Il n’y a que les peuples soigneux et pacifiques, comme les Néerlandais ou les Acadiens, pour réussir à endiguer la mer. Il s’agit d’ailleurs de victoire fragiles, d’équilibres précaires sans cesse à reconstruire et toujours susceptibles de céder à la colère des eaux.
Il en va de même des équilibres ethniques et des fractures politiques. La Grande muraille de Chine est debout depuis 23 siècles, certes, mais elle avait pour vocation première d’arrêter les troupeaux, pas les humains. En 1939, la Ligne Maginot française se révéla aussi solide que contournable, c’est à dire inefficace face à l’invasion allemande. En Afrique du Sud, où le cauchemar de l’Apartheid dura pourtant 43 ans, les murs n’ont protégé que des familles, pas des quartiers ou des villes entières. Le Mur de Berlin, appelé aussi « Mur de la honte » n’aura résisté que 28 ans aux grandes marées de la liberté.
Ces dernières années, pourtant, l’idée du Mur comme arme défensive a repris du poil de la bête. Il y a bien sûr le « mur de sécurité » bâti par les Israéliens, qui espèrent ainsi se protéger des bombes humaines palestiniennes. L’Europe essaie de son côté d’arrêter les migrations africaines avec des clôtures barbelées à Ceuta et Melilla. Enfin, c’est le long de la frontière mexicaine que les Américains érigent leur propre mur de la honte. L’idée semble leur plaire puisqu’ils veulent l’appliquer également en Arabie Saoudite et jusque dans la ville de Bagdad !
Si les digues de la Nouvelle-Orléans n’ont pas résisté à l’ouragan Katrina, il en ira de même avec tous ces murs de la honte qui n’arrêteront que partiellement et très provisoirement la colère et la détresse des hommes. Ces murs sont comme de nouvelles technologies censées résoudre des problèmes mais qui, insidieusement, en créent de nouveaux encore plus complexes que les précédents.
Ainsi, ce n’est pas avec des murs de mots ou de béton que Nicolas, Paul, Stéphane Sárközy de Nagy-Bócsa empêchera la France de changer de visage. Ce changement annoncé est inscrit dans le passé du pays, dans la misère de l’Afrique post-coloniale et dans les changements climatiques qui, au cours des prochaines décennies, devraient chasser ses habitants vers le nord par dizaines de milliers. Idem pour les États-Unis et le Canada qui devront également, de gré ou de force, faire face à l’exode des peuples tropicaux. Ne pas les accueillir serait tout simplement de la non-assistance à personne en danger.
Dans cette perspective, autant se préparer, dans le calme et de façon pro-active, à ce métissage annoncé. En favorisant aujourd’hui l’intégration d’une immigration massive mais digne et contrôlée, les occidentaux adouciraient l’absoption des vagues suivantes, qui seront probablement impossible à endiguer.
On n’arrête pas l’eau qui monte; au mieux, on négocie avec elle en essayant de gagner du temps. À l’inverse, le retour de la haine et de la déraison ne produirait que ce qu’elles ont toujours produit : des larmes et du sang.