Guerre et démocratie

Qu’est-ce qu’un parti politique? C’est la sublimation non violente d’une armée en campagne.

Qu’est-ce qu’un parti politique? C’est la sublimation non violente d’une armée en campagne. Les allégories guerrières y sont nombreuses : quartier général, chef, lieutenants, troupes, discipline, ennemi, victoire, stratégie, défaîte, triomphe, arrêt de mort. Comme sur le champ de bataille, les nuances et la conciliation ont rarement voix au chapitre. Qu’elle soit militaire ou politique, la discipline tolère en effet très mal la dissidence — et encore moins le «passage à l’ennemi»!

Défilé démocratique

« Il n’y a peut-être pas de bon régime politique, mais la démocratie en est assurément le moins mauvais », écrivait Camus en 1947. C’était vrai à l’époque, mais je crois personnellement que nous devrions aujourd’hui faire mieux. Telle que nous la connaissons, la démocratie repose sur un paradigme d’affrontement qui évoque plus le Moyen-Âge que le 21ème siècle. Son extension au tiers-monde constitue une évolution positive, certes, mais certainement pas une panacée.

Paradoxalement, il existe un pays vivant dans un système de parti unique et offrant à ses citoyens plus de démocratie véritable que les pseudo-démocraties « multipartistes » qui ne se gênent pas pour lui donner la leçon. C’est Cuba. À La Havane, en effet, les citoyens se font un devoir de commenter et d’orienter la politique nationale au sein d’assemblées populaires. Les élus de la base, qui font remonter leurs doléances vers les instances supérieures, ne sont pas des politiciens professionnels, mais des citoyens comme les autres. Ils n’abandonnent pas leur travail en assumant leur charge représentative : ils sont simplement mis en disponibilité pour quelques temps. Dans les hautes sphères, l’oligarchie et le professionnalisme politique règne, certes, mais les stratégies de ces dirigeant ne répondent pas à la logique irréductiblement guerrière des « lignes de partis ». Il s’agit de débats de stratégies et d’idées qui, au moins en théorie, peuvent se départager au mérite. Il y a donc plus de chance d’en arriver à des décisions équilibrées, rationnelles et conformes à l’intérêt du peuple.

C’est aussi cela que démontrent les manifestations monstres de La Havane, et pas seulement la malice communiste que se complaisent à stigmatiser les agences de presse reprises en choeur et sans nuance par la plupart des médias. Des préjugés néo-moyennâgeux et 30 ans de Guerre Froide leur ont manifestement lavé le cerveau. Asphyxiée par les États-Unis, Cuba est un régime tabou — et pour cause : l’enfer, c’est pas nous, c’est les autres. En avant, marche!

Du point de vue politique, les occidentaux de 2005 sont des machines à consommer et à voter, blanc bonnet et bonnet blanc. Chez eux, le spectacle politique a remplacé le débat libertaire, égalitaire et fraternel. Des gestionnaires sans états d’âme et des manipulateurs d’«image» dénués d’éthique se tapent des salaires auxquels ne peuvent prétendre les humanistes parqués dans les universités. Les scandales étouffés succèdent aux scandales avérés. Les rapports des vérificateurs constituent des exhutoires finissant généralement sur les tablettes de l’oubli. La corruption est plus sophistiquée, mais tout aussi omniprésente que dans le tiers-monde. Comme au Moyen-Âge, des « lieutenants » malhonnêtes s’estiment chanceux de pouvoir se partager un butin de guerre que leur concède, impuissante, les populations bafouées.

Quand, par miracle, le scandale devient enfin assourdissant, qu’est-ce que les démocraties occidentales proposent à leur citoyens afin de régler définitivement le problème? Une nouvelle élection. Comme si le remplacement d’une dictature douce par une dictature molle pouvait engendrer des jours meilleurs!

La guerre des barres d'outils

La fameuse bataille des navigateurs des années 90 s’est transformée en campagne des barres d’outils, Microsoft utilisant toujours les mêmes armes pour l’emporter, à savoir sa domination du marché des systèmes d’exploitation et des applications bureautiques.

