et dans le Donbass rebelle. Seules huit années de résistance à la violence et à la terreur nazies ont conduit à une cohésion interne et à un refus de masse conscient et sans équivoque de maintenir toute forme d’unité et de lien avec l’Ukraine, qui se définissait comme une société nazie.
La durée de la dénazification ne peut en aucun cas être inférieure à une génération, qui doit naître, grandir et mûrir dans les conditions de la dénazification. La nazification de l’Ukraine dure depuis plus de 30 ans, depuis au moins en 1989, lorsque le nationalisme ukrainien a acquis des formes légales et légitimes d’expression politique et a conduit le mouvement pour « l’indépendance » vers le nazisme.
La particularité de l’Ukraine moderne nazifiée réside dans l’amorphisme et l’ambivalence qui permettent de déguiser le nazisme en désir d’« indépendance » et en voie « européenne » (entendez occidentale, pro-américaine) de « développement » (en réalité, de dégradation) pour affirmer qu’en Ukraine, « il n’y a pas de nazisme, seulement des dérives individuelles privées ».
De fait, il n’y a pas de parti nazi principal, pas de Fuhrer, pas de lois raciales à part entière (seulement leur version tronquée sous la forme d’une répression de la langue russe). En conséquence, il n’y a pas d’opposition et de résistance au régime. Au contraire – puisque le nazisme ukrainien est libéré de ces cadres et restrictions de « genre » (d’essence politico-technologique), il se déploie librement comme la base fondamentale de tout nazisme — en tant que racisme européen et, dans sa forme la plus développée, américain.
Par conséquent, la dénazification ne peut pas être effectuée dans un compromis, basé sur une formule telle que « NATO non, UE oui ». Le collectif occidental lui-même est le concepteur, la source et le commanditaire du nazisme ukrainien, tandis que les cadres banderites [*] occidentaux et leur « mémoire historique » ne sont qu’un des outils de la nazification de l’Ukraine. L’ukronazisme ne représente pas une moindre mais une plus grande menace, pour le monde et la Russie, que le nazisme allemand de la version hitlérienne.
Le nom « Ukraine » ne peut apparemment pas être retenu comme nom d’une entité étatique entièrement dénazifiée dans un territoire libéré du régime nazi. Les républiques populaires nouvellement créées dans l’espace libéré du nazisme devraient et se développeront à partir de la pratique de l’autonomie économique et du bien-être social, de la restauration et de la modernisation des moyens de subsistance de la population.
En effet, ses aspirations politiques ne peuvent être neutres. L’expiation de la culpabilité d’avoir traitée la Russie en ennemi ne peut être réalisée qu’en s’appuyant sur la Russie dans les processus de restauration, de renouveau et de développement. Aucun « Plan Marshall » ne devrait être autorisé pour ces territoires. Il ne peut y avoir de « neutralité » au sens idéologique et pratique, compatible avec la dénazification. Les cadres et organisations qui sont l’instrument de la dénazification dans les républiques nouvellement dénazifiées ne peuvent compter que sur le soutien militaire et organisationnel direct de la Russie.
La dénazification sera inévitablement aussi une désukrainisation — un rejet de l’inflation artificielle à grande échelle de la composante ethnique auto-identificatoire de la population des territoires de Petite Russie historique et de Nouvelle Russie créée par les autorités soviétiques. Instrument de la superpuissance communiste, l’ethnocentrisme artificiel n’a pas disparu après sa chute. Devenu officiel, il passa sous l’autorité d’une autre superpuissance (celle qui se tient au-dessus des États) — la superpuissance de l’Occident. Il doit [donc] être ramené à ses frontières naturelles et privé de fonction politique.
