Intéressant, ce bas de page du Globe and Mail du mardi 22 août 2006, tel que photographié, ce midi, au restaurant. Du haut en bas, on y apprend le retour en force des grosses cylindrées dévoreuses d’essence, alors que le prix du pétrole n’a jamais été aussi élevé, puis ce sophisme d’Air Canada : « MORE SALES. LESS E-MAILS. » Bon sang, mais c’est logique ! Si vous prenez l’avion pour allez voir vos clients, vous aurez plus de chances de les convaincre de faire affaire avec vous et, par la même occasion, vous devrez vous taper moins de courriels. Allôôôôôôôôô ! Y a-t-il un pilote dans l’avion ?!?
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Cynismes, compromis et libertés
Le quotidien Le Devoir publiait, ce matin, une excellente contribution signée par Omar Aktouf sur le désastre libanais. Sous le titre Barbarie au Moyen-Orient et Arabes tétanisés, le professeur de gestion des HEC Montréal s’insurge avec rigueur contre la désinformation que nous servent sans vergogne les diplomaties occidentales et les agences de presse au sujet de ce conflit. Au-delà du cynisme occidental, il stigmatise les élites arabes dont les « revenus sont placés à Paris, à Londres ou à New York, et [que] la crainte d’idées et de groupes organisés (Hamas, Hezbollah, groupes chiites…) qui s’opposent aux familles arabes hyper-milliardaires (…) épouvante. Ils signeront plutôt les chèques qui garniront les coffres des multinationales qui viendront « reconstruire » Beyrouth, et qui assureront leur pérennité au pouvoir. »
En page B2, les lecteurs du même quotidien peuvent s’enrichir d’un texte de John R. MacArthur qui élargit cette analyse du cynisme diplomatique au Proche-Orient. Il remonte à la Guerre du Golfe et bien avant afin de nous faire comprendre le jeu pervers des grandes puissances (États-Unis en tête) dans la région. « Ayant acquis le goût pour le pétrole arabe (et iranien) pendant la Deuxième Guerre mondiale, écrit-il, l’Amérique avait appris les règles du jeu pour manipuler les nations arabes inventées par les Britanniques et les Français afin de mieux exploiter les biens des tribus et des clans rivaux. La règle diviser pour mieux régner continue d’une certaine manière d’être appliquée. L’instabilité et la guerre «communale» arrangent le maître colonial, du moins jusqu’à un certain point. »
(Malheureusement, ce brillant article est réservé aux seuls abonnés du journal. Je trouve cela aussi stupide que le fait de ne jamais ajouter des liens pertinents vers des sources externes aux articles, lorsqu’elles existent. Cela démontre une méconnaissance totale de la dynamique économique de l’Internet, les profits que Le Devoir retirerait d’une publication complète de ses contenus en ligne surpassant de loin les pertes qu’elle lui infligerait.)
Ceci dit, cela permet aux lecteurs exigeants de faire des recherches et de trouver facilement des perles équivalentes sur Internet. L’article de MacArthur publié par Le Devoir n’est, par exemple, qu’une traduction mise à jour d’une analyse publiée le 31 juillet dernier et disponible gratuitement, mais en anglais, sur le site de Harper’s.
Et puis cela m’aura permis de retrouver un autre article passionnant du même auteur que j’avais raté, le 24 juillet, sur la censure politique ou commerciale des médias français et américains. On y trouve notamment cette inquiétante citation : « La demande des médias et des entreprises de presse pour former leurs journalistes aux réalités du management est croissante, écrit Nicolas Beytout, directeur du cycle du programme et directeur de la rédaction du Figaro. Aujourd’hui, les nominations aux postes d’encadrement se font davantage sur des critères d’excellence journalistique […] pourtant il y a des professionnels prêts à s’investir pour se former à l’exercice des responsabilités intégrant management de proximité et logique économique qui déterminent la vitalité et la créativité des médias. »
Raison de plus pour apprécier l’engagement dénué de censure et de langue de bois d’un professeur de « management » québécois comme Omar Aktouf. Le fait qu’il soit d’origine algérienne, ancré à gauche et professeur plutôt que journaliste n’est certainement pas étranger à cette transparence.
