Trou noir totalitaire au Proche-Orient

Mobilisation médiatique générale

Comment parler du Liban quand toute la blogosphère en parle ? D’un autre côté, peut-on garder le silence face à un génocide larvé et à la mise à nu d’une tentation totalitaire que l’on espérait révolue ? Car cette guerre totale qu’Israël a déclaré au Hezbollah est bel et bien d’inspiration totalitaire. Elle englobe sans distinction toute race et toute religion. Elle vise les ennemis déclarés au même titre que les innocents. Elle dissout les structures sociales et raye de la carte les biens, les réalisations, l’espoir et la mémoire de tout un peuple. Quel que soit le nombre de « morts physiques », chaque Libanais est atteint par ce génocide psychologique, économique et culturel, confronté aux ruines fumantes de son pays, aux souvenirs de ses proches ensevelis et à sa formidable impuissance. Car la résolution de ce conflit, bien sûr, se joue ailleurs.

Si résolution il y a, il faudrait la dresser sur les décombres des illusions du XXème siècle. C’est à l’aube de ce siècle maudit que le libéralisme triomphant engendra la première guerre « totale » ― quatre années de sang et de haine curieusement baptisées « Grande Guerre », comme s’il y avait une grandeur quelconque à déchaîner l’horreur. Les séquelles mal soignées de ce massacre favorisèrent, par la suite, la montée de deux totalitarismes s’opposant, apparemment, au libéralisme, soit le fascisme et le communisme.

Pourtant, ces trois idéologies, qui se heurtèrent alors de plein fouet, ont en commun d’être fondés sur des systèmes de pensée niant la complexité et la subtilité de la condition humaine. Ce qui débuta par une « Drôle de guerre » se termina, quelques années et millions de morts plus tard, par un holocauste, quelques génocides marginaux, deux catastrophes atomiques et la destruction de vastes portions du monde dit « civilisé ».

C’est dans ce contexte chargé de blessures profondes que fut scellé le destin de la Palestine. Bien entendu, on ne donna pas voix au chapitre à la plupart des populations concernées. Ainsi naquit Israël, premier pays virtuel de la planète, issu du colonialisme et de la barbarie, porteur de tous les péchés du monde, héritier de la Colère de Dieu et de la Fureur des Hommes.

Le malheur des uns ne fait pas nécessairement la sagesse des autres et Israël évolua comme on le sait. Côté jardin, c’est une démocratie irréprochable dans laquelle se mirent complaisamment toutes les élites de l’Occident. Côté cour, c’est une superpuissance militaire prête à tout pour assurer sa survie, y compris à perdre son âme en rayant pratiquement un pays de la carte.

Juifs, Chrétiens ou Musulmans; Catholiques ou Protestants; Chiites ou Sunnites; Israëliens, Libanais, Palestiniens, Syriens, Irakiens, Iraniens, Saoudiens ou Égyptiens; tous sont des hommes appelés à s’entraider et vivre ensemble. Il est inconcevable, six ans après le début du XXIème siècle, que nous n’ayons pas encore tiré la leçon des horreurs du passé, que certains de nos dirigeants pensent encore le monde en termes manichéens (le Bien absolu contre le Mal absolu) et que ressurgissent les vieux démons du suicide humain ― car c’est aussi de cela qu’il s’agit.

Espérons que les Montréalais iront manifester nombreux en ce dimanche 6 août, non pas pour régler le problème du Proche-Orient (car ils n’ont certainement pas plus de prise sur ces événements que les Libanais eux-mêmes), mais pour exprimer leur rejet formel de tous les totalitarismes.

Espérons, sans trop y croire, que la terreur qui s’épanouit si bien de l’Irak à la « péninsule » (?) de Gaza en passant par le Liban n’est que l’un des derniers trous noirs dans lequel le totalitarisme se concentre et se consumera.

Espérons que les citoyens du monde finiront par s’affranchir des idéologies meurtrières et des systèmes productivistes cherchant à les asservir à leurs fins propres, transformant les uns en victimes impuissantes et les autres en monstres surpuissants.

Une réflexion sur « Trou noir totalitaire au Proche-Orient »

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