Le 16 juillet 2004, Lookout Software était encore «une petite entreprise développant des outils pour améliorer Outlook», le gestionnaire d’information personnelle et client de messagerie de Microsoft. En fait, son seul et unique produit était un plugiciel de Microsoft Outlook permettant de retrouver instantanément toute information nichée au fond d’un courriel ou d’un document quelconque. Encore en phase bêta, il fonctionnait très bien et commençait à disposer d’une base d’utilisateurs solide.

Le 17 juillet 2004, on apprenait que Microsoft rachetait Lookout afin de «bâtir le prochain produit à partir des meilleures technologies des deux camps». En fait, le projet consistait à intégrer le moteur de recherche local de Lookout à MSN Search, un nouvel outil de recherche totalement intégré à Windows et aux applications Microsoft, mais élargi à l’ensemble du Web et à une gamme de services de nouvelle génération. Il s’agissait de reprendre le terrain perdu face à Google en s’appuyant une fois de plus sur le système d’exploitation et les applications phares de la firme, Microsoft Office et Internet Explorer.

Et voilà que c’est fait. Depuis quelques mois, Lookout est devenu MSN Toolbar Suite Beta, une extension de MSN qui sera totalement fondue dans Internet Explorer 7, selon Le journal du Net. La fameuse bataille des navigateurs des années 90 s’est transformée en campagne des barres d’outils, Microsoft utilisant toujours les mêmes armes pour l’emporter, à savoir sa domination du marché des systèmes d’exploitation et des applications bureautiques.

À l’heure où d’innombrables barres d’outils se battent pour occuper nos écrans, j’ai testé MSN Search puis l’ai vite désinstallé car la plupart de ses fonctionnalités existent déjà dans la Google Toolbar que j’utilise depuis des années et qui offre des fonctions supérieures, comme la traduction mot à mot à la volée et la vérification orthographique des formulaires. Pour trouver la perle rare enfouie dans la masse de mes courriels et de mes documents, j’opte pour Copernic Desktop Search. Ces deux outils se complètent parfaitement et répondent aux principes d’infodiversité que le FMI, la Banque Mondiale, la Commission européenne, le Nouveau Parti Démocratique du Canada et le dépanneur du coin de ma rue ne défendent pas assez à mon goût.

Une commission balisée

Ce que je retiens, c’est que les auditions publiques, spontanées, pleines de surprises de la Commission Gomery sont arrangées avec le greffier, si ce n’est avec le gars des vues.

Le Globe & Mail a sorti hier un article (évoqué ici) dévoilant les principales révélations du témoignage de Michel Béliveau avant que celui-ci ne les fasse de vive voix devant la Commission Gomery. On appelle cela une fuite.

Pour être plus précis, Radio-Canada explique que « ces propos étaient résumés dans un document destiné à faciliter le travail des différentes parties impliquées et qui est en principe confidentiel. Le juge Gomery a dit regretter la publication de ces notes, en soulignant qu’elle obligerait la commission à revoir ses règles de fonctionnement de façon à éviter d’autres incidents du genre. »

De façon à éviter d’autres incidents du genre… Ouais. Ce que je retiens, c’est que les auditions publiques, spontanées, pleines de surprises de la Commission Gomery sont arrangées avec le greffier, si ce n’est avec le gars des vues. Peut-être que c’est la façon de faire parmi les professionnels de la justice; peut-être pas. Si c’est le cas, je comprends pourquoi la justice, qui est parait-il aveugle, arrive à marcher droit : elle emprunte des sentiers balisés 🙂

Deux poids, deux mesures antiterroristes

Voici à quoi se résume la politique de Washington depuis bientôt cinq ans : deux poids, deux mesures, zéro résultats. Ce régime de menteurs, de manipulateurs, d’illuminés pervers, agressifs et contre-productifs est un véritable catastrophe pour toute l’humanité!

Poor Liberty!Le 12 avril dernier, les médias internationaux révélaient que Luis Posada Carriles, un ancien agent cubain de la CIA, narcotraficant, présumé terroriste anticastriste et auteur d’un attentat aérien ayant fait 73 morts en 1976, était en passe de trouver refuge aux États-Unis.