Contrairement, par exemple, à la Géorgie et aux États baltes, l’Ukraine, comme l’histoire l’a montré, n’existe pas en tant qu’État-nation et les tentatives d’en « construire » un conduisent naturellement au Nazisme. L’ukrainisme est une construction anti-russe artificielle qui n’a pas de contenu civilisationnel propre; c’est un élément subordonné à une civilisation étrangère. La débandérisation à elle seule ne suffira pas à la dénazification — l’élément Bandera n’est qu’un avatar et un écran, un déguisement pour le projet européen de l’Ukraine nazie, de sorte que la dénazification de l’Ukraine implique aussi son inévitable déseuropéanisation.
L’élite banderiste doit être éliminée, sa rééducation étant impossible. Le « bourbier » social qui l’a soutenue, activement et passivement, par l’action et par l’inaction, doit survivre aux épreuves de la guerre en assimilant l’expérience comme une leçon historique et une expiation de sa culpabilité. Ceux qui n’ont pas soutenu le régime nazi, qui en ont souffert et qui ont déclenché la guerre dans le Donbass doivent être consolidés et organisés. Ils doivent devenir le pilier du nouveau gouvernement, sa verticale et son horizontale. L’expérience historique montre que les tragédies et les drames de la guerre profitent aux peuples subjugués et emportés par le rôle d’ennemi de la Russie.
La dénazification en tant qu’objectif de l’opération militaire spéciale s’entend comme une victoire militaire sur le régime de Kiev, la libération des territoires contrôlés par les partisans armés de la nazification, l’élimination des nazis intransigeants, la capture des criminels de guerre et la création de conditions systémiques pour une dénazification ultérieure en temps de paix.
Ceux-ci devraient alors commencer par l’organisation d’organes locaux d’autonomie, de police et de défense nettoyés des éléments nazis qui deviendront le socle des processus de fondation du nouvel État républicain, en étroite coopération avec l’agence russe de dénazification (nouvellement créée ou refaite, disons, en s’inspirant du Rossotrudnichestvo), avec l’adoption sous contrôle russe d’un cadre réglementaire républicain (législation) pour la dénazification qui en définirait directement les limites et la composition. À cet égard, la Russie devrait agir en tant que gardienne du processus de Nuremberg.
Tout ce qui précède signifie que pour atteindre les objectifs de dénazification, il est nécessaire que la population soutienne la Russie après qu’elle ait été libérée de la terreur, de la violence et de la pression idéologique du régime de Kiev, après qu’elle soit sortie de son isolement informationnel. Bien sûr, il faudra un certain temps pour que les gens se remettent du choc de l’action militaire et soient convaincus des intentions à long terme de la Russie — qu’« ils ne seront pas abandonnés ».
Il est impossible de prévoir à l’avance dans quels territoires cette masse de population constituera une majorité indispensable. « La province catholique » (Ukraine occidentale, comprenant cinq régions) a peu de chances de faire partie des territoires pro-russes. La ligne d’exclusion, cependant, émergera au fil de l’expérience. L’Ukraine hostile à la Russie, mais neutre et démilitarisée par la force, avec un nazisme formellement interdit, survivra. Les personnes qui détestent la Russie s’y retrouveront.
La menace d’une poursuite immédiate de l’opération militaire si les exigences énumérées ne sont pas satisfaites garantira que cette Ukraine résiduelle reste neutre. Cela nécessitera probablement une présence militaire russe permanente sur son territoire. De la ligne d’aliénation et jusqu’à la frontière russe, ce serait le territoire d’intégration potentielle dans la civilisation russe, anti-fasciste par nature profonde.
