Sida et terrorisme : même combat

Ruban anti-sida et ruissellement de sang

La seizième conférence annuelle sur le sida s’est achevée, cette semaine, sur un mot d’ordre constituant, dès le départ, son thème central : it’s time to deliverFinissons-en avec le sida! La logique économique implacable d’un Bill Gates donnerait-elle plus de résultats que la machine politique et sanitaire? Cela reste à prouver. Mais ce qui m’a le plus étonné, à entendre des dizaines d’analyses à la radio ou à la télévision, c’est le parallèle flagrant des discours concernant les deux ennemis publics numéro un de l’heure, le terrorisme et le sida. Un rapprochement abstrait mais riche de sens.

Je ne fais pas simplement allusion à la sortie remarquée du quatuor présidentiel de Médecins du Monde, dans Le Devoir du 12 août dernier. Certes, le sida tue bien plus que le terrorisme, mais ce qui est drôlement intéressant, c’est que leurs contextes et leurs modes d’action furtifs trahissent de grandes similitudes.

Le sida frappe d’abord des populations marginalisées — homosexuels, toxicomanes, prostituées — puis se répand dans l’ensemble de la société. Idem pour le terrorisme, qui recrute au départ des individus issus de populations marginalisées — musulmans extrémistes vivant au sein des sociétés occidentales — avant de se répandre dans les ghettos de banlieue d’Angleterre, d’Irak ou d’Indonésie, jusqu’à plonger toute la société dans la peur et l’angoisse.

Dans le tiers-monde, le sida prolifère sur le terreau de la pauvreté et de l’ignorance dans lequel baignent les populations sciemment sacrifiées par le reste du monde. Idem pour le terrorisme, qui permet à des Palestiniens sans futur ou à des Pakistanais de Londres ostracisés de transformer leur criminel suicide en héroïsme.

Le sida ne tue pas que des toxicomanes ou des individus aux comportements sexuels considérés, par la majorité normative, comme « déviants ». Dans le tiers-monde, il fauche aussi des femmes et des enfants aussi « innocents » et démunis, face au fléau, que le sont les victimes innocentes du terrorisme néo-européen ou irakien.

Le sida n’est pas qu’une maladie active. C’est aussi une épée de Damoclès se terrant silencieusement dans des cellules baptisées « réservoirs à virus » jusqu’au jour où elles quittent leur réserve pour déclencher une pathologie. Ainsi, là où la pandémie règne, tout le monde est « à risque » et tout partenaire potentiel est suspect. Il en va de même pour le terrorisme qui positionne en catimini ses « cellules dormantes » dans la société, jusqu’à ce qu’un ordre ou un impératif logistique les réveille de leur sommeil.

Le sida hypothèque l’économie des pays pauvres. Le terrorisme ralentit celles des pays riches, non sans porter atteinte à leurs droits civiques.

Le sida est l’ennemi de tous les gouvernements mais ceux-ci posent rarement les bons gestes pour l’éradiquer. Ils privilégient la recherche pharmaceutique, certes très importante, mais sans trop d’emphase sur l’éducation, la prévention et l’éradication de la pauvreté. Ils s’attaquent ainsi aux symptomes de la maladie plutôt qu’à ses causes. Même chose pour le terrorisme, face auquel les gouvernements anglo-saxons de la planète brandissent la menace militaire et la répression sans reconnaître les problèmes inhérents à la décolonisation bâclée du Proche-Orient.

Quelles conclusions tirer de tout cela ? Je ne le sais pas vraiment. Peut-être qu’il est difficile de lutter efficacement contre une réalité que l’on n’ose pas regarder en face. Et vous, qu’en pensez-vous ?

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