Certains contribuables vont tirer de cette nouvelle matière à se lamenter, à vilipender nos institutions, à critiquer l’ancien gouvernement péquiste et à s’écoeurer un peu plus de la politique. En ce qui me concerne, je trouve au contraire que c’est là une excellente nouvelle.
Entendons-nous bien : la bonne nouvelle, ce n’est pas que la gabégie existe, ni les abus, ni même à l’occasion certains actes de corruption. Ça, on le savait déjà et ce n’est en rien une bonne nouvelle. Mais c’est la vie, ou plus exactement l’expresson incontournable du mal, aussi indissociable du bien que le revers l’est de la médaille, le verso du recto, le mal du bien, la nuit du jour et le yang du yin. De l’équilibre avant toute chose, disait le poète…
La bonne nouvelle, c’est que le yang, ici, au Québec, s’est retrouvé une fois de plus coincé par le yin alors qu’il est des systèmes (ou des partis) politiques dans lesquels, plus souvent qu’autrement, c’est lui, l’abominable yang, qui fait la nique au yin sans que celui-ci ne puisse lui échapper.
Prenez le cas, par exemple, du Parti libéral du Canada et de l’affaire des commandites. Que le scandale ait eu lieu, c’est regrettable mais c’est ainsi. Il y a lieu de s’en offusquer, d’exiger toute la vérité, de punir les coupables, de rendre le système plus imperméable à ce genre de magouille, mais cela reste tout de même dans l’ordre des choses. Tiens, le yang a encore frappé!
Ce qui est vraiment fâcheux, en revanche, c’est que le Premier ministre Paul Martin, qui s’était montré si catégoriquement offusqué en janvier, ne fasse à peu près rien de concret pour aller jusqu’au fond de l’histoire. Tout ce qui l’intéresse, c’est clair, c’est le pouvoir, les élections et, probablement, le cours de sa fortune personnelle — au propre comme au figuré. Le voilà réduit à enterrer lâchement le scandale dans le but évident de raffermir le clan libéral et cela ne lui pose apparemment aucun problème de conscience. Pourtant, science sans conscience n’est que ruine de l’âme, disait l’écrivain gargantuesque — et la science politique n’échappe pas à la règle.
Espérons que les citoyens canadiens ne seront pas dupes de la manoeuvre et sauront faire payer à chacun le juste prix de ses actes comme de ses intentions. Ce qui est réjouissant, dans cette affaire comme dans celle de la SGF et du métro de Laval, c’est qu’il y ait en ce pays des institutions nommées « vérificateur général » permettant de mettre à jour ces horreurs bien ordinaires. Cela permet de résoudre un certain nombre de problèmes lorsque les vents politiques sont favorables, ou alors de juger le personnel politique sur pièce, en pleine lumière.
Tout scandale, toute gabégie révélée par la vérificatrice ou le vérificateur général, au Québec ou au Canada, est le signe que la démocratie y est vivante, même s’il y a parfois loin de la coupe aux lèvres. Elle est encore loin l’Amérique? demandait Toto le poète. Tais-toi et nage, lui répondait son père. Traduction démocratique : tais-toi et vote.