Tabac, pétrole et mensonge d’État

Bonne fête, Canada !Le Réseau de l’information (RDI) diffusait un excellent reportage de l’émission The Fifth Estate, hier soir : La machine à nier, version française de The Denial Machine. On y démonte la machine de propagande qui a permis aux fabricants de tabac de nier le lien entre leurs produits et le cancer pendant des dizaines d’années. Plus intéressant encore, on y démontre comment cette machine à nier l’évidence sous de faux prétextes scientifiques s’est mise au service de l’industrie pétrolière, ces dernières années, afin de réfuter le lien entre celle-ci et le réchauffement climatique… si tant est que celui-ci existe (!).

Il est étonnant de voir à quel point les humains sont idiots et combien certains d’entre eux, pourtant intelligents, envoient leurs semblables au casse-pipe sans état d’âme, avec un cynisme et une malveillance consommée. Que cela arrive aux États-Unis, c’est une chose. Que des industriels et des politiciens canadiens appliquent les mêmes recettes que leurs homologues américains, c’en est une autre dont on ne peut pas tirer grande fierté.

Ce matin, je lis dans Libération un excellent reportage qui expose en détails la catastrophe écologique entraînée par l’exploitation des sables bitumineux albertains : Au Canada, le sale coût du pétrole des sables. Mettant ces informations en perspective avec ce que j’ai entendu sur RDI hier soir, je me dis que le gouvernement conservateur du Canada est effectivement bien entraîné à travestir la réalité à l’avantage d’une économie dépassée.

Ces errances et ces mensonges protégeront l’activité industrielle à court terme, certes, mais elle sèmera la mort par millions, au Canada et à travers le monde. Par ailleurs, c’en est fait de la réputation saine et avant-gardiste du Canada. Fini le mythe des « grands espaces », des lacs immenses aux eaux pures et des forêts boréales à perte de vue. Lui succède de plus en plus la vision dévastatrice d’un des derniers territoires préservés de la planète en proie à la voracité destructrice de notre espèce.

Espérons que les Canadiens auront le courage de regarder cette réalité en face et de prendre leurs responsabilités lors des prochaines élections fédérales. Encore faudrait-il que le Parti Libéral version 2007 ne fasse pas partie du problème, mais de la solution.

La Loi anti-tabac fait reculer le jeu

Jeu, tabac et cupidité

Une bonne nouvelle ne vient jamais seule. Mercredi dernier, Loto-Québec, la société d’État québécoise régissant les jeux et loteries, présentait son rapport annuel à la presse sous le titre « L’ère de la croissance continue est révolue à Loto-Québec ». Les esprits matérialistes comprenaient que la Société avait engrangé moins de profit et versé moins d’argent au budget consolidé de l’État québécois que lors des exercices précédents. Les esprits holistiques se consolaient en pensant que moins de gens avaient succombé au mirage du gain miraculeux, que moins de pauvres s’étaient appauvris davantage et que le ministère de la Santé et des services sociaux allait dépenser moins d’argent pour soigner les plus compulsifs d’entre eux. Mais ce n’est pas tout !

L’analyse révèle en effet que 72 % de la baisse enregistrée est attribuable à la Loi sur le tabac, entrée en vigueur l’an dernier, qui aurait éloigné de nombreux joueurs des bars abritant des loteries vidéos. Quelle bonne nouvelle ! Cela indique que la Loi sur le tabac est doublement utile, réduisant à la fois le tabagisme et le jeu compulsif.

Évidemment, MonChoix.ca, un site Web soi-disant associatif mais, en réalité, habilement manipulé par l’Association des manufacturiers de tabac (j’en suis toujours « membre », semble-t-il!), n’est pas du même avis. L’état des finances publiques l’inquiète plus que celle des Canadiens dont les droits fondamentaux, comme chacun sait, sont baffoués par les impératifs de santé publique.

Comme Loto-Québec est une vache à lait du gouvernement, Québec va peut-être prendre des moyens pour que les revenus de sa richissime société d’État retrouvent le chemin de la croissance. Solution : permettre aux clients des loteries vidéo de fumer dans des salons spécialement aménagés?

C’est effectivement une bonne solution pour un retour en arrière dont, heureusement, la majorité des québécois ne veut pas. L’industrie du tabac démontre une fois de plus son cynisme, espérant ouvertement que le gouvernement démocratique du Québec agira selon les lois mécaniques du capitalisme sauvage, plaçant l’intérêt de l’actionnaire avant celui du citoyen. Fort heureusement, ce ne sera pas le cas.

