Deux poids, deux mesures antiterroristes

Voici à quoi se résume la politique de Washington depuis bientôt cinq ans : deux poids, deux mesures, zéro résultats. Ce régime de menteurs, de manipulateurs, d’illuminés pervers, agressifs et contre-productifs est un véritable catastrophe pour toute l’humanité!

Poor Liberty!Le 12 avril dernier, les médias internationaux révélaient que Luis Posada Carriles, un ancien agent cubain de la CIA, narcotraficant, présumé terroriste anticastriste et auteur d’un attentat aérien ayant fait 73 morts en 1976, était en passe de trouver refuge aux États-Unis.

Hier matin, ces mêmes médias nous apprenaient que l’administration Bush, si prompte à débusquer les terroristes «où qu’ils se trouvent», en est rendue à trafiquer les statistiques afin de camoufler la triste réalité : de 2003 à 2004, sa fameuse «guerre totale contre le terrorisme» n’a réussi qu’à faire tripler le nombre des victimes de tels actes dans le monde. Le conflit russo-tchétchène n’est manifestement pas le seul responsable de cette prodigieuse inflation et Posada Carriles se la coule douce à Miami. Cherchez l’erreur.

Voici donc à quoi se résume la politique de Washington : deux poids, deux mesures, zéro résultat. Moins que zéro, même. Depuis bientôt cinq ans, ce régime de menteurs, de manipulateurs, d’illuminés pervers, psychopathes et contre-productifs ouvre à l’humanité les portes de l’enfer. C’est dans ce contexte déplorable que des citoyens canadiens demandent à leur Premier ministre (s’il l’est encore demain matin:) de faire pression sur le gouvernement américain afin qu’il applique sa propre loi antiterroriste. Ce serait la moindre des choses, non?

» Lisez — et signez, si le haut-le-coeur vous en dit — la pétition !
» Voir aussi la dépêche de l’AFP sur la demande d’asile de LPC

L'intéropérabilité ou la mort !

Aujourd’hui, on devrait évaluer un logiciel non seulement pour sa valeur intrinsèque, mais également pour son intéropérabilité. Cela règlerait bien des problèmes en cas de changement d’entreprise, par exemple, ou de transfert de savoir-faire entre Mac, Linux et Windows pour n’importe quelle raison.

Directory Synchronize: c'est pas compliqué!Aujourd’hui, on devrait évaluer un logiciel non seulement pour sa valeur intrinsèque, mais également pour son intéropérabilité. Cela règlerait bien des problèmes en cas de changement d’entreprise, par exemple, ou de transfert de savoir-faire entre Mac, Linux et Windows pour n’importe quelle raison. D’autant qu’à l’ère des normes et codes source libres et ouverts, l’interopérabilité n’est plus un idéal, mais une réalité.

Le grand défi, en effet, quand on veut s’affranchir des chapelles informatiques et travailler sur n’importe quelle plateforme sans exclusive, consiste à trouver des outils équivalents sur chacune d’entre d’elles. Si le même outil fonctionne sur toutes, tout va très bien car il n’est plus nécessaire d’apprendre à se servir de deux ou trois logiciels différents pour atteindre le même résultat. Ainsi en va-t-il d’OpenOffice, dans le domaine de la bureautique, par exemple. Ce progiciel constitue bien sûr la seule alternative possible à Microsoft Office sous Linux, mais il permet en prime de continuer à utiliser parallèlement son Mac OS ou son Windows XP sans souffrir de «conversionnite aigüe». Disponible pour les trois plateformes, OpenOffice rend le passage de l’une à l’autre totalement transparent.

Même liberté avec the Gimp, l’éditeur graphique phare de l’industrie informatique libre; Firefox, le fureteur Web le plus complet et le plus performant que le monde ait connu à ce jour; avec aussi une foule d’autres projets développés de façon conviviale, ouverte et naturelle (car au mérite) sur le portail SourceForge. Soit dit en passant, SourceForge devrait franchir, d’ici quelques semaines, le cap des 100 000 projets. Oui, Madame, 100 000 !

