Qu’est-ce que la chance? D’où provient-elle? Comment se cultive-t-elle? La science n’ayant pas encore émis de réponse formelle à ces questions, beaucoup de gens pensent qu’il s’agit de l’un des dons les moins bien partagés du monde. Certains en ont et d’autres pas.
C’est un fait, en effet, que certains sont beaux et d’autres laids, certains sont gras et d’autres maigres, certains jouissent dès la naissance de la richesse et d’une santé de fer alors que d’autres n’auront jamais ni l’une ni l’autre. Pourtant, quelles que soient les circonstances, les petits malins s’en sortent toujours mieux que les autres.
Prenons l’une des injustices fondamentales qui soit : le lieu de naissance. Certains êtres humains naissent hollandais ou canadiens alors que d’autres font irruption sur Terre dans une famille d’intouchables de Calcutta. Même là, pourtant, il y des riches et des pauvres, des chanceux et des malchanceux. Certains intouchables croupissent dans les marécages du destin dévolu à leur caste alors que d’autres réussissent à acquérir de meilleures conditions de vie, voire même à être heureux. Vue sous cet angle, la chance n’est plus un miracle tombant du ciel, mais une faculté personnelle à saisir les occasions, à s’adapter avec succès aux circonstances, à se convaincre que tout est possible à partir du moment où l’on relève avec précision et détermination les défis qui se présentent, même si l’on ne les choisit pas.
La chance fait-elle partie du capital génétique? Peu probable. L’expérience montre qu’il s’agit d’une qualité intuitive qui se cultive, comme le langage, la bicyclette ou l’art culinaire. Tout part de la foi en soi et de l’imaginaire. À la différence du malchanceux, le chanceux croit dur comme fer que « c’est possible ». Il est prêt à se battre avec toute l’énergie dont il dispose pour atteindre son but. À chaque défi relevé avec succès, chaque opportunité saisie au vol, sa confiance augmente et, avec elle, son potentiel de chance face au prochain défi. Lorsqu’il échoue, il n’est pas nécessairement meurtri car il est conscient d’avoir donné le meilleur de lui-même et il se dit alors qu’il aura plus de chances la prochaine fois.
Comme le plaisir, la chance croît avec l’usage. Plus on la tente, plus on la sollicite et plus elle vous sourit.
À l’inverse, que se passe-t-il lorsqu’on laisse passer sa chance sans la saisir comme on enfourche un étalon? Elle disparait à l’horizon, soulevant sur son passage un nuage de regrets dont la toxicité croît également avec l’usage. C’est pour cela qu’il est très important de protéger les enfants et de leur « donner leur chance » le plus tôt possible. Lorsqu’ils sont mal partis, que la vie est impitoyable avec eux dès leur plus jeune âge, il faut que des mères Theresa, des médecins sans frontières, des enseignants et des travailleurs sociaux aillent vers eux, pansent leurs plaies morales autant que physiques afin de leur offrir une seconde chance.
Tout le monde devrait avoir droit à sa chance, quelle que soit son âge, sa race, sa nationalité, son sexe, sa classe sociale ou sa religion. Considérée comme un droit humain fondamental, la chance devrait même être enchassée dans toutes les chartes et les constitutions.