Voilà pourquoi les libertés de migrer librement, de penser librement et d’enseigner librement sont aussi importantes que la liberté de presse. Partout où les logiques inavouables de l’exclusion et de la compromission s’insinuent, l’humanité recule et le diable se réjouit, pour reprendre la formule de conclusion de MacArthur.
Sida et terrorisme : même combat
La seizième conférence annuelle sur le sida s’est achevée, cette semaine, sur un mot d’ordre constituant, dès le départ, son thème central : it’s time to deliver… Finissons-en avec le sida! La logique économique implacable d’un Bill Gates donnerait-elle plus de résultats que la machine politique et sanitaire? Cela reste à prouver. Mais ce qui m’a le plus étonné, à entendre des dizaines d’analyses à la radio ou à la télévision, c’est le parallèle flagrant des discours concernant les deux ennemis publics numéro un de l’heure, le terrorisme et le sida. Un rapprochement abstrait mais riche de sens.
Je ne fais pas simplement allusion à la sortie remarquée du quatuor présidentiel de Médecins du Monde, dans Le Devoir du 12 août dernier. Certes, le sida tue bien plus que le terrorisme, mais ce qui est drôlement intéressant, c’est que leurs contextes et leurs modes d’action furtifs trahissent de grandes similitudes.
Le sida frappe d’abord des populations marginalisées — homosexuels, toxicomanes, prostituées — puis se répand dans l’ensemble de la société. Idem pour le terrorisme, qui recrute au départ des individus issus de populations marginalisées — musulmans extrémistes vivant au sein des sociétés occidentales — avant de se répandre dans les ghettos de banlieue d’Angleterre, d’Irak ou d’Indonésie, jusqu’à plonger toute la société dans la peur et l’angoisse.
Dans le tiers-monde, le sida prolifère sur le terreau de la pauvreté et de l’ignorance dans lequel baignent les populations sciemment sacrifiées par le reste du monde. Idem pour le terrorisme, qui permet à des Palestiniens sans futur ou à des Pakistanais de Londres ostracisés de transformer leur criminel suicide en héroïsme.
Le sida ne tue pas que des toxicomanes ou des individus aux comportements sexuels considérés, par la majorité normative, comme « déviants ». Dans le tiers-monde, il fauche aussi des femmes et des enfants aussi « innocents » et démunis, face au fléau, que le sont les victimes innocentes du terrorisme néo-européen ou irakien.
Le sida n’est pas qu’une maladie active. C’est aussi une épée de Damoclès se terrant silencieusement dans des cellules baptisées « réservoirs à virus » jusqu’au jour où elles quittent leur réserve pour déclencher une pathologie. Ainsi, là où la pandémie règne, tout le monde est « à risque » et tout partenaire potentiel est suspect. Il en va de même pour le terrorisme qui positionne en catimini ses « cellules dormantes » dans la société, jusqu’à ce qu’un ordre ou un impératif logistique les réveille de leur sommeil.
Le sida hypothèque l’économie des pays pauvres. Le terrorisme ralentit celles des pays riches, non sans porter atteinte à leurs droits civiques.
Le sida est l’ennemi de tous les gouvernements mais ceux-ci posent rarement les bons gestes pour l’éradiquer. Ils privilégient la recherche pharmaceutique, certes très importante, mais sans trop d’emphase sur l’éducation, la prévention et l’éradication de la pauvreté. Ils s’attaquent ainsi aux symptomes de la maladie plutôt qu’à ses causes. Même chose pour le terrorisme, face auquel les gouvernements anglo-saxons de la planète brandissent la menace militaire et la répression sans reconnaître les problèmes inhérents à la décolonisation bâclée du Proche-Orient.
Quelles conclusions tirer de tout cela ? Je ne le sais pas vraiment. Peut-être qu’il est difficile de lutter efficacement contre une réalité que l’on n’ose pas regarder en face. Et vous, qu’en pensez-vous ?
