Ainsi, il est mort, le divin vieillard. Bien que je ne lui voulais aucun mal, j’ai sérieusement envie de crier : « Enfin! » Cette agonie souverainement pontifiante ne fut pas plus indécente qu’un bar de strip tease sur la rue Sainte-Catherine Ouest, mais j’en avais sérieusement marre des souverains poncifs, d’autant qu’il y a des sujets plus importants à retransmettre à perdre haleine sur toutes les chaînes de télénormalisation que la mort en direct d’un octogénaire, aussi respectable et ainsi soit-il.
Je veux parler du dernier rapport parlementaire britannique sur le Darfour, par exemple, ou du témoignage de ce courageux médecin iranien qui a tenté en vain de ramener Zahra Kazemi à la vie. Une vie niée, bafouée, violée et sauvagement saccagée par de lâches tortionnaires n’ayant même pas l’humanité élémentaire de la lui ôter une fois pour toute afin d’abréger ses souffrances. Il est bien évident que ce n’est pas sa mort qu’ils voulaient, les mille fois maudits, mais bel et bien son martyr — le plus long, le plus cruel, le plus déchirant qui soit.
Pourquoi devrait-on sacraliser la spirale infâme de la souffrance, qui appelle la vengeance, qui engendre la douleur, laquelle, à son tour…? Après ces révélations écoeurantes, le pseudo calvaire d’un cacique papal emballé dans de la soie dorée sur tranche est devenu à mes yeux suffocant d’indigence et de banalité. La mort, quoi de plus naturel au terme d’une vie heureuse comme un pape? Celle de l’ultraconservateur romain me laisse aussi froid que les marbres de la basilique Saint-Pierre. Mêlée au goût du pouvoir, la maladie de Parkinson est loin de dégager une odeur de sainteté.
Parlez-moi de la souffrance abjecte, déchirante, insupportable et si hautement condamnable infligée à Zahra Kazemi. Voilà qui devrait arracher des torrents de larmes aux foules chrétiennes, juives, bouddhistes, musulmanes, alterreligieuses et athées de ce monde. S’il existait réellement un peu de justice dans les cieux, ceux-ci devraient immédiatement s’abattre sur la tête des coupables, de leurs complices et des haut-placés de bas étage qui les ménagent à l’encontre de toute justice.
Lorsqu’un tel miracle de justice divine se produira, la vie, la mort et l’éventuelle béatification d’un pape aura infiniment plus de pertinence qu’aujourd’hui. Car aujourd’hui, c’est l’espoir exprimé par la vie et l’oeuvre de Zahra Kazemy qui fait vivre. La religion de Karol Wojtyla, alias feu Jean-Paul II, ne fait que l’exploiter.