Hier soir, Jean Charest, Premier ministre du Québec interrogé par Le Point, n’a pas cessé de marteler ce message: « Nous appliquons notre programme. C’est pour cela qu’on a été élu. Les gens ont été prévenus, ils n’ont donc pas à s’en offusquer. » Voire.
Je n’arrive pas à comprendre qu’on puisse retirer une légitimité aussi béton d’une élection dans laquelle on ne reçoit que 46 % des suffrages exprimés, soit moins du tiers (32,2 %) du corps électoral ou encore moins du quart de la population. Qu’un électeur sur trois, grosso modo, impose sa volonté sans rien concéder aux deux autres, je n’appelle pas cela de la démocratie mais de la tyrannie. Les citoyens des anciennes colonies britanniques sont bien aimables de se satisfaire d’une telle injustice qui n’aurait jamais dû perdurer si longtemps.
Il me semble qu’une réforme du mode de scrutin s’impose, au Québec comme au Canada. Il n’y a pas à tortiller : les seuls systèmes à peu près valables au plan de l’éthique sont soit la proportionnelle (partielle ou intégrale), soit le scrutin majoritaire à deux tours, lequel impose aux gagnants du premier tour de faire des concessions aux candidats malchanceux qui leurs sont les plus proches. Ainsi, le gouvernement final reflète dans le premier cas la mosaïque des opinions divergentes ou, dans le second, un consensus négocié par une nette majorité.
D’ici là, le Canada et le Québec ne peuvent pas tout à fait se gausser de prétentions démocratiques. Ce ne sont que des « tyrannies distribuées » ou des « démocraties barbares », au choix.