C’est curieux. Après 17 ans de résidence ininterrompue à Montréal, je me sens toujours comme Usbek, le témoin à l’oeil persan de Montesquieu. A mari usque ad mare, Two solitudes, les vies politiques québécoises et canadiennes, la dualité (ou duellité ?) du souverainisme et du fédéralisme, les chassés croisés cybernétiques des Partis Libéraux, à mon centre-gauche, la valse hésitante des péquistes et des Conservateurs, à mon centre-droit, ne cessent de m’émerveiller.
Hier soir, encore, j’ai été troublé par le flou artistique et civilisé qui règne sur la vie politique bicéphale du Québec, Canada. Il y a deux ans, nous vivions sous la terreur du couple Parti Québécois (centre gauche) à Québec + Parti Libéral (centre gauche) à Ottawa. C’était la guerre, les longs couteaux, la chronique permanente d’une rupture annoncée. Aujourd’hui, nous vivons à l’ère du couple Parti Libéral (centre droit) à Québec + Parti Conservateur (centre droit) à Ottawa. Ce n’est pas l’amour parfait, mais le mariage de raison. On se sourit. On s’encourage. Même le Bloc Québécois (allié du Parti Québécois, maintenant devancé par les Conservateurs dans les sondages) n’a d’autre choix que de ménager le gouvernement auquel il est censé s’opposer, puisque sa base électorale est pratiquement la même.
Quand les péquistes sont au pouvoir à Québec, on dirait que les Canadiens (y compris les 50 et quelques pour cent de fédéralistes québécois) s’empressent de jeter de l’huile sur le feu en élisant les Libéraux. Depuis la grande bataille de l’Amiral Trudeau contre le Général Lévesque, au seuil des années 80, ces deux partis de centre gauche mettent l’âme du pays à feu et à sang. Survient ensuite une ère canado-conservatrice et libéralo-québécoise (Bourassa vs. Mulroney, de 1985 à 1993, par exemple), de centre doit, et les choses se tassent un peu, tant bien que mal, jusqu’à la prochaine double alternance.
Quant les Québécois sont gouvernés par des gens sans états d’âmes patriotiques ne pensant qu’à leur prospérité économique, version mondialisante, ils semblent presque apaisés. Lorsqu’ils portent au pouvoir des gens qui, au contraire, leur veulent soi-disant le plus grand bien, et qui enchassent leurs libertés individuelles dans de grandes chartes concurrentes, c’est le bordel communautaire. Allez comprendre…
Ou plutôt, non. Ne cherchez pas à comprendre. Contentez-vous de remercier le ciel qui vous permet de vivre au purgatoire. Tous les grands voyageurs à l’oeil persan vous le diront : les paradis tropicaux ne sont, le plus souvent, que des enfers. Le purgatoire, c’est le vrai paradis! ;->
«Vie politique bicéphale», il faudrait que je la retienne, celle-là, elle est excellente !