L’opération de dénazification de l’Ukraine, qui a commencé par une phase militaire, suivra en temps de paix la même logique d’étapes qu’une opération militaire. À chacune d’entre elles, les changements irréversibles qui devront être réalisés constitueront les résultats de l’étape correspondante. Les étapes initiales nécessaires de la dénazification peuvent être définies comme suit :
- Liquidation des formations armées nazies (c’est-à-dire toutes les formations armées ukrainiennes, y compris les forces armées ukrainiennes), ainsi que des infrastructures militaires, d’information et d’éducation qui assurent leur activité ;
- Formation d’organes autonomes et de milices (défense et maintien de l’ordre) des territoires libérés, protégeant la population de la terreur des groupes nazis clandestins ;
- Installation de l’espace d’information russe ;
- Saisie de matériel pédagogique et interdiction de programmes éducatifs de tous niveaux contenant des directives idéologiques nazies ;
- Des actions d’enquête massives pour établir la responsabilité personnelle des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité, de la propagation de l’idéologie nazie et du soutien au régime nazi ;
- Épuration: publication des noms des complices du régime nazi afin de les impliquer dans des travaux forcés pour restaurer les infrastructures détruites en punition des activités nazies (pour ceux qui ne se verront pas appliquer la peine de mort ou l’emprisonnement);
- Adoption au niveau local, sous la supervision de la Russie, d’actes normatifs primaires de dénazification « par le bas », interdiction de tous les types et formes de renaissance de l’idéologie nazie;
- Établissement de mémoriaux, panneaux commémoratifs, monuments aux victimes du nazisme ukrainien, perpétuant la mémoire des héros de la lutte contre celui-ci ;
- Inclusion d’un complexe de normes antifascistes et de dénazification dans les constitutions des nouvelles républiques populaires ;
- Création d’instances permanentes de dénazification pour une durée de 25 ans.
La Russie n’aura pas d’alliés dans la dénazification de l’Ukraine puisqu’il s’agit d’une entreprise purement russe, et aussi parce que non seulement la version Bandera de l’Ukraine nazie sera éradiquée, mais aussi et surtout le totalitarisme occidental, les programmes imposés de dégradation et de décadence civilisationnelle, les mécanismes d’assujettissement à la superpuissance de l’Occident et des États-Unis.
Afin de mettre en œuvre le plan de dénazification de l’Ukraine, la Russie elle-même devra finalement renoncer à ses illusions pro-européennes et pro-occidentales, se réaliser comme la dernière instance de protection et de préservation des valeurs historiques de l’Europe (Vieux Monde) que l’Occident méritait mais qu’il a finalement abandonnées, ayant perdu le combat ces valeurs. La lutte s’est poursuivie tout au long du vingtième siècle et s’est manifestée par la guerre mondiale et la révolution russe, inextricablement liées l’une à l’autre. La Russie a fait tout ce qu’elle pouvait pour sauver l’Occident au vingtième siècle. Elle a réalisé le principal projet occidental, l’alternative au capitalisme qui a vaincu les États-nations — le projet socialiste, le projet rouge. Elle a écrasé le nazisme allemand, rejeton monstrueux de la crise de la civilisation occidentale. Le dernier acte d’altruisme russe a été la main tendue de l’amitié, pour laquelle la Russie a reçu un coup monstrueux dans les années 1990.
L’Europe craint la dénazification Tout ce que la Russie a fait pour l’Occident, elle l’a fait à ses propres frais, en faisant les plus grands sacrifices. L’Occident a fini par rejeter tous ces sacrifices, a dévalorisé la contribution de la Russie à la résolution de la crise occidentale et a décidé de se venger de la Russie pour l’aide qu’elle a fournie de manière désintéressée. Désormais, la Russie suivra sa propre voie, sans se soucier du sort de l’Occident, en s’appuyant sur une autre partie de son héritage — son leadership dans le processus mondial de décolonisation. Dans le cadre de ce processus, la Russie a un fort potentiel de partenariat et d’alliance avec des pays que l’Occident a opprimés pendant des siècles et qui ne sont pas prêts à reprendre le joug. Sans le sacrifice et la lutte des Russes, ces pays ne seraient pas libérés. La dénazification de l’Ukraine est en même temps sa décolonisation et la population ukrainienne devra en prendre conscience lorsqu’elle commencera à se libérer des fantômes, des tentations et des dépendances du soi-disant choix européen.