En réaction au second article de Michel Venne sur le mariage gay publié dans Le Devoir du 4 août 2003
Votre exposé est pertinent et très intéressant. Je ne pense cependant pas comme vous que le mariage, de nos jours, contribue à fonder des engagements plus durables entre les personnes.
À Montréal, dans la tranche des 35-45 ans, le nombre de couples divorcés me semble astronomique. À l’inverse, de nombreux couples (dont le mien) vivent en union libre, avec ou sans enfants, pendant des décennies sans ressentir le besoin de « consacrer » cette union par une institution qui leur semble inutile — pour ne pas dire anachronique. Bref, il n’y a pas, à mon sens, de lien général entre la notion de mariage et la durée de vie d’un couple.
Le seul et unique bouquet de raisons que je vois au mariage contemporain tient au désir de respectabilité et de retour aux valeurs ancestrales dans un monde qui a, en apparence, rompu avec ces deux notions. Dans nos sociétés, aujourd’hui, la dignité de l’être est fondée sur sa nature même plutôt plus que sur son statut social, politique, sexuel ou religieux. Quant aux valeurs ancestrales, pour nombre d’entre nous, elles n’ont de valeur que si elles sont approuvées par la science ou la nécessité. Ceci n’est pas vrai pour tous, évidemment, mais c’est tout de même une tendance profonde.
Dans ce contexte, je ne vois pas plus d’intérêt « objectif » au mariage gay qu’au mariage tout court. Il me semble que cette nouvelle campagne d’émancipation sociale relève plus d’un désir de parachèvement de la normalisation d’une communauté ostracisée par les gens dits « normaux » pendant des siècles que d’un réel besoin d’avantages que le mariage contemporain ne saurait apporter.
Paradoxalement, les gays qui ne se reconnaissaient pas, il y a dix ans, dans les institutions classiques et cherchaient avant tout à s’en affranchir veulent aujourd’hui s’approprier celles-ci. Je les comprends. Je l’accepte même volontiers. Cela ne m’empêche pas d’y voir une sorte de régression conservatrice de la part d’une communauté réputée progressiste. Ce n’est pas étonnant dans le contexte actuel, mais ce n’est pas spécifiquement une bonne nouvelle.
En conclusion, je crois que la société doit accepter le mariage gay comme une marque de respect, d’acceptation et d’égalité supplémentaire mais que, en soi, cette acceptation n’apportera aucun avantage réel à long terme à la communauté gay, si ce n’est de lui permettre d’accueillir et de satisfaire les éléments conservateurs en son sein. Bref, de se « normaliser ». La société toute entière, en effet, est faite d’un mélange de conservatisme et de progressisme. Il aurait été rafraîchissant mais assez étonnant que la communauté gay soit exemptée à long terme de cette dualité.
Christian Aubry
Absolument raison! c’est en effet une question de normalisation d’une communauté qui suit l’air du temps, à savoir la pensée conservatrice de notre époque de guerre et de terrorisme. mais que tu dises que la dignité de l’être soit fondé sur sa nature laisse à désirer… Car la nature, ce fait soi-disant biologique et donc scientifique nous éloigne des réalités politiques et des constructions sociales de tout ça… ce qui n’empêche pas la police de penser qu’un noir qui titube et parle fort doit être automatiquement maîtrisé ou qu’un arabe aux frontières, ben c’est peut-être ben un terroriste… alors la nature et la dignité, faut voir…
Quant aux valeurs ancestrales c’est kif kif… Les valeurs c’est une question de culture, de classes et donc de construction sociale… la
science n’y est pour rien… par contre, oui, on se farcit ces valeurs-là quand on se tape justement le mariage de la cousine, la copine, du mon oncle…! 😉 c’est une question de respect pour l’amitié que l’on porte envers l’autre…
Mais tu as vraiment tapé dans le mil quant au besoin de la communauté gay de « parachever sa normalité »… quelle tristesse, quel ennui!
riri