Un plan-séquence vaut mille mots
Le 6 août 2006, des milliers de Montréalais manifestèrent dans les rues de la métropole québécoise afin de réclamer la paix immédiate au Liban. Le défilé dura 26 minutes et 46 secondes, comme l’atteste très précisément le plan-séquence ci-dessous, et rassembla quelque 15 000 personnes, selon Le Devoir (PDF).
Pour le YulBlogger Jonas Parker, il ne fait pas de doute que ce défilé était beaucoup trop pro-Hezbollah. Or, s’il est vrai qu’un certain nombre d’arabes canadiens exaspérés arboraient les couleurs du mouvement chiite libanais et scandaient des slogans anti-israëliens, le montage vidéo du site Judeoscope.ca, qui dure à peine plus d’une minute, ne montre que cette réalité. Elle occulte du même coup la présence de milliers de manifestants plus sages et plus modérés, quelles que soient leurs origines. Quant aux libanais qui défilaient sous le drapeau de leur mère-patrie, ils avaient au moins autant de légitimité que les milliers d’italo-canadiens et de franco-français fêtant les victoires de leurs équipes nationales lors de la dernière Coupe du monde de football.
En ce qui me concerne, voilà tout ce que je souhaitais capter en tournant ce plan-séquence : la réalité. Si le blason du Hezbollah est redoré par la destruction du Liban, cela n’a rien pour m’étonner.
*
Hier soir, à l’issue d’une couverture nuancée de la manifestation, Radio-Canada donna la parole au consul général d’Israël à Montréal, M. Marc Attali. Celui-ci dénonça vigoureusement la présence des drapeaux du Hezbollah au milieu de la foule, puis rejeta sans nuance la faute de la guerre sur le mouvement chiite libanais qui — c’est vrai — tue des civils israëliens et utilise la population libanaise comme bouclier humain. Mais il ne commenta nullement le fait que Tsahal n’a pas plus de scrupule à liquider froidement des civils libanais et palestiniens. Il évita également la question des « colonies juives de peuplement » qui sont, elles aussi, des boucliers humains permettant de conquérir, illégalement et par la force, le territoire palestinien.
Encore une fois, on ne règlera pas cet interminable conflit en jouant à l’oeuf et à la poule. Il faudrait prendre quelque distance et considérer l’historique complet du dossier, des premiers pogroms à aujourd’hui, en passant par l’Affaire Dreyfus, le mandat britannique en Palestine, la Shoah, la décolonisation et tout le sang — plus souvent arabe que juif — qui coula depuis.
Les Occidentaux ont autant de responsabilité dans ce qui se passe là-bas que les peuples du Moyen-Orient et ils ont donc aussi leur mot à dire. En tant que citoyen occidental, j’aimerais faire savoir aux gouvernements d’Israël et des États-Unis (voire, à l’occasion, du Canada) que j’en ai assez de la réthorique à « deux poids, deux mesures » derrière laquelle on masque sans cesse les évidences inavouables de ce conflit. Israël a le droit d’exister, certes, mais le Liban et la Palestine aussi. Pas comme un bantoustan que l’on tolère tant qu’on y accepte sans broncher le désespoir et la misère, mais comme un pays viable exprimant les aspirations démocratiques de citoyens ayant autant de devoirs et de droits que moi.
Aucune négociation de bonne foi n’ayant réussi à mener la région de la « Terre-Sainte » (?!?) à une paix assez juste pour durer, on peut difficilement reprocher à certains pays de la région de rêver à la bombe atomique. Certains matins, en écoutant les nouvelles à huit mille kilomètres de distance, j’en arrive à me demander si la seule solution ne consiste pas, en effet, à rayer toute cette région de la carte. Ce serait tout de même navrant d’avoir laissé couler tant de sang, d’encre et de temps pour en arriver à une « solution finale » rivalisant d’atrocité avec la fureur nazie !
