Dure semaine. La France espère cautériser sa fracture sociale avec un couvre-feu. Tony Blair est désavoué par ses députés dépités. Les États-Unis banalisent les détentions arbitraires et la torture. Le Canada est ingouvernable. Les néo-libéraux de Québec tentent d’amadouer les syndicats en se fâchant contre les néo-libéraux d’Ottawa. Malgré tout ce marasme, le Parti Québécois résiste encore et toujours à la morosité. Mieux encore : il profite de son séjour forcé dans l’opposition pour se projeter au coeur du XXIème siècle !
La course à la chefferie du Parti Québécois qui vient de se terminer fut la plus longue de l’histoire de ce pays et la plus démocratique, aussi. La campagne, en effet, a été financée selon les règles du financement électoral du Québec, sans qu’aucun candidat ne soit plus avantagé qu’un autre au plan financier. Au cours de la soirée des résultats, les militants du parti se sont replongés dans leur histoire, un vieux rêve de pays et de justice sociale jalonné de discours, de René Lévesque à Bernard Landry. Quoi de plus intelligent, pour panser les plaies de la bataille, que d’évoquer l’héritage commun ? Quoi de plus pertinent que de s’appuyer sur le passé pour mieux se projeter dans l’avenir ?
Contrairement aux atermoiements des démocraties précitées, c’est bien d’avenir qu’il s’agit ici. Notons, tout d’abord, qu’une majorité de 53% des 140 000 militants du parti donnèrent à celui-ci, dès le premier tour, un chef de 39 ans à l’homosexualité assumée, qui a dû avouer, en cours de campagne, avoir déjà consommé de la coke quand il était ministre, il y a de cela plusieurs années. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’André Boiclair, malgré ses bonnes manières et son diplôme de Harvard, n’a rien d’un vieux lambris à la française ni d’un bigot manichéen made in Texas. On peut donc espérer qu’il soit plus apte à élaborer un jugement rationnel qu’à se conformer à des préjugés d’un autre âge.
Le projet de gouvernance esquissé, ce soir, par André Boisclair brille justement par sa clairvoyance et sa portée universelle. Se mettant au service du peuple québécois, se donnant comme premier objectif de conduire celui-ci à l’indépendance, il revendique la souveraineté au nom du droit du Québec à partager avec le monde ses grands principes d’humanisme et à participer à une mondialisation bien différente que celle que nous connaissons actuellement — une mondialisation à caractère social, écologiquement viable et solidaire.
Les ennemis naturels du « PQ » qualifieront probablement ces propos de démagogiques, trop concentrés qu’ils sont sur leurs privilèges et leurs réflexes à courtes vues. Les jeunes d’ici et d’ailleurs, de même que les progressistes de tout âge, y discerneront néanmoins les prémisses d’une façon radicalement nouvelle d’aborder la politique. La vision qui semble animer le politicien Boisclair semble à la fois ouverte sur le monde et centrée sur les véritables défis auxquels nous faisons face. Une fois l’indépendance acquise, ses priorités affichées vont à l’éducation et à l’environnement, les deux mamelles du progrès humain au XXIème siècle — pas à la croissance stérile d’une richesse matérielle hypothéquant notre avenir.
Expliquée par André Boisclair, la souveraineté du Québec ne peut plus être caricaturée en « revanche des perdants » comme le font les tenants du fédéralisme canadien depuis des lustres. Elle traduit l’aspiration pacifique d’un peuple intelligent et généreux à se donner les moyens d’un développement juste, ouvert sur le monde et compatible avec le grand défi planétaire du développement durable. Du coup, la Révolution tranquille a le potentiel de se transformer en souffle universel de progrès. Si c’est cela, la souveraineté, que son règne vienne et vivement les dernières élections provinciales !
Amen.
Tout ce que je souhaite c’est que dès les premières victoires acquises lors du prochain scrutin provincial, qu’il ne fasse pas l’apologiste et dise « oui mais si, oui mais ça, c’est pire que prévu, etc. ». S’il réussit à passer ce stade, à se tenir la tête haute et à faire quelque chose de conséquent avec ses discours, il ira loin. Sinon, on va juste avoir un autre démagogue à notre tête pour 4 ans. Pas que ça va nous changer, remarque.
Pas facile, de faire plaisir aux entreprises, aux PME, aux travailleurs autonomes, aux habitants, aux services et à Kyoto en même temps… surtout si on a encore une fois un Fédéral qui se regarde le nombril.
C’est sûr, Michel. La politique, ce n’est pas simple et Boisclair n’est pas non plus l’homme « providentiel » idéal. Reste qu’avec son élection à la tête du PQ, une page de sociologie politique vient d’être tournée et que c’est plutôt une bonne nouvelle. Car nous ne sommes plus à l’époque où l’on doit faire plaisir aux gens dans l’instant, mais à long terme, en pensant à leurs enfants et en ayant la volonté et le courage de repenser l’économie, sans tomber dans les travers miséreux du XIXème siècle, ni les errances totalitaires du XXème siècle. Serrons les rangs car cela ne sera pas simple, en effet.