Vendredi soir, j’ai eu le bonheur d’assister à une représentation de La tempête, la pièce de Shakespeare, présentée au Théâtre du Nouveau-Monde dans une habile mise en scène multimédia. Les imposants artifices numériques déployés sur scène sont loin d’être vains, tant ils adhèrent à l’intention de l’auteur qui expose, dans une abîme poétique ensorcelante, les ressorts du pouvoir, de l’assujetissement et les mirages qui leur sont associés.
Ce qui est particulièrement frappant, c’est l’ampleur et la puissance suggestive de ce texte de la Renaissance. En ce temps-là, le verbe n’était pas encore surpassé par les artifices visuels et les illusions sensorielles de notre âge numérique. Seuls les mots avaient la force de soustraire le spectacteur à sa réalité matérielle et de lui imprimer un tissu aussi complexe de sensations métaphysiques. L’une des réussites, à mon sens, de cette production, c’est qu’elle éclaire la prodigieuse richesse du texte par d’étonnantes métaphores visuelles, mais sans la dénaturer.
Au final, cette tragédie qui se termine par une grande leçon de tempérance et de bon gouvernement est restituée dans toute sa modernité — celle des contemporains de Shakespeare comme celle de notre temps. Voilà une Tempête bien rafraîchissante à méditer.