Hier matin, ces mêmes médias nous apprenaient que l’administration Bush, si prompte à débusquer les terroristes «où qu’ils se trouvent», en est rendue à trafiquer les statistiques afin de camoufler la triste réalité : de 2003 à 2004, sa fameuse «guerre totale contre le terrorisme» n’a réussi qu’à faire tripler le nombre des victimes de tels actes dans le monde. Le conflit russo-tchétchène n’est manifestement pas le seul responsable de cette prodigieuse inflation et Posada Carriles se la coule douce à Miami. Cherchez l’erreur.

Voici donc à quoi se résume la politique de Washington : deux poids, deux mesures, zéro résultat. Moins que zéro, même. Depuis bientôt cinq ans, ce régime de menteurs, de manipulateurs, d’illuminés pervers, psychopathes et contre-productifs ouvre à l’humanité les portes de l’enfer. C’est dans ce contexte déplorable que des citoyens canadiens demandent à leur Premier ministre (s’il l’est encore demain matin:) de faire pression sur le gouvernement américain afin qu’il applique sa propre loi antiterroriste. Ce serait la moindre des choses, non?

» Lisez — et signez, si le haut-le-coeur vous en dit — la pétition !
» Voir aussi la dépêche de l’AFP sur la demande d’asile de LPC

L'intéropérabilité ou la mort !

Aujourd’hui, on devrait évaluer un logiciel non seulement pour sa valeur intrinsèque, mais également pour son intéropérabilité. Cela règlerait bien des problèmes en cas de changement d’entreprise, par exemple, ou de transfert de savoir-faire entre Mac, Linux et Windows pour n’importe quelle raison.

Directory Synchronize: c'est pas compliqué!Aujourd’hui, on devrait évaluer un logiciel non seulement pour sa valeur intrinsèque, mais également pour son intéropérabilité. Cela règlerait bien des problèmes en cas de changement d’entreprise, par exemple, ou de transfert de savoir-faire entre Mac, Linux et Windows pour n’importe quelle raison. D’autant qu’à l’ère des normes et codes source libres et ouverts, l’interopérabilité n’est plus un idéal, mais une réalité.

Le grand défi, en effet, quand on veut s’affranchir des chapelles informatiques et travailler sur n’importe quelle plateforme sans exclusive, consiste à trouver des outils équivalents sur chacune d’entre d’elles. Si le même outil fonctionne sur toutes, tout va très bien car il n’est plus nécessaire d’apprendre à se servir de deux ou trois logiciels différents pour atteindre le même résultat. Ainsi en va-t-il d’OpenOffice, dans le domaine de la bureautique, par exemple. Ce progiciel constitue bien sûr la seule alternative possible à Microsoft Office sous Linux, mais il permet en prime de continuer à utiliser parallèlement son Mac OS ou son Windows XP sans souffrir de «conversionnite aigüe». Disponible pour les trois plateformes, OpenOffice rend le passage de l’une à l’autre totalement transparent.

Même liberté avec the Gimp, l’éditeur graphique phare de l’industrie informatique libre; Firefox, le fureteur Web le plus complet et le plus performant que le monde ait connu à ce jour; avec aussi une foule d’autres projets développés de façon conviviale, ouverte et naturelle (car au mérite) sur le portail SourceForge. Soit dit en passant, SourceForge devrait franchir, d’ici quelques semaines, le cap des 100 000 projets. Oui, Madame, 100 000 !

Grâce à Google et à SourceForge, j’ai découvert aujourd’hui un utilitaire incontournable que j’attendais depuis plusieurs mois. Il s’agit de Directory Synchronize, un synchronisateur de dossiers et de fichiers, comme son nom l’indique, fonctionnant en Java sous Mac, PC, Linux… et peut-être même sous Palm OS — mais cela reste à vérifier 🙂 Il fonctionne en tout cas à merveille sous Windows et Linux, ce qui me permet de passer de l’un à l’autre en ne modifiant que légèrement ses fichiers de configuration, vu que la syntaxe des chemins de fichiers n’est pas la même sur les deux plateformes. L’interface est simple à utiliser, le contrôle et la fiabilité sont excellents. Qui plus est, ce logiciel issu de l’univers Linux ayant recours à toute la puissance des fichiers de configuration, il est tout à fait possible de l’exploiter en mode console. Cela n’a l’air de rien, mais les non voyants et les administrateurs de systèmes apprécieront.

