Affiche du film The Corporation
Deux nouvelles très différentes, cette semaine, confirment que certaines corporations placent leurs intérêts, même les plus discutables, au-dessus de ceux des individus et que les systèmes judiciaire et politique, censés préserver l’homme des agressions iniques, constituent leurs meilleurs outils de répression. L’une concerne la défense de l’environnement et l’autre, la liberté d’expression et de circulation des données sur Internet. Allez comprendre comment il est possible, en 2006, que des organisations créées par et pour l’homme puissent en arriver à se retourner contre lui !
Il y a d’abord cette inacceptable poursuite stratégique contre la mobilisation publique (équivalent de l’anglais SLAPP) de 5 millions $ que la compagnie américaine American Iron & Metal Company (AIM) a intentée, en novembre dernier, contre onze membres de l’Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique (AQLPA). Sous la pression financière de cette poursuite abusive, l’association est maintenant acculée à la dissolution, non pas qu’elle ait tort ou ait agi illégalement, mais parce qu’elle a… aidé la justice à faire son travail. Malheureusement, celle-ci est si lourde, si complexe et si coûteuse qu’elle ne peut la protéger contre le déluge de frais juridiques qui s’abat sur elle.
La seconde nouvelle inquiétante est diffusée par l’excellent Center for Democracy & Technology (CDT). Dans une longue analyse fort bien documentée, le CDT décortique le dossier du traité de l’OMPI sur la protection des organismes de radiodiffusion. En superposant au droit d’auteur, déjà internationalement reconnu, un nouveau « droit de diffuseur », l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) risque de tuer le bébé — la liberté d’expression et d’information citoyenne — avec l’eau du bain — les intérêts financiers étriqués des entreprises de radiodiffusion, de câblodistribution et (tenez-vous bien) les fournisseurs de service Internet qui, comme Yahoo, Google et YouTube, par exemple, diffusent des contenus qu’ils n’ont pas produits et sur lesquels ils ne détiennent aucun droit d’auteur. Ce traité pourrait leur permettre de contrôler la diffusion de nos oeuvres pendant 50 ans. C’est fort !
Ces deux affaires me laissent perplexe. La seconde, en particulier, démontre que les technologies les plus porteuses de liberté, celles-là mêmes qui naissent d’une aspiration légitime à libérer le potentiel créatif de l’homme, entraînent invariablement une réaction négative de la part des structures de pouvoir. Celles-ci ont vite fait d’imposer de nouvelles mesures de contrôle social destinées à en réduire la portée. Au final, ce n’est pas les individus (vous et moi, actionnaires, clients ou employés) qui en sortent gagnants. Ce sont les structures elles-mêmes, ces structures insensibles aux dommages collatéraux pernicieux qu’elles entraînent, ainsi que le nouveau clergé en chemise blanche qui les nourrit servilement avec l’illusion de détenir la Vérité Suprême.
» Voir aussi : WIPO Broadcasting Treaty (Electronic Frontier Foundation)
Sérieux, ça fait peur. Plus peur que de laisser une trace sur les newsgroups!
C’est bien agréable cracher sur les grosses et méchantes corporations, mais pour comprendre comment ces choses arrivent, j’ai trouvé très utile le livre La soif des entreprises, traduction de Greed, Inc.: Why Corporations Rule Our World and How We Let It Happen.
Merci du tuyau, Nicolas. Il y a aussi le livre dont le film The Corporation est tiré, et dont le propos doit être assez proche de celui de Wade Rowland. J’écris « doit être » car si j’ai vu le film, je n’ai pas pris le temps de lire le livre…