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Nomadisme identitaire

L'homme nomade

Je viens de me lancer dans la lecture de L’homme nomade, un essai de Jacques Attali datant de 2003. J’ai lu une bonne demi-douzaine d’essais de cet intellectuel français et je sens que celui-ci va nourrir ma vision du monde au moins autant que les précédents.

Je me retrouve en effet dans sa vision du nomadisme comme propre de l’homme, depuis la nuit des temps et jusqu’aux espaces virtuels que nous parcourons aujourd’hui, d’un blogue à l’autre, d’un projet au suivant. Ayant plusieurs fois changé de métier, pas mal voyagé et émigré d’Europe en Amérique, je me perçois moi-même comme un nomade, ne m’installant en un lieu, une mission professionnelle, un état social (un couple, même!) que le temps de m’en nourrir, de livrer la marchandise, de laisser derrière moi quelque réalisation dont je sois fier (non, pas une flopée d’enfants, quand même!) et de me préparer à un nouveau départ.

Dans le chapitre 3.1 (Vivre ensemble), Attali aborde la question de l’identité au sein des groupes humains. Au cours de notre évolution, note-t-il, « Le nom des peuples compte moins que ceux des individus. Quand ils commencent à se donner des noms (…), nombre de peuples se désignent simplement par le mot qui signifie « les hommes », « nous-mêmes », « ceux qui parlent la même langue », « le peuple », « la famille » ou encore « le patrimoine ». Et comme ce nom est en général pour eux dénué d’importance, ils en changent souvent pour prendre ceux des peuples auxquels ils se mêlent, conquérants ou vaincus. Les sentiments d’appartenance et d’identité ne viennent que beaucoup plus tard. »

Ainsi, je ne sais plus trop moi-même si je suis « français » (car je ne vote plus en France), « canadien » (n’ayant toujours pas demandé cette citoyenneté) ou « québécois » (étant ambivalent face à la question nationale). Les qualificatifs dans lesquels je me retrouve le mieux, depuis une décennie, sont « montréalais » (proximité) et « citoyen du monde » (globalité). Au fond, la question de mon appartenance identitaire m’importe peu.

Jacques Attali poursuit : « À la différence du nom du groupe, celui de chaque individu importe beaucoup; c’est celui d’un être vivant et il ne faut jamais le proférer sous peine de le voir partir, lui-même nomade, et, avec lui, voir disparaître l’identité de qui le porte. Encore aujourd’hui, certains Inuit changent de nom à intervalles réguliers pour renaître avec chaque nouveau patronyme et vivre ainsi des sortes de réincarnations symboliques. »

En méditant ce passage comme on mâche une feuille de coca, je pense à l’importance que les gens du milieu que je fréquente attachent à leur « identité numérique », la déclinant à l’infini dans toutes sortes de communautés nomades en ligne : Linkedin, Viadeo, Facebook, Flickr, etc., sans parler de leur propre blogue, bien sûr. Certains, comme moi, cèdent parallèlement à une pulsion sédentaire contradictoire qui leur fait redouter la profanation (soit le vol) de leur identité, protégeant le mieux possible, malgré ce déballage flagrant, leurs précieux renseignements personnels.

Chris O'Bry à la basse (1978)

Je me rappelle aussi les différentes identités fictives qui furent les miennes à travers les décennies. Lorsque j’avais 20 ans et que je jouais de la guitare basse au sein d’un groupe nommé Ejakulakoss Pression (sic), le nom Christian Aubry m’apparaissait banal et trop français pour sonner jazz. Sur scène, je préférais donc me faire appeler « Chris O’Bry ». Aujourd’hui, cela me fait sourire car, heureusement, le ridicule ne tue pas. 🙂

Cinq ans plus tard, lorsque je jouais à un grand jeu social et artistique nommé Hexameron (une référence théologique dont il faudra que je raconte un jour la résurgence parisienne de 1983-84), je me suis d’abord appelé « Palsembleu », Prince du Pays où la mer s’enfonçe (re-sic), puis « Rootshield », allusion à la pseudo-lignée ludo-aristocratique de Palsembleu et à son alliance avec le clan des Marchands. Étonnamment, 23 ans plus tard, ces identités fantasques hantent toujours mon imaginaire puisque je les utilise encore pour nommer mes ordinateurs personnels, prothèses numériques indispensables à ma survie.