J’ai vraiment l’impression que les champions de l’intéropérabilité, des normes ouvertes et de l’informatique libre sont, peu à peu, en train de changer le paysage. Le cas d’Apple, qui a bâti sur les bases d’Unix un environnement plus ouvert et largement intéropérable avec Linux, en dit long. La progression constante des applications Java et l’ubiquité du serveur Apache, qui permet de rouler les mêmes applications sur n’importe quelle plateforme, transforment profondément, eux aussi, notre rapport au système d’exploitation.

L’informatique libre n’a rien à voir avec la religion, mais tout avec l’universalité, le dynamisme et l’efficacité. C’est une révolution industrielle qui ne fait que commencer. Hasta la libertad siempre ! 😉

Au pied du Mur de Shawinigan

Toutes proportions gardées, voilà donc que le scandale des commandites s’apparente à la chute du mur de Berlin.

Le Déshonorable Alfonso GaglianoAprès les révélations spectaculaires de Benoît Corbeil la semaine dernière, Radio-Canada diffusait hier soir une nouvelle entrevue choc avec, cette fois, le Déshonorable Alfonso Gagliano. L’ancien ministre des Travaux Publics, ex-responsable politique du programme des commandites au sein du gouvernement Chrétien, n’y est pas allé par quatre chemins : «  La séparation du Québec du Canada n’est pas « arrêtable », c’est une question de temps, ça va se faire. ». Bigre!

Toutes proportions gardées, voilà donc que le scandale des commandites s’apparente à la chute du Mur de Berlin. Provoquées par quelques brebis aussi galeuses que marginales, la déroute du Parti libéral précipiterait le Canada dans la séparation, avec le cortège de déchirements, de malheurs et de désastres économiques que le petit gars de Shawinigan a coutume de lui associer. Venant d’un ténor du fédéralisme coast to coast, la prédiction aurait de quoi surprendre si l’on ne nous avait déjà malheureusement habitués aux scénarios d’épouvante destinés à faire peur au monde à l’approche des échéances référendaires.

Le Déshonorable Alfonso Gagliano a d’ailleurs plus d’un tour de passe-passe dans son sac. En ces temps troublés par les luttes fratricides et le retournage de veste express, il a le don de la formule approximative qui fait mouche. Exemple: pourquoi Paul Martin s’acharne-t-il contre lui? « Lorsqu’on a déjà tué quelqu’un, on peut bien le tirer encore deux ou trois fois puisqu’il est déjà mort! » Prononcé avec l’accent italien, la phrase a un drôle d’accent mafieux. Pourquoi a-t-il affirmé, devant la Commission Gomery, n’avoir rencontré Charles Guité que 3 ou 4 fois par an, alors que l’on sait maintenant que c’était plutôt 10 ou 12? « C’est que je le rencontrais aussi parfois pour d’autres choses; mais pour les commandites, c’était bien 3 ou 4 fois par an, comme j’ai dit. » Pas mal trouvé de la part d’un contorsionniste — de la part d’un ancien ministre ayant témoigné sous serment, en revanche, c’est moins convaincant.

Le plus troublant reste toutefois l’appréciation gaglianesque de ce qui arriverait si jamais le Québec accédait demain à la souveraineté: « Ça ne sera pas la fin du monde et cela ne m’inquiète pas plus que ça. » Là, il n’y a plus de doute possible. Le mur de Shawinigan est sur le point de s’effondrer.

Voyage photographique au-delà du virtuel

Si cette référence a du sens, cela veut dire que le photographe nous montre à voir, par son propre reflet sur la vitre, ce qui se passe de l’autre côté de l’écran d’ordinateur.