Grâce à Google et à SourceForge, j’ai découvert aujourd’hui un utilitaire incontournable que j’attendais depuis plusieurs mois. Il s’agit de Directory Synchronize, un synchronisateur de dossiers et de fichiers, comme son nom l’indique, fonctionnant en Java sous Mac, PC, Linux… et peut-être même sous Palm OS — mais cela reste à vérifier 🙂 Il fonctionne en tout cas à merveille sous Windows et Linux, ce qui me permet de passer de l’un à l’autre en ne modifiant que légèrement ses fichiers de configuration, vu que la syntaxe des chemins de fichiers n’est pas la même sur les deux plateformes. L’interface est simple à utiliser, le contrôle et la fiabilité sont excellents. Qui plus est, ce logiciel issu de l’univers Linux ayant recours à toute la puissance des fichiers de configuration, il est tout à fait possible de l’exploiter en mode console. Cela n’a l’air de rien, mais les non voyants et les administrateurs de systèmes apprécieront.

J’ai vraiment l’impression que les champions de l’intéropérabilité, des normes ouvertes et de l’informatique libre sont, peu à peu, en train de changer le paysage. Le cas d’Apple, qui a bâti sur les bases d’Unix un environnement plus ouvert et largement intéropérable avec Linux, en dit long. La progression constante des applications Java et l’ubiquité du serveur Apache, qui permet de rouler les mêmes applications sur n’importe quelle plateforme, transforment profondément, eux aussi, notre rapport au système d’exploitation.

L’informatique libre n’a rien à voir avec la religion, mais tout avec l’universalité, le dynamisme et l’efficacité. C’est une révolution industrielle qui ne fait que commencer. Hasta la libertad siempre ! 😉

Au pied du Mur de Shawinigan

Toutes proportions gardées, voilà donc que le scandale des commandites s’apparente à la chute du mur de Berlin.

Le Déshonorable Alfonso GaglianoAprès les révélations spectaculaires de Benoît Corbeil la semaine dernière, Radio-Canada diffusait hier soir une nouvelle entrevue choc avec, cette fois, le Déshonorable Alfonso Gagliano. L’ancien ministre des Travaux Publics, ex-responsable politique du programme des commandites au sein du gouvernement Chrétien, n’y est pas allé par quatre chemins : «  La séparation du Québec du Canada n’est pas « arrêtable », c’est une question de temps, ça va se faire. ». Bigre!

Toutes proportions gardées, voilà donc que le scandale des commandites s’apparente à la chute du Mur de Berlin. Provoquées par quelques brebis aussi galeuses que marginales, la déroute du Parti libéral précipiterait le Canada dans la séparation, avec le cortège de déchirements, de malheurs et de désastres économiques que le petit gars de Shawinigan a coutume de lui associer. Venant d’un ténor du fédéralisme coast to coast, la prédiction aurait de quoi surprendre si l’on ne nous avait déjà malheureusement habitués aux scénarios d’épouvante destinés à faire peur au monde à l’approche des échéances référendaires.

Le Déshonorable Alfonso Gagliano a d’ailleurs plus d’un tour de passe-passe dans son sac. En ces temps troublés par les luttes fratricides et le retournage de veste express, il a le don de la formule approximative qui fait mouche. Exemple: pourquoi Paul Martin s’acharne-t-il contre lui? « Lorsqu’on a déjà tué quelqu’un, on peut bien le tirer encore deux ou trois fois puisqu’il est déjà mort! » Prononcé avec l’accent italien, la phrase a un drôle d’accent mafieux. Pourquoi a-t-il affirmé, devant la Commission Gomery, n’avoir rencontré Charles Guité que 3 ou 4 fois par an, alors que l’on sait maintenant que c’était plutôt 10 ou 12? « C’est que je le rencontrais aussi parfois pour d’autres choses; mais pour les commandites, c’était bien 3 ou 4 fois par an, comme j’ai dit. » Pas mal trouvé de la part d’un contorsionniste — de la part d’un ancien ministre ayant témoigné sous serment, en revanche, c’est moins convaincant.

Le plus troublant reste toutefois l’appréciation gaglianesque de ce qui arriverait si jamais le Québec accédait demain à la souveraineté: « Ça ne sera pas la fin du monde et cela ne m’inquiète pas plus que ça. » Là, il n’y a plus de doute possible. Le mur de Shawinigan est sur le point de s’effondrer.