Enfin, bien entendu, il y a « Ami Calmant ». Ce surnom remonte à 1995, l’année du second référendum sur la Souveraineté du Québec. Emporté par la marche de l’histoire, je participais à d’intenses joutes oratoires sur les forums en ligne entre partisans passionnés et farouches opposants du projet. Essayant de tempérer les dérapages haineux des uns et des autres, je concluais mes messages par cette formule de politesse revisitée, suivie de mes initiales, « C.A. ». C’est ainsi qu’« amicalmant » devint mon pseudonyme sur de nombreux forums et que, tout naturellement, j’ai hébergé mon blogue personnel, de 2003 à 2007, sur le domaine amicalmant.ca. 😉

Et vous, chers nomades qui explorez ma caverne pendant quelques minutes avant de repartir vers d’autres villages, quelles sont les identités individuelles et/ou sociales qui marquent votre vie ?

PS : je dédie ce billet à ma fille, Juliette, qui fête aujourd’hui ses 14 ans. Puisse les enfants de ses petits-enfants le relire avec tendresse et amusement dans 120 ans. 🙂

Confession d'un "crackberry"

Blackberry écrasé

J’ai un faible pour la plume incisive de Patrick Lagacé depuis ses premières chroniques dans Multimédium, en 1999. J’aime son style à l’emporte-pièce, la musicalité de ses phrases propulsées à la vitesse d’une balle de golf, sa liberté de penser tout bas ce qu’il peut se permettre de dire tout haut, puisqu’on a la bonté de le payer pour ça.

Son dernier billet aurait pu s’intituler « Confession d’un Crackberry », mais la rédaction de Cyberpresse a préféré un « Patrick Lagacé : pourquoi je largue mon BlackBerry », plus descriptif et plus direct. Il n’en s’agit pas moins d’un témoignage édifiant sur la dépendance à laquelle en arrivent les accrocs du Blackberry, ce petit téléphone/PDA toujours connecté.

Après deux ans de fréquentation fusionnelle, c’est fini, terminé, kaput. Je largue mon BlackBerry. Une machine qui permet à un être humain d’être joignable 24 heures sur 24, qui fait entrer des correspondants invisibles dans son quotidien, dans son salon, dans son intimité, c’est forcément une machine toxique.


Cela me fait penser à une aventure récente que j’ai vécue sur le site social Facebook. Je n’avais aucune raison impérative d’y adhérer mais j’ai fini par le faire quand même, histoire de ne pas être le dernier des derniers. Première erreur.

La seconde, je l’ai commise en ajoutant mon numéro de téléphone cellulaire à mon profil. À partir de ce moment-là, j’ai commencé à recevoir des SMS à n’importe quelle heure du jour et de la nuit pour m’indiquer qu’untel, que je connais, ou untel, que je ne connais pas, souhaitaient devenir mes « amis ». Si je répondais, je me voyais facturer un SMS de 10 cents par mon fournisseur. Si je ne répondais pas, j’étais le dernier des caves, des réactionnaires, des mal connectés.

Heureusement, l’architecture de Facebook m’a permis de me soustraire à cette horreur rapidement. Il ne faut jamais oublier que les technologies sont supposées être au service de l’humain, et non le contraire. Merci à Patrick de nous l’avoir rappelé. Et bonne fin de semaine en famille )

PS : En parlant de machine, c’est quand même incroyable que l’ancien blogue de Patrick, sur Canoë, sorte encore en première ligne lorsqu’on tape Patrick Lagacé dans Big G, sept mois après qu’il ait déménagé sur Cyberpresse. Cette situation est évidemment due au lien rébarbatif de la page d’accueil sur Canoë et, également et surtout, à la balise <title>, qui affiche « Blogue de Patrick Lagacé » chez l’un et « Cyberpresse – Site de nouvelles – Montréal – Québec – Canada ! Patrick Lagacé » chez l’autre. Là encore, la lucidité et la simplicité paient.

Immigration et Excision Canada

Un choix plutôt tranchantSavez-vous à quoi ressemble une excision dite « traditionnelle » en Afrique ? Grâce à l’oeil tranchant du photographe Robert Skinner, finaliste du Concours canadien de journalisme 2004, je peux vous le montrer : cela ressemble à ça. Imaginez-vous maintenant dans la peau d’une jeune femme guinéenne ayant vécu cette horreur et qui, 20 ans plus tard, se réfugie à Montréal pour y mettre au monde une petite fille. Celle-ci acquiert de facto la citoyenneté canadienne et vous, bien entendu, vous invoquez le droit d’asile, conformément à la Convention de l’ONU relative au statut des réfugiés. Après tout, aucune petite fille au monde (et notamment pas une canadienne) ne devrait être tenue de supporter ça.