Trou noir totalitaire au Proche-Orient
Comment parler du Liban quand toute la blogosphère en parle ? D’un autre côté, peut-on garder le silence face à un génocide larvé et à la mise à nu d’une tentation totalitaire que l’on espérait révolue ? Car cette guerre totale qu’Israël a déclaré au Hezbollah est bel et bien d’inspiration totalitaire. Elle englobe sans distinction toute race et toute religion. Elle vise les ennemis déclarés au même titre que les innocents. Elle dissout les structures sociales et raye de la carte les biens, les réalisations, l’espoir et la mémoire de tout un peuple. Quel que soit le nombre de « morts physiques », chaque Libanais est atteint par ce génocide psychologique, économique et culturel, confronté aux ruines fumantes de son pays, aux souvenirs de ses proches ensevelis et à sa formidable impuissance. Car la résolution de ce conflit, bien sûr, se joue ailleurs.
Si résolution il y a, il faudrait la dresser sur les décombres des illusions du XXème siècle. C’est à l’aube de ce siècle maudit que le libéralisme triomphant engendra la première guerre « totale » ― quatre années de sang et de haine curieusement baptisées « Grande Guerre », comme s’il y avait une grandeur quelconque à déchaîner l’horreur. Les séquelles mal soignées de ce massacre favorisèrent, par la suite, la montée de deux totalitarismes s’opposant, apparemment, au libéralisme, soit le fascisme et le communisme.
Pourtant, ces trois idéologies, qui se heurtèrent alors de plein fouet, ont en commun d’être fondés sur des systèmes de pensée niant la complexité et la subtilité de la condition humaine. Ce qui débuta par une « Drôle de guerre » se termina, quelques années et millions de morts plus tard, par un holocauste, quelques génocides marginaux, deux catastrophes atomiques et la destruction de vastes portions du monde dit « civilisé ».
C’est dans ce contexte chargé de blessures profondes que fut scellé le destin de la Palestine. Bien entendu, on ne donna pas voix au chapitre à la plupart des populations concernées. Ainsi naquit Israël, premier pays virtuel de la planète, issu du colonialisme et de la barbarie, porteur de tous les péchés du monde, héritier de la Colère de Dieu et de la Fureur des Hommes.
Le malheur des uns ne fait pas nécessairement la sagesse des autres et Israël évolua comme on le sait. Côté jardin, c’est une démocratie irréprochable dans laquelle se mirent complaisamment toutes les élites de l’Occident. Côté cour, c’est une superpuissance militaire prête à tout pour assurer sa survie, y compris à perdre son âme en rayant pratiquement un pays de la carte.
Juifs, Chrétiens ou Musulmans; Catholiques ou Protestants; Chiites ou Sunnites; Israëliens, Libanais, Palestiniens, Syriens, Irakiens, Iraniens, Saoudiens ou Égyptiens; tous sont des hommes appelés à s’entraider et vivre ensemble. Il est inconcevable, six ans après le début du XXIème siècle, que nous n’ayons pas encore tiré la leçon des horreurs du passé, que certains de nos dirigeants pensent encore le monde en termes manichéens (le Bien absolu contre le Mal absolu) et que ressurgissent les vieux démons du suicide humain ― car c’est aussi de cela qu’il s’agit.
Espérons que les Montréalais iront manifester nombreux en ce dimanche 6 août, non pas pour régler le problème du Proche-Orient (car ils n’ont certainement pas plus de prise sur ces événements que les Libanais eux-mêmes), mais pour exprimer leur rejet formel de tous les totalitarismes.
Espérons, sans trop y croire, que la terreur qui s’épanouit si bien de l’Irak à la « péninsule » (?) de Gaza en passant par le Liban n’est que l’un des derniers trous noirs dans lequel le totalitarisme se concentre et se consumera.
Espérons que les citoyens du monde finiront par s’affranchir des idéologies meurtrières et des systèmes productivistes cherchant à les asservir à leurs fins propres, transformant les uns en victimes impuissantes et les autres en monstres surpuissants.
Cynisme dans l'urinoir
À l’époque des superlatifs stériles, certains designers perdent leur âme dans le mauvais goût. L’urinoir de l’Hôtel Novotel Montréal Centre offre un très bel exemple de surenchère cynique. On y pisse dans des cubes de glace parsemés de quartiers de citron frais. Bien entendu, le citron à bon goût et la glace évoque la pûreté. Le passage du pipi à travers ce mélange, qui constitue une richesse rare pour les deux tiers de l’humanité, concasse néanmoins les valeurs morales de cinquante siècles de civilisation. L’arrière-goût est amer.