Photo de Pascal GrandmaisonUn article de Bernard Lamarche sur l’exposition de photographe Pascal Grandmaison a attiré mon attention, ce matin. Étranges images que ces portraits rapprochés de jeunes gens absorbés dans la contemplation d’une plaque de verre transparent portée à bout de bras.

Le critique du Devoir voit dans leur « inexpressivité » toutes sortes de références érudites. Moi, j’y vois plus prosaïquement une variation raffinée du clip publicitaire pour le site Web de Radio-Canada dans lequel des comédiens lisent les nouvelles sur l’écran d’ordinateurs portables dans la rue, dans le métro ou chez eux. Cette référence est inscrite dans la surface translucide provoquant l’intense concentration des regards. Le photographe me montre alors peut-être ce qui se passe de l’autre côté de l’écran de mon ordinateur : il y a simplement quelqu’un d’autre qui me regarde et qui, d’une certaine manière, m’exploite tout en me glorifiant.

Voici donc démystifiée à mes yeux la soi-disante impersonnalité du cyberspace. Celui-ci n’est finalement rien d’autre que le reflet de notre humanité. J’irai voir cette expo vers 15h aujourd’hui afin de m’en assurer.

▼ PS — Veni, vidi, video!

Naissance d'une archithèque libre

Cela fait un moment que je voulais mettre ou remettre en ligne, sur ce site, plusieurs textes qui gagneraient à être publiés ou, le cas échéant, exhumés de façon permanente. Ce sera en quelque sorte mon petit musée personnel.

par... 4 chemins!Cela fait un moment que je voulais mettre ou remettre en ligne, sur ce site, plusieurs textes qui gagneraient à être publiés ou, le cas échéant, exhumés de façon permanente. Ce sera en quelque sorte mon petit musée personnel — bien entendu publié sous licence Creative Commons. J’ai donc entrepris cette nuit, dans l’amicalmante « Architèque », l’intégration de deux premiers textes datant respectivement de 2003 et 2004.

Le premier s’intitule Le documentaire d’auteur à l’ère numérique. J’ai confié ce projet en septembre 2003 à d’éminents fonctionnaires du Ministère de la culture du Québec qui eurent la bonté de ne m’en retourner aucun commentaire. Il mérite peut-être que d’autres s’y attardent car, deux ans plus tard, il reste du chemin à faire pour sortir le cinéma documentaire d’auteur de l’ornière dans laquelle l’enfonce coupes sombres et « docufiction ».

Démarche analogue pour le projet Voyage en ligne : la plateforme de troisième génération, prolongement platonique de mes expériences cybertouristiques des années 1999-2001. Il y a peut-être bien une vie après la mort, me suis-je dit en l’écrivant dans un avion qui me ramenait des « vieux pays ». Les rares personnes à qui j’ai fait lire ce brouillon trouvèrent l’idée intéressante. Après plusieurs mois d’immobilisme, il est temps de jeter cette histoire à la mer numérique en espérant que quelqu’un, un jour, quelque part, aura l’envie, les moyens et l’énergie d’en inventer la suite.

À venir : une quinzaine de chroniques publiées dans Multimédium sous licence « Open Content » et datant de 1999 — notamment l’inénarrable série de chroniques La vie en Linux, de mon très zen compère, Michel Dumais, qui attirait pour la première fois mon attention sur les licences de contenu ouvert ! Comme dit le proverbe contemporain : rien ne se perd, rien ne se crée, tout se recycle ! 🙂

Paré à virer?

Depuis quelques années, le virage à droite au feu rouge est autorisé partout au Québec, sauf à Montréal. Un excellent article du Devoir laisse entendre que cette nouvelle disposition du code de la route s’étend maintenant à la sphère politique.

Virage à droite?Depuis quelques années, le virage à droite au feu rouge est autorisé partout au Québec, sauf à Montréal. Un excellent un article de fond d’Antoine Robitaille, publié dans Le Devoir de ce matin et largement inspiré d’une émission de Marie-France Bazzo diffusée le 5 avril sur la première chaîne de Radio-Canada, laisse entendre que cette nouvelle disposition s’étend maintenant à la sphère politique. En substance, on y explique que l’étiquette « de droite » n’est plus un tabou au Québec.