Mise à jour le 9 juin — Ouf ! Oumou Touré ne sera pas expulsée. Merci, Canada !

Imaginez que les fonctionnaires de Citoyenneté et Immigration Canada vous le refusent et, l’été dernier, décident de vous renvoyer dans votre pays en juillet 2007. Vous savez que le taux d’excision varie, chez vous, de 96 à 98 %. Bien entendu, vous remuez Ciel et Terre pour éviter ça, vous tentez de faire renverser la décision, vous obtenez le soutien de moult organisations humanitaires, mais cela ne donne rien. Pour conclure, imaginez que les seuls choix qui vous restent sont les suivants :

  1. Retourner dans votre pays où votre petite fille aura 9,7 chances sur dix de subir ce même traitement barbare;
  2. l’abandonner au Canada et avoir 9,7 chances sur dix de ne plus la revoir;

Vous choisiriez quoi, dîtes ?

Voilà le dilemne cornélien auquel est confrontée Oumou Touré, mère de la petite Fanta. Abandonner son enfant ou l’emmener avec elle pour qu’elle se fasse cisailler le clitoris à la lame de rasoir.

Mardi soir, heureusement, Radio Canada et la Presse Canadienne se sont enfin emparés de l’affaire. Souhaitons que la pression médiatique, une fois de plus, réussira là où la raison d’État a failli et que les autorités canadiennes renverseront, d’une manière ou d’un autre, cette cruelle décision. n’empêche que c’est quand même incroyable qu’il faille ameuter la presse pour en arriver là !

À vos blogues, citoyen ! Montrer donc à ces petits fonctionnaires bien nantis, dans leurs petits bureaux, calés sur leur fond de pension, comme le fil du Cinquième Pouvoir est tranchant !

*

PS : ce soir, c’est soirée Yulblog. J’ose espérer qu’on y discutera un peu plus de l’affaire Oumou Touré que de l’affaire Zeke qui, elle aussi, soit dit en passant, n’aurait jamais dû exister.

Ali Baba sans les 40 voleurs

Photo de mon trousseau de clés dans ma serrure de porte donnant sur la rue

Dans quelle métropole pourrais-je bêtement oublier mes clés dans la serrure de ma porte et les retrouver une heure plus tard à la même place, sans que quoi que ce soit n’ait été volé — surtout pas mes ordinateurs et mon précieux équipement vidéo ? En ce qui me concerne, je n’ai vécu cela qu’à Montréal, et à deux reprises (!), la dernière datant de la semaine dernière. Le trousseau de clés comprenait également ma clé d’auto, celle-ci étant stationnée juste en face. Pour me la faire voler, il aurait peut-être fallu que je joigne aussi les papiers et une déclaration de legs en bonne et due forme 🙂

Notez que ce billet n’est pas une invitation à tenter la même expérience pour le fun. Montréal est une ville géniale aux passants [pour la plupart] honnêtes, mais admettons quand même que je suis un gars chanceux 🙂

Une 3ème raison de ne pas avoir voté Sarkozy

Récemment, j’ai indiqué les deux raisons majeures pour lesquelles je n’ai pas voté Sarkozy à la dernière élection présidentielle française. Il faudrait y ajouter sa tangente élitiste : une doctrine économique favorisant l’enrichissement individuel plutôt que collectif, ses nuits post-électorales au Fouquet’s, ses jogging à Malte, ses escapades de milliardaire, ses amitiés mondaines affichées comme autant de symboles de distinction sociale.

En ce qui concerne son projet de réforme de l’impôt, en revanche, je suis plus mitigé.

