L’annonce de l’engagement de l’ancien Premier ministre français Alain Juppé à l’École nationale d’administration publique du Québec (ENAP) me laisse passablement perplexe. Quel type de science administrative ou politique peut bien enseigner un homme récemment condamné à 14 mois de prison avec sursis et à un an d’inéligibilité pour délit de corruption? Ni le financement occulte des partis politiques, ni le mépris du droit — et encore moins l’apologie du cynisme — ne figurent au programme de cette digne institution. On pourrait à la rigueur l’utiliser comme cobaye au laboratoire d’éthique, mais pas comme professeur, que diable!
À moins, bien sûr, que Jacques Chirac et Paul Martin n’aient conclu une entente occulte afin de mettre au vert, de façon réciproque, leurs collègues embarrassants. Si c’est le cas, on apprendra bientôt qu’Alfonso Gagliano est nommé professeur de comptabilité aux HEC (Hautes Études en Corruption) de Paris. À suivre…
Je suis proprement scandalisée de voir comment les politiciens, peuvent en quelques subtiles pirouettes, échapper aux sanctions judiciaires et supplanter les lois de l’immigration.
Française, cela fait 4 ans que je dépose dossier d’immigration sur dossier d’immigration et 3 ans que je vis ici au Québec, près de ma famille.
En qualité d’étranger, nous devons prouver notre employabilité et pourvoir un poste non-couvert par un québécois ou une québécoise. Mon métier est de faire de la thérapie par la cuisine, des ateliers d’animation dans les écoles et/ou collèges pour lutter contre le décrochage scolaire et l’obésité. Il me semble primo que je ne prenne aucun emploi à un québécois ou une québécoise et secondo que mes compétences professionnelles sont plus que dans l’air du temps !
Et bien non, cela ne convient toujours pas à la couronne. Ma demande vient d’être rejetée pour la nième fois.
Alors, vous pensez bien que l’arrivée d’Alain Juppé en tant que professeur dans une école québécoise de renom me révolte. J’appelle cela de l’abus de pouvoir, de l’injustice et une politique d’immigration à double vitesse.
Au delà, de mon « petit nombril » et de ma « petite situation personnelle », je viens à me poser quelques questions :
– Quelles sont les valeurs morales véhiculées auprès de la jeunesse ?
– Qu’enseignera Alain Juppé aux futurs grands administrateurs québécois sortant de l’ENAP ? — Comment lire entre les lignes et transgresser les lois ?
– Suffit-il de partir à l’étranger pour laisser couler tranquillement ses 14 mois de prison avec sursis ?
– De quoi Alain Juppé a-t-il peur en restant en France durant sa peine ?
– Pour revenir à « mon petit nombril »: dois-je commettre des larcins administratifs pour obtenir plus facilement ma citoyenneté canadienne ou bien avoir un carnet de bal plus exhaustif ?
Cathy Schwartz
Citoyenne du Monde