Celles ou ceux qui ont imaginé une telle association symbolique avaient probablement le désir de créer « la référence en termes d’innovation dans l’hôtellerie midscale » (sic). Étaient-ils cependant obligés d’être aussi pauvres d’esprit ? Les gestionnaires ayant acheté leur idée l’ont sans doute trouvée rafraîchissante, mais comment ont-ils fait pour ne pas percevoir sa touche glaciale de cynisme révoltant ?
« Science sans conscience n’est que ruine de l’âme », écrivait déjà Rabelais il y 500 ans. L’avertissement est toujours valable et il s’applique à de nombreux domaines d’activité humaine. La technologie, la création, la communication et le marketing ne sont pas les moindres. Pensez-y bien !
Future Shop ou la torture consentie
Hier, en magasinant sur le rue Sainte-Catherine, je suis tombé en arrêt devant les vitrines du grand magasin d’électronique Future Shop. Pour les besoins d’une promotion estivale, on avait organisé un grand racolage de trottoir…
Hier, en magasinant sur le rue Sainte-Catherine, je suis tombé en arrêt devant les vitrines du grand magasin d’électronique Future Shop. Pour les besoins d’une promotion estivale, on y avait organisé un grand racolage de trottoir. Le principal élément d’attraction était constitué de personnages vivants embrassant de pseudo téléviseurs dont l’écran vantait un concours quelconque. Ces jeunes gens devaient rester immobiles, pendant des heures, dans d’inconfortables positions. La jeune fille que vous voyez sur cette photo donnait des signes évidents de fatigue lombaire, tentant d’assouplir, tant bien que mal, son dos endolori par cette position. Les deux garçons de la vitrine d’à côté n’avaient pas l’air trop incommodés, mais franchement, je ne vois comment on peut rester accroupi et immobile pendant un temps très long sans endommager son ossature et ses ligaments.
Dans la soirée, je suis allé voir l’excellent film The Road To Guantanamo au complexe Ex-Centris. Mi-fiction mi-documentaire, ce film retrace le dangereux périple d’un groupe de britanniques originaires du Pakistan, partis marier l’un d’entre eux à Karachi et, piqués par la curiosité des événements de l’automne 2001, arrêtés par les rebelles Afghans, puis déportés par les Américains à Guantanamo. L’une des tortures éprouvées que l’on pratique, dans cette prison contre l’humanité, consiste à obliger quelqu’un à rester pendant des heures dans une situation inconfortable. C’est très douloureux et cela fonctionne donc très bien.
Mais revenons à Future Shop. J’ai discuté avec l’un des gérants, qui observait la scène depuis le trottoir, très satisfait de son idée brillante. Lorsque je lui ai fait remarquer l’inconfort des positions exigés des jeunes mannequins vivants, il m’a répondu que ceux-ci le savaient au moment de signer leur contrat d’embauche temporaire : « Ils ont été avertis et ils ont accepté; il n’y a donc pas de problème. » Bien entendu, ai-je argumenté, le fait qu’une prostituée accepte de vendre son corps n’entraîne nullement l’élargissement de son proxénète. J’ai aussi fait remarquer que les jeunes ont besoin de travailler l’été, ne serait-ce que pour se payer les bébelles plus ou moins utiles que Future Shop sait si bien rendre indispensables. Ils sont souvent prêts à faire n’importe quoi et manquent d’expérience pour juger adéquatement de ce type de piège et de ses conséquences.
Heureusement, le brave homme s’est montré sincèrement décontenancé par mon intervention. Il venait de découvrir son idée géniale sous un jour qui l’est moins. Avec ou sans consentement du sujet, la torture physique n’est pas acceptable et l’est d’autant moins qu’elle n’est pas nécessaire. En l’occurence, des mannequins de plastique auraient tout aussi bien fait l’affaire, sans suggérer aux passants blasés que l’être humain est un objet que l’on peut exposer impunément dans une vitrine, immobile, comme une marchandise. Cela aussi, ça l’a drôlement étonné.