  • Bouclier fiscal : aucun contribuable ne pourra donner plus de la moitié de ses revenus tirés du travail à l’Etat par l’impôt. Cette mesure ne favorise que les plus riches. Il faut voir si elle aidera à contrer l’évasion fiscale ou pas, car a priori, elle est socialement rétrograde et politiquement risquée.
  • Réforme de l’impôt sur la fortune, avec la mise en place d’une déduction pour investissement dans les PME. Mmmh, ce n’est peut-être pas une si mauvaise idée, au fond. Cela peut potentiellement favoriser la croissance et obliger l’argent qui dort à se réveiller et à circuler. Qu’on l’aime ou non, l’argent reste le sang de l’économie. Son existence n’est pas un problème pour autant qu’il circule.
  • Sarkozy souhaite que 95 % des successions soient exonérées d’impôts. Dans le cas des classes moyennes, je suis assez d’accord. On devrait imposer le travail et le capital à la source, mais ne pas le taxer encore à l’occasion d’une succession. En clair, le « multi-taxage » devrait être banni de la fiscalité de tous les Etats au profit d’une première imposition plus juste au plan social.

Bref, la politique est une chose compliquée. Dès qu’on laisse de côté doctrines et idéologies, il devient plus difficile de faire la part des choses et, donc, de voter. Quand, en plus, on vit, on s’informe, on consomme et on paie ses impôts à 5 000 kilomètres, cela devient carrément de l’irresponsabilité.

Le monde du corps et de l’esprit

cadavre de femme dépecé en position de danseuse

Sans le désir de stimuler la curiosité scientifique de ma fille, Juliette, je n’aurais peut-être jamais eu celle — quasi morbide, à en croire les reportages — d’aller visiter l’exposition Le monde du corps 2, hier matin, au Centre des sciences de Montréal. C’eût été bien dommage, car il s’agit réellement d’un travail scientifique et didactique de premier ordre.

Le parcours du visiteur commence par plusieurs vitrines anatomiques dénuées de tout sensationnalisme et ce n’est qu’ensuite, une fois qu’on est dans le vif du sujet, si je puis dire, que l’on découvre les corps « plastinés » par le fameux Dr . Gunter von Hagens et présentés de façon suggestive afin de mieux illustrer le propos anatomique propre à chacun. Encore là, ces figures sont assorties de vitrines « classiques » dans lesquelles des organes sains et malades sont présentés. Au fil du propos, on se détache de la mise en scène pour mieux capter l’information anatomique et la leçon d’hygiène de vie qui nous est transmise.

Au final, je n’ai ressenti ni dégoût ni curiosité morbide au cours de ce parcours didactique. J’ai eu plutôt la sensation d’apprendre plein de choses passionnantes sur mon propre corps et ceux de mes semblables. Comme dit la sagesse populaire, j’avais « mis le doigt dessus », même s’il est interdit de prendre en photo (honte aux marchands !) et de toucher les éclatés.

Évidemment, la banalisation de la mort, ou plus exactement son esthétisation, peut inquiéter a priori et elle n’a pas manqué de faire sourciller les censeurs religieux. Présentée au public il y a un ou deux siècles, cette exposition aurait terminé au bûcher. En ce début de XXIe siècle, cependant, nos cerveaux sont prêts à regarder la réalité en face et le spectacle de la vie par-delà la mort n’est plus ce qu’il était.

Je ne peux m’empêcher de penser que la grande déferlante d’images et d’abstractions de la seconde moitié du XXe siècle sont à l’origine de ce détachement. Nous avons vu tellement d’images de guerre, de sang, de mort, de famine, de profanation et d’horreurs de toutes sortes que notre cerveau a appris à ne plus s’en effrayer. Qu’on le veuille ou non, il fait maintenant la différence entre le spectacle froid et « extérieur » de la mort et l’irruption émotionnelle de celle-ci dans notre propre vie. La contraception, l’avortement et les biotechnologies de pointe nous ont aussi amenés à repousser le seuil de ce qui peut être considéré come contraire à la morale et à l’éthique. Cet aspect philosophique et social de la visite est loin d’être inintéressant.

Science et mercantilisme

Côté organisation, cependant, le Centre des sciences de Montréal fait pitié. J’avais soigneusement réservé mes billets en ligne ― 56 $ pour un adulte et une ado, ce n’est vraiment pas donné ! ― assortis d’un rendez-vous à heure fixe, dimanche à 17h. Il était conseillé de se présenter à la porte 30 minutes à l’avance, mais sur place, on nous apprenait qu’il y aurait 75 minutes de retard sur l’horaire ! Cela nous obligeait à poireauter 1h45 avant d’être enfin admis dans le saint des saints. Inadmissible !