Voyage photographique au-delà du virtuel

Si cette référence a du sens, cela veut dire que le photographe nous montre à voir, par son propre reflet sur la vitre, ce qui se passe de l’autre côté de l’écran d’ordinateur.

Photo de Pascal GrandmaisonUn article de Bernard Lamarche sur l’exposition de photographe Pascal Grandmaison a attiré mon attention, ce matin. Étranges images que ces portraits rapprochés de jeunes gens absorbés dans la contemplation d’une plaque de verre transparent portée à bout de bras.

Le critique du Devoir voit dans leur « inexpressivité » toutes sortes de références érudites. Moi, j’y vois plus prosaïquement une variation raffinée du clip publicitaire pour le site Web de Radio-Canada dans lequel des comédiens lisent les nouvelles sur l’écran d’ordinateurs portables dans la rue, dans le métro ou chez eux. Cette référence est inscrite dans la surface translucide provoquant l’intense concentration des regards. Le photographe me montre alors peut-être ce qui se passe de l’autre côté de l’écran de mon ordinateur : il y a simplement quelqu’un d’autre qui me regarde et qui, d’une certaine manière, m’exploite tout en me glorifiant.

Voici donc démystifiée à mes yeux la soi-disante impersonnalité du cyberspace. Celui-ci n’est finalement rien d’autre que le reflet de notre humanité. J’irai voir cette expo vers 15h aujourd’hui afin de m’en assurer.

▼ PS — Veni, vidi, video!

Naissance d'une archithèque libre

Cela fait un moment que je voulais mettre ou remettre en ligne, sur ce site, plusieurs textes qui gagneraient à être publiés ou, le cas échéant, exhumés de façon permanente. Ce sera en quelque sorte mon petit musée personnel.

par... 4 chemins!Cela fait un moment que je voulais mettre ou remettre en ligne, sur ce site, plusieurs textes qui gagneraient à être publiés ou, le cas échéant, exhumés de façon permanente. Ce sera en quelque sorte mon petit musée personnel — bien entendu publié sous licence Creative Commons. J’ai donc entrepris cette nuit, dans l’amicalmante « Architèque », l’intégration de deux premiers textes datant respectivement de 2003 et 2004.

Le premier s’intitule Le documentaire d’auteur à l’ère numérique. J’ai confié ce projet en septembre 2003 à d’éminents fonctionnaires du Ministère de la culture du Québec qui eurent la bonté de ne m’en retourner aucun commentaire. Il mérite peut-être que d’autres s’y attardent car, deux ans plus tard, il reste du chemin à faire pour sortir le cinéma documentaire d’auteur de l’ornière dans laquelle l’enfonce coupes sombres et « docufiction ».

Démarche analogue pour le projet Voyage en ligne : la plateforme de troisième génération, prolongement platonique de mes expériences cybertouristiques des années 1999-2001. Il y a peut-être bien une vie après la mort, me suis-je dit en l’écrivant dans un avion qui me ramenait des « vieux pays ». Les rares personnes à qui j’ai fait lire ce brouillon trouvèrent l’idée intéressante. Après plusieurs mois d’immobilisme, il est temps de jeter cette histoire à la mer numérique en espérant que quelqu’un, un jour, quelque part, aura l’envie, les moyens et l’énergie d’en inventer la suite.

À venir : une quinzaine de chroniques publiées dans Multimédium sous licence « Open Content » et datant de 1999 — notamment l’inénarrable série de chroniques La vie en Linux, de mon très zen compère, Michel Dumais, qui attirait pour la première fois mon attention sur les licences de contenu ouvert ! Comme dit le proverbe contemporain : rien ne se perd, rien ne se crée, tout se recycle ! 🙂

Paré à virer?

Depuis quelques années, le virage à droite au feu rouge est autorisé partout au Québec, sauf à Montréal. Un excellent article du Devoir laisse entendre que cette nouvelle disposition du code de la route s’étend maintenant à la sphère politique.

