Registre des armes à feu : les arguments des propriétaires de fusils ont quelque chose de saugrenu. Ils estiment que le gouvernement ne devrait pas les obliger à enregistrer leurs armes. D’après eux, cette tracasserie administrative est inefficace et brîme leurs droits et libertés. Ils oublient juste un petit détail. Chaque année, nous payons sans broncher notre permis de conduire et nos droits d’immatriculation automobiles. Cela coûte des sous, la police a accès à tout et personne ne s’en offusque. Alors, qu’est ce qui rendrait un fusil moins contrôlable qu’une auto ?
Si l’usage d’une auto est encadré par des droits, permis, documents, taxes et assurances, il me semble que c’est à cause du pouvoir énorme qu’il confère à son détenteur. Ce pouvoir est relatif à la puissance et aux dangers entraînés par celle-ci. Celui d’un homme armé n’a d’autre mesure que la vie ou la mort. Même en tirant sur des cibles de carton ou des pigeons d’argile, il mime l’administration de la mort. Ce geste existe de lui un haut niveau de responsabilité.
Pourquoi un citoyen qui accepte d’être fortement encadré dans l’usage d’une auto n’accepterait-il pas de l’être dans celui d’un fusil de chasse ? Pourquoi refuserait-il la contrainte d’enregistrer son arme mais pas celle d’immatriculer son auto ?
Si on veut bien laisser de côté un instant les questions irrationnelles comme la peur, le sécuritarisme, la rectitude politique d’un bord ou de l’autre, la réponse est simple : il n’a aucune raison d’agir autrement. Tout pouvoir potentiellement dangereux entraîne une grande responsabilité sociale ainsi que la nécessité d’un contrôle raisonnable. C’est évident.
Que le programme des armes à feu coûte trop cher, plus personne n’en doute. Qu’il ait été mal conçu et mal géré, c’est évident dans l’esprit de bien des gens. Qu’il soit inutile, cela reste à prouver. Enfin, qu’il soit attentatoire aux libertés individuelles, c’est ridicule, à moins de déclarer la loi sur la sécurité routière inconstitutionnelle. Bref, on aurait tort de jeter le bébé avec le sang du bain.