J’ai du mal à suivre les souverainistes et les commentateurs qui les observent, ces jours-ci. Presque tout le monde s’accorde pour dire que le départ de Bernard Landry a lieu à un bien mauvais moment. Certains pensent que Gilles Duceppe a la popularité nécessaire pour lui succéder et propulser les troupes jusqu’au Saint-Graal de l’indépendance. Tout ce qui les arrête est la question de la succession à Ottawa. Mauvais calcul, quant à moi.
Le problème majeur de Landry, à mes yeux, c’était son manque de charisme. Dans ses discours, il jouait souvent au prof d’école, détachant soigneusement chaque syllabe afin d’imposer à ces demeurés de journalistes la subscientifique 🙂 moelle de sa pensée. Je me rappellerai toujours l’épisode de la Cité du multimédia, en 1998, alors qu’il rejetait d’un ton cassant et péremptoire toute critique adressée à ce projet insensé qui prétendait aider une industrie anti-géographique par essence en la parquant dans un quadrilatère de béton tapissé de millions. Si vous aviez des objections, c’est que vous n’aviez rien compris à l’économie, mon pauvre ami, point à la ligne et passons à une autre question. Sept ans plus tard, on voit ce que cela a donné.
Pour réaliser la souveraineté, il faudrait à Québec un homme ou une femme au caractère trempé dans l’acier des grandes batailles politiques, certes, mais également capable d’incarner la sagesse tranquille, la compassion, l’écoute, le respect, la mesure et l’humanisme. Il faut éviter à tout prix les dérapages colériques, calmer l’esprit de vengeance et tendre très vite la main aux vaincus, en évitant de les écraser de suffisance. Le départ de Landry est, à cet égard, une bénédiction car, sous sa gouverne, une hypothétique transition vers la souveraineté se serait probablement faite dans une atmosphère propice à tous les ressentiments.
Que dire de Gilles Duceppe? C’est un homme intelligent à l’esprit démocratique et un grand homme d’état. Mais il a un visage dur, fermé, un ton cassant et péremptoire, de grands yeux perçants à faire peur aux enfants. Dans l’opposition, ce style en impose et lui confère une autorité certaine. Au pouvoir, cependant, il pourrait desservir la cause en projetant une image d’autoritarisme. Cela ne ferait que polariser davantage le climat émotionnel au Québec, tout en privant les souverainistes d’un vigoureux défenseur à Ottawa.
Pour guider le PQ dans ces eaux dangereuses, la civilité d’un Legault ou la féminité d’une Marois seraient, en terme d’image, infiniment plus fondés. Qui oserait lever des mesures de guerre, en effet, contre un honnête businessman au ton posé, pédagogique et cartésien ou contre une femme décidée, sûre de son droit, certes, mais ouverte à la négociation et à l’apaisement? À choisir, la personnalité conciliatrice, calme et transparente d’un François Legault, si elles nuit parfois à ses vélléités offensives, conviendrait encore plus à un lendemain de référendum gagnant que le charisme froid et les paupières lourdes de fatigue — ou d’arrière-pensées, au choix — d’une Pauline Marois. Malheureusement, l’homme de la situation a déjà déclaré forfait.
N’oublions pas que pour gagner la guerre, il faut, par-dessus tout le reste, savoir faire la paix. Dans ce contexte, un chef rassurant à Québec, pour calmer le jeu, et un leader imposant à Ottawa, pour contenir le fédéral, constituent le vrai ticket gagnant. L’inverse — soit Duceppe à Québec et Boisclair à Ottawa, par exemple — mettrait les souverainistes en excellente posture pour remettre à une quatrième fois leur référendum gagnant.
Plus de deux ans après ce billet d’humeur on peut en analyser la pertinence. Je te donne, mon petit génie fédéraliste. 20%. La Cité du multimédia est un succès retentissant, Legault a été un fiasco pour les souverainistes et Marois, eh bien elle a a du succès. Bref, les souverainistes devraient lire tes suggestions, prendre le contraire et l’appliquer. J’ai compris que tu avais changé de job… Bravo, continue de ramer dans la roche, tu as l’air d’un crétin.
Je ne sais pas pourquoi, mais je décèle un tantinet de haine dans vos propos. En ce début d’année, ce n’est pas très gentil, ça!
Pour votre information, je ne suis qu’un étranger vivant depuis 20 ans, le mois prochain, dans votre beau pays dont je n’ai toujours pas jugé nécessaire d’acquérir la citoyenneté, bien que je le considère maintenant comme ma terre d’accueil, mon port d’attache, mon « chez moi ». Quant aux querelles intestines entre fédéralistes et souverainistes québécois, je me contente de les commenter de ce point de vue décalé, sans prendre formellement partie pour les uns ou pour les autres.
Je ne pense pas non plus me prendre pour un « génie » — rien que pour un Terrien attaché à la liberté d’expression, comme en témoigne la résilience de votre commentaire dans mon filtre antispam. Voilà pour l’ego.
Sur le fond, je ne pense pas que la Cité du multimédia ait été un « succès retentissant », comme vous dites. Ce qui a tinté de façon retentissante, ce sont les deniers des contribuables québécois (dont je suis). Le problème, c’est qu’ils ont surtout servi à « gentrifier » le quartier des Récollets en servant des intérêts municipaux ou sectoriels ayant peu de rapport avec le multimédia (grues, plomberie, béton, etc.). Comme à New York, Londres ou Paris, les marginaux ont été expulsés et un nouvel univers corporatif est né.
Les subventions à l’industrie multimédia naissante étaient une bonne idée. Le fait de les réserver à de gentils moutons, dont plusieurs déjà très riches, acceptant de brouter dans un même pré carré gorgé d’engrai$ artificiel n’en était pas une à mes yeux, comme à ceux de plusieurs observateurs. D’une certaine façon, cela a créé une situation de concurrence déloyale sans radicalement bonifier le destin de la grappe multimédia.
Imaginez que le gouvernement ait plutôt choisi d’investir ses millions dans la construction d’un réseau urbain de fibre optique auquel tous les entrepreneurs de la ville auraient pu se raccorder à frais raisonnables, par exemple. Fiber to the Office ici et maintenant ! Cela aurait fait de Montréal une ville unique au monde, un pôle de la société numérique high tech, une pépinière d’opportunités économiques et sociales. Au lieu de cela, on a eu droit à une bonne vieille approche de type brick and mortar.
Pauline Marois a eu du succès, certes, mais vous conviendrez qu’à ce sujet, je ne me suis pas toujours trompé. Legault n’a pas gagné la course ? On peut voir cela de différentes manières. Quelle que soit son allégeance politique, c’est un homme que je respecte et je pense que le PQ devrait le regretter.
Quant à cette photo, je suis très heureux que vous en ayez perçu l’ironie et j’ai trouvé votre commentaire très drôle : )
Ami Calmant
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C.A.