Ceci dit, l’opinion d’un seul individu a peu de poids en ce monde de statistiques impersonnelles. Ce qui, semble-t-il, a le plus fait réfléchir le gérant, c’est l’annonce que j’allais publier mes photos sur Flickr assorties d’un billet expliquant tout le mal que je pense de cette opération. Car nous sommes en 2006 et chacun d’entre nous a le pouvoir de dire « NON », haut et fort, en prenant à témoin ses concitoyens. Les marchands commencent à bien comprendre le danger commercial que représentent ces prises de position.À la lumière de ce qui précède, je vous invite donc à mettre fortement en doute cette pieuse affirmation : « Chez Future Shop, les gens jouent un rôle important dans notre croissance. Nos associés évoluent dans un climat de dignité favorisant le travail d’équipe, l’initiative et l’ouverture d’esprit (…) »
OK pour le rôle important, car c’est tout à fait vrai et c’est très bien de le reconnaître. En ce qui concerne la dignité, cependant, j’irai en rediscuter, dans quelques semaines, avec le brave gérant.
Nouvelle vague à l'âme de fond
Michel Leblanc, très sérieux consultant en commerce électronique, a récemment mis en ligne un nouveau blogue explicitement consacré � son « côté givré ». Il y publie des poèmes de son cru qui, autrement, sommeilleraient dans des cocons de papier. Plusieurs choses m’intéressent dans ce projet.
Michel Leblanc est très sérieusement
fier de son côté givré 😉
Michel Leblanc, très sérieux consultant en commerce électronique, a récemment mis en ligne un nouveau blogue explicitement consacré à son « côté givré ». Il y publie des poèmes de son cru qui, autrement, sommeilleraient dans des cocons de papier. Plusieurs choses m’intéressent dans ce projet. Tout d’abord, Michel n’est pas le seul professionnel « sérieux » à afficher ainsi son univers intérieur sur Internet. Cela n’en dénote pas moins une bonne compréhension de la complexité et la richesse de ce médium dont la valeur réside autant (sinon plus) dans sa capacité à exprimer notre humanité que dans ses fonctions informationnelles et commerciales.
Ensuite, je trouve très pertinent que chaque poème soit disponible à la fois sous forme de texte et de séquence audio. Avant de me mettre en quête de projets similaires sur le Web, j’étais persuadé que le mariage entre poésie écrite et poésie parlée avait déjà été exploré mille fois ailleurs. Or, s’il existe bien des recueils de poésie sous forme de séquences audio, rares sont ceux qui allient le texte et le son. Aucun autre, à ma connaissance, n’utilise la structure du blogue pour les agencer. Or, il s’agit là d’un concept simple et très susceptible de remettre au goût du jour la musique des mots. On imagine même très bien un blogue collectif de poésie construit sur ce modèle.
Enfin, sachant que Michel Leblanc se targue d’être l’un des spécialistes montréalais des stratégies de référencement, je note qu’il a rapidement réussi à prendre la tête, au palmarès Google, des pages web traitant de matières fécales en long, en large et en diarrhée. Toutes mes félicitations ! 🙂
Expiation sur la Montagne
Dimanche dernier, j’ai décidé qu’il était temps de faire de l’exercice et d’expier mes péchés en gravissant « la Montagne » � vélo. La sueur remplace le sang, certes, mais la grimace de souffrance reste la même.
Dimanche dernier, j’ai décidé qu’il était temps de faire de l’exercice et d’expier mes péchés en gravissant « la Montagne » à vélo. Après tout, depuis que Paul Chomedey, sieur de Maisonneuve y a dressé une croix, en 1634, en signe de remerciement à la Sainte Vierge, des générations entières se sont arraché les genoux sur les marches des oratoires afin d’implorer la clémence divine. Or, les joggueurs et cyclistes qui se tapent les trois kilomètres de sentier menant au sommet du Mont-Royal, le matin, n’ont rien à leur envier. La sueur remplace le sang, certes, mais la grimace de souffrance reste la même.
Recevoir l’absolution de Dieu a toujours entrainé quelque pénitence. Le culte de la santé et de la beauté fonctionne sur le même shéma. La vie sédentaire et le manque d’oxygène font le reste, donnant lieu à de nouveaux rituels.