Ceci n’est pas nécessairement une mauvaise nouvelle puisque la mort de n’importe quel tabou constitue une victoire de la raison sur l’irrationnel. Pour le reste : «La droite ? Il vaudrait peut-être mieux dire «les droites» tant les courants sont nombreux. On peut en cerner environ quatre dans le Québec d’aujourd’hui. Mais aucun d’entre eux ne refuse explicitement la démocratie ni ne s’attaque obsessionnellement aux immigrés. L’on peut dès lors conclure qu’il n’y a pas vraiment d’extrême-droite au sens européen du terme au Québec.»

À la bonne heure! Cela fait deux bonnes nouvelles. Parmi les moins bonnes, notons que le courant le moins alternatif des quatre est bien entendu le courant néo-libéral, notamment représenté par Michel Kelly-Gagnon, directeur exécutif de l’Institut économique de Montréal. C’est le plus sérieux car il ne manque pas d’alliances internationales et qu’il contamine même allégrement — adjectif hélas! sans rapport avec Porto Allegre — l’ensemble de l’échiquier parlementaire québécois. Les autres nominés sont:

  • la droite populiste, incarnée par le très radical Stéphane Gendron, maire d’Huntingdon et animateur de lignes ouvertes. Assez dangereux.
  • la droite intellectuelle nationaliste, représentée par Mathieu Bock-Côté, étudiant en socio et membre fondateur, paraît-il, du Cercle Raymond-Aron, arborant des tendances républicaines non religieuses. Plutôt insidieux.
  • la droite traditionaliste dont l’un des hérauts serait Luc Gagnon, éditeur de la « revue de la résistante conservatrice », Égards, qui défend les valeurs morales chères au catholicisme, aux réactionnaires pro-vie et au nostalgiques du conservatisme canadien-français de l’abbé Groulx. Carrément vieux-jeu.

Il y a encore loin du calice aux lèvres, mais le scandale des commandites et l’admirable prestation du gouvernement Charest rendent un « retour des droites » aux affaires de moins en moins improbable, à Québec comme à Ottawa. Mieux vaut donc apprendre à les connaître, ne serait-ce que pour se tenir prêt à pourfendre leurs arguments.

» Écoutez l’émission de Marie-France Bazo sur radio-canada.ca.
» Ou bien lire rapidement le rapport d’écoute de Philippe-A., sur Blogspot.

André Caillé touche le gros lot !

Je me demande ce que les femmes de Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine, dont le revenu annuel moyen s’élève à 15 739 $, pensent des «retraites» en or versées à nos notables de province, année après année, à même leurs impôts.

Logo de la Lotto 649 (Loto-Québec)Reprenant un article de La Presse, une dépêche de Radio-Canada m’apprenait ce midi qu’André Caillé, l’ex-P.-d.g. d’Hydro Québec, allait toucher une retraite de 300 000 $ par année. « Ce dernier a accepté de présider, gratuitement (sic!), le conseil d’administration d’Hydro.« , était-il précisé. À ce tarif-là, moi, je veux bien nettoyer gratuitement les toilettes de l’Assemblée nationale!

Soyons sérieux. André Caillé est remercié après neuf années passées à la tête du fleuron de Québec inc. pendant lesquelles il a empoché une rémunération de l’ordre de 460 000 $ par an — sans parler des autos, appartements de fonction, vacances de rêve, gadgets hors de prix, dépenses de représentation et autres menus à-côtés faisant parti du quotidien des grands capitaines d’industrie. Mettons qu’il s’est assis sur un minimum de quatre millions en dix ans. Il serait donc normal que que ce talentueux serviteur de l’État, amoindri par tant de sacrifices, touche maintenant une petite fortune à ne rien faire. Bien entendu, le pactole récurrent qui servira à accroître sa fortune personnelle sera prélevé chaque année à même nos impôts, et ce aussi longtemps qu’il vivra.