J’ai dû faire intervenir un superviseur pour déplacer ma réservation « non échangeable-non remboursable » à 11h, le lendemain matin. Eh bien croyez-le ou non, une heure à peine après l’ouverture des portes, le planning des entrées avait déjà pris 30 minutes de retard ! Il faut croire que l’on vend trop de billets sur place à la dernière minute ou bien que l’on met un point d’honneur à imposer une file d’attente au visiteur, histoire de le mettre en condition.

Ajoutant à cet irritant le prix très élevé des billets et l’interdiction de photographier, je me demande si le propos du Dr. von Hagens est réellement didactique ou bien bassement mercantile. Ce serait une question à explorer très sérieusement avant que je ne lui fasse don de mon corps. D’ailleurs, sa volonté affichée de protéger ses « droits d’auteur » rend sa démarche scientifique quelque peu suspecte.

Pauline Marois : la troisième fois sera la bonne

Pauline Marois sortant d'une boîte surpriseQue serait le Québec, au plan politique, sans le Parti Québécois ? Une terre d’ennui coincée entre des syndicalistes de droite et des capitalistes de gauche. Heureusement, il y a le « PQ » et ses débats hygiéniques sur le sexe du référendum et le momentum de la souveraineté.

Pour sa troisième course à la chefferie, Pauline Marois ne devrait pas avoir trop de mal à convaincre les militants qu’elle est la « femme providentielle » à même de remettre le parti sur les rails du pouvoir. Comme on le pressentait il y a un mois et demi à peine, André Boisclair a trébuché et, cette fois-ci, Pauline est en meilleure posture que jamais pour reprendre le flambeau de René Lévesque.

L’arrivée probable de cette grande pragmatique à la tête du PQ ne devrait pas ravir ses adversaires de l’ADQ et du PLQ. Malgré son charisme froid, Mme Marois est très respectée (et ce à juste titre) au Québec. Et malgré la récente défaite de Ségolène Royal en France, il me semble que les peuples occidentaux sont de plus en plus enclins à confier les rênes du pouvoir à des femmes, confusément considérées comme plus sensibles, plus réalistes et moins dogmatiques — bref, moins dangereuses — que leurs collègues masculins.

Pourquoi je n'ai pas voté Sarkozy

Caricature de Sarkozy en Napoléon

Maintenant que les élections sont terminées, je peux répondre à cette troublante question sans que l’on m’accuse d’user de mon immense pouvoir d’influence pour renverser le cours de l’histoire (300 visites par jour, non mais vous imaginez ! ;). Voici donc pourquoi je n’ai pas voté Sarkozy.

1) À bien regarder aller le monde, d’abord, je ne pense pas que la France réussira à conserver longtemps intactes ses « valeurs » ancestrales. Le climat change, l’Afrique change, l’Europe change et la France change aussi. Je n’achète donc pas les discours conservateurs sur la nécessité de réprimer l’immigration, mais plutôt ceux qui prônent l’intégration. Si les banlieues françaises flambent régulièrement, c’est justement parce que, depuis des décennies, les décideurs Français n’ont n’a pas su relever ce défi-là (entre autres). Notons cependant que Sarkozi a largement adouci son discours, hier soir, et c’est tant mieux.

2) De toute façon, je ne vote plus, depuis longtemps, aux élections françaises. Oui, je suis fier de mon pays, cette « douce France » disparue en même temps que mon enfance, mais le fait est que je vis depuis 18 ans à l’étranger. À l’exception des immigrants temporaires, je trouve incongru de voter sans participer à la vie nationale, à l’économie, ni faire face aux conséquences de ses choix. La France aux français de toutes origines, races et religions; à moi et à mes descendants le Canada — qui change, lui aussi.

Ceci étant dit, cette élection m’a passionné, comme la plupart des Français. Son taux de participation très élevé en fait foi. J’aime le bouillonnement politique entretenu par les citoyens de ce pays. Bien plus qu’aux États-Unis, empire de l’individualisme par excellence, c’est la France, me semble-t-il, qui a ouvert la voie de la démocratie moderne. Espérons qu’elle continuera de se réinventer.

Ce bouillonnement se traduit aussi par une vitalité culturelle, technique et scientifique qui font de ce relativement petit pays l’un des plus créatifs au monde. Qu’il soit gouverné à gauche ou à droite n’y changera rien, si ce n’est qu’il y aurait moins de tension avec un gouvernement sensible et rassembleur.