Suant sang et eau, le système cardio-vasculaire soumis à rude épreuve, j’ai poursuivi l’analogie jusqu’à la première station, premier terrain plat, première récompense de l’ascension : le lac des Castors. J’ai redoublé d’efforts jusqu’à la deuxième station, le Belvédère Kondiaronk, où je me suis arrêté quelques minutes pour écouter le Grand Prix de Formule 1 démarrer bruyamment, là -bas, sur l’île Sainte-Hélène. Puis j’ai achevé mon supplice au pied de la Croix, le coeur battant, amen.
Ce que le catéchisme ne dit pas, c’est le plaisir de la descente, sans effort, corps délié, une envolée dans le vent et la fraîcheur de la forêt.
Les chasseurs sont-ils irresponsables ?
Pourquoi un citoyen qui accepte d’être fortement encadré dans l’usage d’une auto n’accepterait-il pas de l’être dans celui d’un fusil de chasse ? Pourquoi refuserait-il la contrainte d’enregistrer son arme mais pas celle d’immatriculer son auto ?
Registre des armes à feu : les arguments des propriétaires de fusils ont quelque chose de saugrenu. Ils estiment que le gouvernement ne devrait pas les obliger à enregistrer leurs armes. D’après eux, cette tracasserie administrative est inefficace et brîme leurs droits et libertés. Ils oublient juste un petit détail. Chaque année, nous payons sans broncher notre permis de conduire et nos droits d’immatriculation automobiles. Cela coûte des sous, la police a accès à tout et personne ne s’en offusque. Alors, qu’est ce qui rendrait un fusil moins contrôlable qu’une auto ?
Si l’usage d’une auto est encadré par des droits, permis, documents, taxes et assurances, il me semble que c’est à cause du pouvoir énorme qu’il confère à son détenteur. Ce pouvoir est relatif à la puissance et aux dangers entraînés par celle-ci. Celui d’un homme armé n’a d’autre mesure que la vie ou la mort. Même en tirant sur des cibles de carton ou des pigeons d’argile, il mime l’administration de la mort. Ce geste existe de lui un haut niveau de responsabilité.
Pourquoi un citoyen qui accepte d’être fortement encadré dans l’usage d’une auto n’accepterait-il pas de l’être dans celui d’un fusil de chasse ? Pourquoi refuserait-il la contrainte d’enregistrer son arme mais pas celle d’immatriculer son auto ?
Si on veut bien laisser de côté un instant les questions irrationnelles comme la peur, le sécuritarisme, la rectitude politique d’un bord ou de l’autre, la réponse est simple : il n’a aucune raison d’agir autrement. Tout pouvoir potentiellement dangereux entraîne une grande responsabilité sociale ainsi que la nécessité d’un contrôle raisonnable. C’est évident.
Que le programme des armes à feu coûte trop cher, plus personne n’en doute. Qu’il ait été mal conçu et mal géré, c’est évident dans l’esprit de bien des gens. Qu’il soit inutile, cela reste à prouver. Enfin, qu’il soit attentatoire aux libertés individuelles, c’est ridicule, à moins de déclarer la loi sur la sécurité routière inconstitutionnelle. Bref, on aurait tort de jeter le bébé avec le sang du bain.
Une pétition contre le travail des enfants
Aide Internationale Pour l’Enfance et le Réseau Enfants d’Amnistie Internationale s’associent pour déposer une pétition à la Chambre des communes du Canada, le 12 juin prochain, Journée mondiale contre le travail des enfants.
L’AIPE (Aide Internationale Pour l’Enfance) et le Réseau Enfants d’Amnistie Internationale s’associent pour déposer, à la Chambre des communes du Canada, une pétition demandant au gouvernement de promouvoir la convention 182 de l’Organisation internationale du travail (OIT). Adoptée en 1999, cette convention établit des recommandations internationales pour lutter contre les pires formes de travail imposées à des enfants dans le monde. Le Premier ministre Stephen Harper n’ayant cessé de proclamer son amour des enfants lors de la dernière campagne électorale, on peut espérer qu’il aura plus de compassion pour ce texte que pour le protocole de Kyoto.