***

Le Gouvernement du Québéc a de la difficulté à boucler son budget, parait-il. Il manque d’inspiration et il faudrait l’aider. Par exemple, l’Institut de la statistique du Québec(*) pourrait compiler chaque année les sommes astronomiques versées à titre de rente aux anciens commis de l’État et de ses satellites. Si l’Institut n’ose pas, les médias pourraient le faire en vertu de la Loi de l’accès à l’information. Il doit y avoir là assez de gras pour qu’un gouvernement responsable puisse se permettre d’en retrancher quelques centaines de millions afin de les mettre ailleurs, là où ils seraient dépensés à des fins plus utiles à la cause perdue des infirmières, éducatrices, enseignants, artistes, chercheurs et autres étudiants.

Car enfin, si la grande majorité des citoyens trime dur pour garnir tant bien que mal un fond de pension généralement insuffisant, quelle justification y a-t-il à ce que de haut fonctionnaires grassement rémunérés pendant six ou dix ans d’exercice touchent, une fois remerciés, des rentes faramineuses à même les deniers de l’État? On ne parle pas ici de sommes raisonnables, soumises à un plafond décent, éventuellement bonifiées par les revenus d’un RÉER obéissant à la logique fiscale qui s’applique à toute la société. Il s’agit plutôt de clauses discrétionnaires, identiques à celles du secteur privé mais totalement grotesques dans un système à financement universel et obligatoire comme le service de l’État.

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* En parlant de l’ISQ, une autre dépêche m’apprenait hier soir que le revenu personnel moyen au Québec s’établissait l’an dernier à 28 600 $ par an, soit 34 600 $ pour les hommes et 22 600 $ pour les femmes. Je me demande ce que les femmes de Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine, dont le revenu annuel moyen s’élève à 15 739 $, pensent des «retraites» en or massif accordées à leurs élites, année après année, à même leurs maigres impôts.

▶ Plus de détails dans les tableaux statistiques de l’ISQ.

La noblesse des humbles comme antidote au déluge

En sortant du métro, je tombe sur ce vieux sud-américain qui joue Besa me mucho aux pieds d’une fille allongée dans une pause plutôt suggestive — création publicitaire en mal d’imaginaire oblige.

En sortant du métro, je tombe sur ce vieux sud-américain qui joue Besa me mucho à l’accordéon, assis aux pieds d’une fille allongée dans une pause passablement suggestive — création publicitaire en mal d’imaginaire oblige. Au-delà de ce contraste un peu troublant, la pureté et l’humilité du vieil homme chantant à voix très basse, comme pour ne pas déranger les passants, m’invite à l’écouter.

J’apprécie la discrétion de sa voix grave et l’absence de prétention de sa mélodie triste et chaude. Je me fends spontanément d’un deux dollars et le dépose, comme il se doit, dans l’étui de l’instrument. Et puis l’envie me vient de filmer ce personnage, ne serait-ce qu’un instant. Je demande sa permission. Il accepte en souriant.

Une minute plus tard, le viel homme regarde son image enchâssée sur le petit écran et son oeil se met à pétiller. Il aimerait vraiment que je lui offre une copie de la séquence, si anodine et si merveilleuse, la réalité n’étant après tout que le fruit de la subjectivité. Comment refuser? Reste à savoir sur quel support, car les mots internet, ordenador et où-est-cébé ne semblent pas faire partie de l’univers poétique des accordéonistes latinos sexagénaires de Montréal.

La conversation se termine par un échange de numéros de téléphone, puis je regagne mon domicile. Après souper, les journaux du matin qui n’en ont que pour le pape et les chaînes de télévision dont le matraquage semblent singer ad libitum les battements du sacré coeur défunt me font irrésistiblement penser au déluge. Afin de leur échapper, j’enfourche mon fidèle ordenador et m’empresse de mettre au monde (qui n’en demande pas tant) ce petit intermède pétri de la noblesse des humbles. Le pape est mort mais je m’en tape car la sortie VHS est prête. Le vieux bonhomme sera content! 🙂