Le 6 août 2006, des milliers de Montréalais manifestèrent dans les rues de la métropole québécoise afin de réclamer la paix immédiate au Liban. Le défilé dura 26 minutes et 46 secondes, comme l’atteste très précisément le plan-séquence ci-dessous, et rassembla quelque 15 000 personnes, selon Le Devoir (PDF).
Pour le YulBlogger Jonas Parker, il ne fait pas de doute que ce défilé était beaucoup trop pro-Hezbollah. Or, s’il est vrai qu’un certain nombre d’arabes canadiens exaspérés arboraient les couleurs du mouvement chiite libanais et scandaient des slogans anti-israëliens, le montage vidéo du site Judeoscope.ca, qui dure à peine plus d’une minute, ne montre que cette réalité. Elle occulte du même coup la présence de milliers de manifestants plus sages et plus modérés, quelles que soient leurs origines. Quant aux libanais qui défilaient sous le drapeau de leur mère-patrie, ils avaient au moins autant de légitimité que les milliers d’italo-canadiens et de franco-français fêtant les victoires de leurs équipes nationales lors de la dernière Coupe du monde de football.
En ce qui me concerne, voilà tout ce que je souhaitais capter en tournant ce plan-séquence : la réalité. Si le blason du Hezbollah est redoré par la destruction du Liban, cela n’a rien pour m’étonner.
*
Hier soir, à l’issue d’une couverture nuancée de la manifestation, Radio-Canada donna la parole au consul général d’Israël à Montréal, M. Marc Attali. Celui-ci dénonça vigoureusement la présence des drapeaux du Hezbollah au milieu de la foule, puis rejeta sans nuance la faute de la guerre sur le mouvement chiite libanais qui — c’est vrai — tue des civils israëliens et utilise la population libanaise comme bouclier humain. Mais il ne commenta nullement le fait que Tsahal n’a pas plus de scrupule à liquider froidement des civils libanais et palestiniens. Il évita également la question des « colonies juives de peuplement » qui sont, elles aussi, des boucliers humains permettant de conquérir, illégalement et par la force, le territoire palestinien.
Encore une fois, on ne règlera pas cet interminable conflit en jouant à l’oeuf et à la poule. Il faudrait prendre quelque distance et considérer l’historique complet du dossier, des premiers pogroms à aujourd’hui, en passant par l’Affaire Dreyfus, le mandat britannique en Palestine, la Shoah, la décolonisation et tout le sang — plus souvent arabe que juif — qui coula depuis.
Les Occidentaux ont autant de responsabilité dans ce qui se passe là-bas que les peuples du Moyen-Orient et ils ont donc aussi leur mot à dire. En tant que citoyen occidental, j’aimerais faire savoir aux gouvernements d’Israël et des États-Unis (voire, à l’occasion, du Canada) que j’en ai assez de la réthorique à « deux poids, deux mesures » derrière laquelle on masque sans cesse les évidences inavouables de ce conflit. Israël a le droit d’exister, certes, mais le Liban et la Palestine aussi. Pas comme un bantoustan que l’on tolère tant qu’on y accepte sans broncher le désespoir et la misère, mais comme un pays viable exprimant les aspirations démocratiques de citoyens ayant autant de devoirs et de droits que moi.
Aucune négociation de bonne foi n’ayant réussi à mener la région de la « Terre-Sainte » (?!?) à une paix assez juste pour durer, on peut difficilement reprocher à certains pays de la région de rêver à la bombe atomique. Certains matins, en écoutant les nouvelles à huit mille kilomètres de distance, j’en arrive à me demander si la seule solution ne consiste pas, en effet, à rayer toute cette région de la carte. Ce serait tout de même navrant d’avoir laissé couler tant de sang, d’encre et de temps pour en arriver à une « solution finale » rivalisant d’atrocité avec la fureur nazie !
Une réflexion sur « Un plan-séquence vaut mille mots »