À la ligne 675 du Cid de Pierre Corneille, Don Rodrigue affirme que la valeur n’attend point le nombre des années. En ce temps-là, la vieillesse était plutôt mal perçue, comme l’exprime le vieux Don Diègue à la ligne 378 de l’acte précédent : « Ô rage ! ô désespoir ! ô vieillesse ennemie ! » Or, qu’en est-il, aujourd’hui?
Plus on vieillit, plus on s’aperçoit que le corps et l’âme n’évoluent pas au même rythme. Je connais des jeunes de 25 ans plus vieux que certains vieillards de 78 dont le corps perd de sa vigueur, certes, mais dont l’esprit alerte ne s’arrête pas de vouloir et de produire du sens. Que choisir ? Être vieux dans un corps jeune ou jeune dans un corps vieux ? Personnellement, j’opte pour le second choix, ce qui m’évitera, j’espère, de devenir amer face aux flétrissures de la vie.
Samuel Ullman, un poète juif qui vivait en Alabama au début du 20ème siècle, est devenu célèbre au Japon grâce à un poème que l’on pourrait résumer comme ceci : la jeunesse n’est pas une période de la vie, c’est un état d’esprit, un effet de la volonté, une qualité de l’imagination, une intensité émotive, une victoire du courage sur la timidité, du goût de l’aventure sur l’amour du confort.
C’est à ce poème que j’ai tout de suite pensé en contemplant l’âge d’or du patineur, hier après-midi. S’il était de notre temps, Corneille aurait probablement interverti les rôles et la tirade du Cid, attribuée à Don Diègue, aurait commencé comme ceci : « Aux âmes bien nées, la jeunesse ne flétrit pas à l’ombre des années »…