Virage à droite?Depuis quelques années, le virage à droite au feu rouge est autorisé partout au Québec, sauf à Montréal. Un excellent un article de fond d’Antoine Robitaille, publié dans Le Devoir de ce matin et largement inspiré d’une émission de Marie-France Bazzo diffusée le 5 avril sur la première chaîne de Radio-Canada, laisse entendre que cette nouvelle disposition s’étend maintenant à la sphère politique. En substance, on y explique que l’étiquette « de droite » n’est plus un tabou au Québec.

Ceci n’est pas nécessairement une mauvaise nouvelle puisque la mort de n’importe quel tabou constitue une victoire de la raison sur l’irrationnel. Pour le reste : «La droite ? Il vaudrait peut-être mieux dire «les droites» tant les courants sont nombreux. On peut en cerner environ quatre dans le Québec d’aujourd’hui. Mais aucun d’entre eux ne refuse explicitement la démocratie ni ne s’attaque obsessionnellement aux immigrés. L’on peut dès lors conclure qu’il n’y a pas vraiment d’extrême-droite au sens européen du terme au Québec.»

À la bonne heure! Cela fait deux bonnes nouvelles. Parmi les moins bonnes, notons que le courant le moins alternatif des quatre est bien entendu le courant néo-libéral, notamment représenté par Michel Kelly-Gagnon, directeur exécutif de l’Institut économique de Montréal. C’est le plus sérieux car il ne manque pas d’alliances internationales et qu’il contamine même allégrement — adjectif hélas! sans rapport avec Porto Allegre — l’ensemble de l’échiquier parlementaire québécois. Les autres nominés sont:

  • la droite populiste, incarnée par le très radical Stéphane Gendron, maire d’Huntingdon et animateur de lignes ouvertes. Assez dangereux.
  • la droite intellectuelle nationaliste, représentée par Mathieu Bock-Côté, étudiant en socio et membre fondateur, paraît-il, du Cercle Raymond-Aron, arborant des tendances républicaines non religieuses. Plutôt insidieux.
  • la droite traditionaliste dont l’un des hérauts serait Luc Gagnon, éditeur de la « revue de la résistante conservatrice », Égards, qui défend les valeurs morales chères au catholicisme, aux réactionnaires pro-vie et au nostalgiques du conservatisme canadien-français de l’abbé Groulx. Carrément vieux-jeu.

Il y a encore loin du calice aux lèvres, mais le scandale des commandites et l’admirable prestation du gouvernement Charest rendent un « retour des droites » aux affaires de moins en moins improbable, à Québec comme à Ottawa. Mieux vaut donc apprendre à les connaître, ne serait-ce que pour se tenir prêt à pourfendre leurs arguments.

» Écoutez l’émission de Marie-France Bazo sur radio-canada.ca.
» Ou bien lire rapidement le rapport d’écoute de Philippe-A., sur Blogspot.

André Caillé touche le gros lot !

Je me demande ce que les femmes de Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine, dont le revenu annuel moyen s’élève à 15 739 $, pensent des «retraites» en or versées à nos notables de province, année après année, à même leurs impôts.

Logo de la Lotto 649 (Loto-Québec)Reprenant un article de La Presse, une dépêche de Radio-Canada m’apprenait ce midi qu’André Caillé, l’ex-P.-d.g. d’Hydro Québec, allait toucher une retraite de 300 000 $ par année. « Ce dernier a accepté de présider, gratuitement (sic!), le conseil d’administration d’Hydro.« , était-il précisé. À ce tarif-là, moi, je veux bien nettoyer gratuitement les toilettes de l’Assemblée nationale!

Soyons sérieux. André Caillé est remercié après neuf années passées à la tête du fleuron de Québec inc. pendant lesquelles il a empoché une rémunération de l’ordre de 460 000 $ par an — sans parler des autos, appartements de fonction, vacances de rêve, gadgets hors de prix, dépenses de représentation et autres menus à-côtés faisant parti du quotidien des grands capitaines d’industrie. Mettons qu’il s’est assis sur un minimum de quatre millions en dix ans. Il serait donc normal que que ce talentueux serviteur de l’État, amoindri par tant de sacrifices, touche maintenant une petite fortune à ne rien faire. Bien entendu, le pactole récurrent qui servira à accroître sa fortune personnelle sera prélevé chaque année à même nos impôts, et ce aussi longtemps qu’il vivra.

