Le Canada m’impressionne. Ce vaste pays est en train de vivre un grand moment de son expérience démocratique. Jour après jour, la Commission d’enquête publique Gomery révèle les dessous peu reluisants de « l’affaire des commandites » — une sombre histoire de gaspillage de fonds publics au profit apparent de publicitaires sans scrupules mais recouvrant peut-être des opérations de financement occulte, avec, en toile de fond, l’éternel dilemne opposant les tenants du fédéralisme canadien à ceux de l’indépendance du Québec.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que cette affaire n’améliore pas l’image du Parti Libéral du Canada. Pourtant, c’est bien son chef, l’actuel premier ministre Paul Martin, qui l’a nommée et qui continue de lui laisser le champ libre, malgré les attaques répétées de son prédecesseur, Jean Chrétien. Chacun pensera évidemment ce qu’il veut de cette affaire. Quoi qu’il en soit, je connais peu de pays où l’effort de transparence démocratique serait allé aussi loin dans des circonstances semblables — et ce n’est certainement pas le cas de celui d’où je viens.
Je le répète, le Canada m’impressionne. Ce pays n’est pas exempt d’imperfection, de banditisme feutré, d’arrivisme médiocre ni de contradiction comme le démontre fort bien cette triste affaire. Il faut cependant un sacré fond de bon sens, d’honnêté citoyenne et de courage pour reconnaître et assumer ainsi publiquement l’imperfection, la malhonnêté, la médiocrité, l’incohérence et pour mettre les Lafleur(1) et Gagliano de ce monde culottes à terre aux heures de grande écoute.
Parti comme il est, le Premier ministre Martin n’a d’autre choix que d’aller de l’avant. Avec les 88% de soutien récoltés hier auprès de ses militants, il a le pouvoir de continuer à soutenir la Commission Gomery jusqu’à sa conclusion et d’offrir aux Canadiens ce qu’il leur a promis : la vérité, rien que la vérité, mais toute la vérité. Malgré les pressions des petits et des puissants, des véreux et des médiocres. C’est la seule façon pour lui de se tirer grandi de ce scandale sordide et d’incarner l’esprit de la démocratie canadienne à son meilleur.
Qui sait? Cette victoire du bon gouvernement contre le mauvais lui permettra peut-être d’atténuer aux yeux de l’opinion ses propres turpitudes et de ne pas résoudre comme il se devrait la question du déséquilibre fiscal qui agite actuellement les provinces canadiennes. Mais ça, c’est une autre histoire.
(1) Lafleur… Lafleur… cela vous rappelle quelque chose? Voyons, il s’agissait d’une histoire d’honneur professionnel et, ultimement, d’une vie brisée. Espérons que ce Lafleur-là assumera son déshonneur d’une façon un peu moins radicale. Faut dire que les millions, ça aide à se regarder dans la glace.
Une réflexion sur « Leçon de démocratie par l'absurde »