La première résolution de l’OIT concernant l’élimination du travail des enfants a été adoptée par la Conférence internationale du Travail en 1996. Trois ans plus tard, en 1999, elle débouchait sur la convention 182, qui soulignait « que l’élimination effective des pires formes de travail des enfants exige une action d’ensemble immédiate. » Nous sommes en 2006 et, manifestement, il reste encore du chemin à faire. C’est pourquoi la pertinence de cette pétition n’est plus à démontrer.
Qui plus est, Aide Internationale Pour l’Enfance et Amnistie Internationale proposent une pétition électronique assez bien faite : pas de circulation inutile de courriels bourrés de signatures inutilisables, formulaire simple ne demandant que l’information essentielle à toute pétition de ce type et note de bas de page explicite au sujet de la confidentialité. Mon seul regret est que le code fait fi des règles élémentaires d’accessibilité, mais cela ne retire rien à la pertinence de l’opération elle-même.
La pétition est également proposée en version imprimable au format PDF. Elle sera remise aux parlementaires canadiens le 12 juin prochain, Journée mondiale contre le travail des enfants.
D'un paradoxe à l'autre
Ne cherchez pas à comprendre. Contentez-vous de remercier le ciel qui vous permet de vivre au purgatoire. Le purgatoire, ça c’est le paradis !
C’est curieux. Après 17 ans de résidence ininterrompue à Montréal, je me sens toujours comme Usbek, le témoin à l’oeil persan de Montesquieu. A mari usque ad mare, Two solitudes, les vies politiques québécoises et canadiennes, la dualité (ou duellité ?) du souverainisme et du fédéralisme, les chassés croisés cybernétiques des Partis Libéraux, à mon centre-gauche, la valse hésitante des péquistes et des Conservateurs, à mon centre-droit, ne cessent de m’émerveiller.
Hier soir, encore, j’ai été troublé par le flou artistique et civilisé qui règne sur la vie politique bicéphale du Québec, Canada. Il y a deux ans, nous vivions sous la terreur du couple Parti Québécois (centre gauche) à Québec + Parti Libéral (centre gauche) à Ottawa. C’était la guerre, les longs couteaux, la chronique permanente d’une rupture annoncée. Aujourd’hui, nous vivons à l’ère du couple Parti Libéral (centre droit) à Québec + Parti Conservateur (centre droit) à Ottawa. Ce n’est pas l’amour parfait, mais le mariage de raison. On se sourit. On s’encourage. Même le Bloc Québécois (allié du Parti Québécois, maintenant devancé par les Conservateurs dans les sondages) n’a d’autre choix que de ménager le gouvernement auquel il est censé s’opposer, puisque sa base électorale est pratiquement la même.
Quand les péquistes sont au pouvoir à Québec, on dirait que les Canadiens (y compris les 50 et quelques pour cent de fédéralistes québécois) s’empressent de jeter de l’huile sur le feu en élisant les Libéraux. Depuis la grande bataille de l’Amiral Trudeau contre le Général Lévesque, au seuil des années 80, ces deux partis de centre gauche mettent l’âme du pays à feu et à sang. Survient ensuite une ère canado-conservatrice et libéralo-québécoise (Bourassa vs. Mulroney, de 1985 à 1993, par exemple), de centre doit, et les choses se tassent un peu, tant bien que mal, jusqu’à la prochaine double alternance.
Quant les Québécois sont gouvernés par des gens sans états d’âmes patriotiques ne pensant qu’à leur prospérité économique, version mondialisante, ils semblent presque apaisés. Lorsqu’ils portent au pouvoir des gens qui, au contraire, leur veulent soi-disant le plus grand bien, et qui enchassent leurs libertés individuelles dans de grandes chartes concurrentes, c’est le bordel communautaire. Allez comprendre…
Ou plutôt, non. Ne cherchez pas à comprendre. Contentez-vous de remercier le ciel qui vous permet de vivre au purgatoire. Tous les grands voyageurs à l’oeil persan vous le diront : les paradis tropicaux ne sont, le plus souvent, que des enfers. Le purgatoire, c’est le vrai paradis! ;->