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Le Gouvernement du Québéc a de la difficulté à boucler son budget, parait-il. Il manque d’inspiration et il faudrait l’aider. Par exemple, l’Institut de la statistique du Québec(*) pourrait compiler chaque année les sommes astronomiques versées à titre de rente aux anciens commis de l’État et de ses satellites. Si l’Institut n’ose pas, les médias pourraient le faire en vertu de la Loi de l’accès à l’information. Il doit y avoir là assez de gras pour qu’un gouvernement responsable puisse se permettre d’en retrancher quelques centaines de millions afin de les mettre ailleurs, là où ils seraient dépensés à des fins plus utiles à la cause perdue des infirmières, éducatrices, enseignants, artistes, chercheurs et autres étudiants.

Car enfin, si la grande majorité des citoyens trime dur pour garnir tant bien que mal un fond de pension généralement insuffisant, quelle justification y a-t-il à ce que de haut fonctionnaires grassement rémunérés pendant six ou dix ans d’exercice touchent, une fois remerciés, des rentes faramineuses à même les deniers de l’État? On ne parle pas ici de sommes raisonnables, soumises à un plafond décent, éventuellement bonifiées par les revenus d’un RÉER obéissant à la logique fiscale qui s’applique à toute la société. Il s’agit plutôt de clauses discrétionnaires, identiques à celles du secteur privé mais totalement grotesques dans un système à financement universel et obligatoire comme le service de l’État.

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* En parlant de l’ISQ, une autre dépêche m’apprenait hier soir que le revenu personnel moyen au Québec s’établissait l’an dernier à 28 600 $ par an, soit 34 600 $ pour les hommes et 22 600 $ pour les femmes. Je me demande ce que les femmes de Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine, dont le revenu annuel moyen s’élève à 15 739 $, pensent des «retraites» en or massif accordées à leurs élites, année après année, à même leurs maigres impôts.

▶ Plus de détails dans les tableaux statistiques de l’ISQ.

La noblesse des humbles comme antidote au déluge

En sortant du métro, je tombe sur ce vieux sud-américain qui joue Besa me mucho aux pieds d’une fille allongée dans une pause plutôt suggestive — création publicitaire en mal d’imaginaire oblige.

En sortant du métro, je tombe sur ce vieux sud-américain qui joue Besa me mucho à l’accordéon, assis aux pieds d’une fille allongée dans une pause passablement suggestive — création publicitaire en mal d’imaginaire oblige. Au-delà de ce contraste un peu troublant, la pureté et l’humilité du vieil homme chantant à voix très basse, comme pour ne pas déranger les passants, m’invite à l’écouter.

J’apprécie la discrétion de sa voix grave et l’absence de prétention de sa mélodie triste et chaude. Je me fends spontanément d’un deux dollars et le dépose, comme il se doit, dans l’étui de l’instrument. Et puis l’envie me vient de filmer ce personnage, ne serait-ce qu’un instant. Je demande sa permission. Il accepte en souriant.

Une minute plus tard, le viel homme regarde son image enchâssée sur le petit écran et son oeil se met à pétiller. Il aimerait vraiment que je lui offre une copie de la séquence, si anodine et si merveilleuse, la réalité n’étant après tout que le fruit de la subjectivité. Comment refuser? Reste à savoir sur quel support, car les mots internet, ordenador et où-est-cébé ne semblent pas faire partie de l’univers poétique des accordéonistes latinos sexagénaires de Montréal.

La conversation se termine par un échange de numéros de téléphone, puis je regagne mon domicile. Après souper, les journaux du matin qui n’en ont que pour le pape et les chaînes de télévision dont le matraquage semblent singer ad libitum les battements du sacré coeur défunt me font irrésistiblement penser au déluge. Afin de leur échapper, j’enfourche mon fidèle ordenador et m’empresse de mettre au monde (qui n’en demande pas tant) ce petit intermède pétri de la noblesse des humbles. Le pape est mort mais je m’en tape car la sortie VHS est prête. Le vieux bonhomme sera content! 🙂

Les fourmis du langage

Je viens à peine de découvrir le Wiktionnaire, un dictionnaire en ligne rédigé librement et collectivement par les internautes. Et si l’on s’y mettait tous à raison d’un mot ou deux par mois?