Hier, sur le boulevard Saint-Laurent, j’ai rencontré plusieurs jeunes Français démontrant très peu d’intérêt pour cette élection. C’est normal. Ils sont loin de chez eux et tentent de se faire une place ici. Cela traduit peut-être aussi le fait que la politisation franco-française est largement tributaire du terreau socio-culturel dans lequel elle fleurit.

  • J’ai bien tripé, cette nuit, en montant ce podcast transatlantique collectif.
  • Apprécié aussi ma recherche iconographique sur Napoléon Sarkozy
  • Souri de cette petite blague « sarkaustique » : avec Bush à Washington, Sarkozy à Paris et Poutine à Moscou, l’Axe du Mal (Irak, Iran, Corée) fait maintenant face à l’Axe des mâles 🙂

Désolé, Ségolène. Comme disait René Lévesque : à la prochaine fois !

Revanche électorale virtuelle

En cette époque où la politique, les médias et le divertissement se confondent, chapeau bas aux gens de Yahoo France, Passage Piéton, Présidentelles.net et 2P2L pour cet ingénieux coup de buzz qui fait s’écrouler de rire, cette semaine, des montagnes de Gaulois. Il faut vous dire que Bruno Masure est un peu l’équivalent de notre Stéphane Bureau national.

J’en ai profité pour imaginer ce plébiscite gagnant, sur fond de lustre élyséen. Enjoy !


On n’arrête pas l’eau qui monte

Pink Floyd : The Wall

Il n’y a que les peuples soigneux et pacifiques, comme les Néerlandais ou les Acadiens, pour réussir à endiguer la mer. Il s’agit d’ailleurs de victoire fragiles, d’équilibres précaires sans cesse à reconstruire et toujours susceptibles de céder à la colère des eaux.

Il en va de même des équilibres ethniques et des fractures politiques. La Grande muraille de Chine est debout depuis 23 siècles, certes, mais elle avait pour vocation première d’arrêter les troupeaux, pas les humains. En 1939, la Ligne Maginot française se révéla aussi solide que contournable, c’est à dire inefficace face à l’invasion allemande. En Afrique du Sud, où le cauchemar de l’Apartheid dura pourtant 43 ans, les murs n’ont protégé que des familles, pas des quartiers ou des villes entières. Le Mur de Berlin, appelé aussi « Mur de la honte » n’aura résisté que 28 ans aux grandes marées de la liberté.

Ces dernières années, pourtant, l’idée du Mur comme arme défensive a repris du poil de la bête. Il y a bien sûr le « mur de sécurité » bâti par les Israéliens, qui espèrent ainsi se protéger des bombes humaines palestiniennes. L’Europe essaie de son côté d’arrêter les migrations africaines avec des clôtures barbelées à Ceuta et Melilla. Enfin, c’est le long de la frontière mexicaine que les Américains érigent leur propre mur de la honte. L’idée semble leur plaire puisqu’ils veulent l’appliquer également en Arabie Saoudite et jusque dans la ville de Bagdad !

Si les digues de la Nouvelle-Orléans n’ont pas résisté à l’ouragan Katrina, il en ira de même avec tous ces murs de la honte qui n’arrêteront que partiellement et très provisoirement la colère et la détresse des hommes. Ces murs sont comme de nouvelles technologies censées résoudre des problèmes mais qui, insidieusement, en créent de nouveaux encore plus complexes que les précédents.

Ainsi, ce n’est pas avec des murs de mots ou de béton que Nicolas, Paul, Stéphane Sárközy de Nagy-Bócsa empêchera la France de changer de visage. Ce changement annoncé est inscrit dans le passé du pays, dans la misère de l’Afrique post-coloniale et dans les changements climatiques qui, au cours des prochaines décennies, devraient chasser ses habitants vers le nord par dizaines de milliers. Idem pour les États-Unis et le Canada qui devront également, de gré ou de force, faire face à l’exode des peuples tropicaux. Ne pas les accueillir serait tout simplement de la non-assistance à personne en danger.

Dans cette perspective, autant se préparer, dans le calme et de façon pro-active, à ce métissage annoncé. En favorisant aujourd’hui l’intégration d’une immigration massive mais digne et contrôlée, les occidentaux adouciraient l’absoption des vagues suivantes, qui seront probablement impossible à endiguer.

On n’arrête pas l’eau qui monte; au mieux, on négocie avec elle en essayant de gagner du temps. À l’inverse, le retour de la haine et de la déraison ne produirait que ce qu’elles ont toujours produit : des larmes et du sang.