Un travail de fourmiJe viens à peine de découvrir le Wiktionnaire, digne petit frère de la Wikipédia. Comme son nom l’indique, il s’agit d’un dictionnaire en ligne rédigé librement et collectivement par les internautes. Le pauvre petit ne contient actuellement que 3500 mots, alors j’y ai ajouté le verbe français « parvenir » en pensant au chemin restant à parcourir avant d’arriver à plagier correctement les 60 000 définitions de mon Nouveau Petit Robert. Haut les coeurs!

Et si l’on s’y mettait tous à raison d’un ou deux mot par mois? En ces temps de restriction budgétaire, ce serait un travail de fourmi numérique fort utile pour les profs et les étudiants. Si le don en nature ne vous sied pas, vous pouvez aussi agir comme mécène ou comme « profiteur » .

Zahra et Jean-Paul qui êtes aux cieux

La mort, qu’y a-t-il de plus naturel au terme d’une vie heureuse comme un pape? Parlez-moi de la souffrance abjecte, déchirante, insupportable et si hautement condamnable infligée à Zahra Kazemi.

Jean-Paul II et Zahra KazemyAinsi, il est mort, le divin vieillard. Bien que je ne lui voulais aucun mal, j’ai sérieusement envie de crier : « Enfin! » Cette agonie souverainement pontifiante ne fut pas plus indécente qu’un bar de strip tease sur la rue Sainte-Catherine Ouest, mais j’en avais sérieusement marre des souverains poncifs, d’autant qu’il y a des sujets plus importants à retransmettre à perdre haleine sur toutes les chaînes de télénormalisation que la mort en direct d’un octogénaire, aussi respectable et ainsi soit-il.

Je veux parler du dernier rapport parlementaire britannique sur le Darfour, par exemple, ou du témoignage de ce courageux médecin iranien qui a tenté en vain de ramener Zahra Kazemi à la vie. Une vie niée, bafouée, violée et sauvagement saccagée par de lâches tortionnaires n’ayant même pas l’humanité élémentaire de la lui ôter une fois pour toute afin d’abréger ses souffrances. Il est bien évident que ce n’est pas sa mort qu’ils voulaient, les mille fois maudits, mais bel et bien son martyr — le plus long, le plus cruel, le plus déchirant qui soit.

Pourquoi devrait-on sacraliser la spirale infâme de la souffrance, qui appelle la vengeance, qui engendre la douleur, laquelle, à son tour…? Après ces révélations écoeurantes, le pseudo calvaire d’un cacique papal emballé dans de la soie dorée sur tranche est devenu à mes yeux suffocant d’indigence et de banalité. La mort, quoi de plus naturel au terme d’une vie heureuse comme un pape? Celle de l’ultraconservateur romain me laisse aussi froid que les marbres de la basilique Saint-Pierre. Mêlée au goût du pouvoir, la maladie de Parkinson est loin de dégager une odeur de sainteté.

Parlez-moi de la souffrance abjecte, déchirante, insupportable et si hautement condamnable infligée à Zahra Kazemi. Voilà qui devrait arracher des torrents de larmes aux foules chrétiennes, juives, bouddhistes, musulmanes, alterreligieuses et athées de ce monde. S’il existait réellement un peu de justice dans les cieux, ceux-ci devraient immédiatement s’abattre sur la tête des coupables, de leurs complices et des haut-placés de bas étage qui les ménagent à l’encontre de toute justice.

Lorsqu’un tel miracle de justice divine se produira, la vie, la mort et l’éventuelle béatification d’un pape aura infiniment plus de pertinence qu’aujourd’hui. Car aujourd’hui, c’est l’espoir exprimé par la vie et l’oeuvre de Zahra Kazemy qui fait vivre. La religion de Karol Wojtyla, alias feu Jean-Paul II, ne fait que l’exploiter.