La liberté d’expression est-elle compatible avec la démocratie?!?

Alors que TikTok entretient aujourd’hui une armée de 40.000 «professionnels de la sécurité», rares sont les médias canadiens modérant les conversations sur leurs propres sites web…

Le plus difficile, dans la libération de la parole publique démocratique et citoyenne, c’est de l’encadrer afin qu’elle produise quelque chose de bon, de positif, qu’elle génère de l’intelligence collective et de l’espoir et non cette cacophonie anarcho-libertarienne à laquelle la montée en puissance toxique des médias sociaux nous a hélas! habitués.

Résultat: nous assistons aujourd’hui à un ressac de la liberté d’expression inconditionnelle entraînée par la fragmentation et la radicalisation de l’opinion, l’exposition massive à des réalités insoutenables et traumatisantes, sous la pression des pouvoirs politiques et réglementaires dépassés par les événements. La démocratie n’en sort pas gagnante — au contraire.

Rendez-vous compte: TikTok entretient aujourd’hui une armée de quarante mille (40 x 1000! 😵‍💫) « professionnels de la sécurité » alias censeurs. Car la censure-ciseau est inévitable dans l’environnement massif des plateformes numériques multinationales. À plus petite échelle (celle des médias nationaux, qui ont malheureusement renoncé à leur responsabilité démocratique depuis belle lurette), la moderation serait possible et aurait bien meilleur goût.

Car la modération ne consiste pas à censurer systématiquement toute expression déviante, dangereuse, violente ou les trois à la fois. Il s’agit plutôt d’encadrer avec exigence mais bienveillance, de recadrer sans cesse, d’animer l’exposition des faits, des afin de les faire aboutir à des conclusions positives.

Combien de médias patrimoniaux canadiens se donnent aujourd’hui cette peine? Tous ou presque ont abdiqué, préférant se tourner vers la puissance gouvernementale dans l’espoir de récupérer de façon coercitive une part du gâteau publicitaire qui leur a définitivement échappé. C’est triste et bien dommage — pour nous, pour eux, pour la démocratie.

➡️ Plus de détails dans le communiqué de TikTok.

TheftSourcing : Quand La Presse pirate Radio-Canada… sans le savoir ?

Tout va très vite, dans les médias, et encore plus depuis qu’ils battent au rythme des médias sociaux. C’est ainsi que l’on retrouvait ce matin, sur le site du quotidien montréalais La Presse, une photo de la terrible tragédie du Lac Mégantic initialement diffusée hier par Radio-Canada mais attribuée à… un twitteur belge ! Le journal semble avoir acquis un droit de publication pseudo-légal auprès de CrowdMedia, une agence montréalaise commercialisant des médias dit « citoyens ». Imbroglio.
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Choisir WordPress pour gérer un site d’information

Une fois de plus, Kim Gjerstad est de passage à Montréal, l’agréable cité laurentienne où il a grandi. Cette fois-ci, j’ai eu le plaisir de capter la conférence qu’il donnait à WordCamp Montréal…

Une fois de plus, Kim Gjerstad est de passage à Montréal, l’agréable cité laurentienne où il a grandi. La dernière fois que je l’ai capté avec ma caméra, c’était pour le neuvième « portrait de blogueur » de Philippe Martin. Kim rentrait à peine du Congo où il avait développé et administré, pour le compte de l’ONU, le premier site Web de Radio Okapi, la radio d’information des « Bleus » à Kinshasa. Cette fois-ci, j’ai eu le plaisir de capter la conférence qu’il donnait à WordCamp Montréal.

Pour la petite histoire, j’ai installé WordPress pour la première fois le 30 juillet 2003, soit quelques semaines à peine avant sa naissance en tant que successeur officiel de b2. C’est dire si je suis un « vieux de le v[i]eille » en matière de technologie de publication légère 😉

J’ai dit légère? Pardonnez-moi, je me suis trompé. Il n’y a rien de « léger » dans WordPress, aujourd’hui, puisqu’il constitue le socle logiciel de très gros projets Web, y compris des sites de grands médias canadiens comme celui de L’Actualité, par exemple. Reste qu’on l’a longtemps taxé de « Personal Publishing Software« , car son framework a été conçu au départ comme un outil de publication ultra-simple de gestion et d’emploi. Il l’est toujours, mais son incroyable communauté d’utilisateurs, son extensibilité et  la rigueur de son code PHP lui permettent, aujourd’hui, de servir de base à des déploiements beaucoup plus complexes.

J’ai adoré enregistrer en direct cette conférence, comme toutes celles que j’enregistre en direct. Car j’ai bien entendu utilisé le logiciel de webdiffusion Wirecast pour effectuer le montage en direct de deux sources vidéo, soit celle de ma caméra principale et le flux d’images en provenance de l’ordinateur de Kim, ce qui fait que le film de 32 mn que vous pouvez regarder ici en plein écran était prêt à diffuser immédiatement à la fin de l’événement et que la synchronisation entre les diapositives et la vidéo est absolument parfaite. Le tout sans effort et en un temps record.

En d’autres circonstances, j’utilise deux caméras, ce qui permet de varier les plans, mais aussi d’effectuer un excellent rendu d’un événement plus interactif, comme une table ronde, par exemple. Et, croyez-moi, j’ai encore beaucoup plus qu’un tour dans mon sac, même si je me garde tout de même une petite gêne concurentielle 😉

Nouveau reportage 2.0: le Wordcamp Montreal Report

Mes activités de reporter Web vidéo indépendant m’ont amené à développer, au cours des quatre dernières années, une expertise assez rare dans le montage et l’opération de reportages événementiels « 2.0 » de ce genre, et ce au bénéfice des communautés concernées.

Le WordCamp Montreal Report est une série d’entrevues Web vidéo que je vais réaliser à Wordcamp Montreal 2010 (#WCMTL) avec une petite équipe de co-producteurs m’aidant à financer la production et à créer le contenu. Cette « anticonférence » dédiée à la plateforme de publication WordPress aura lieu pendant la fin de semaine des 28 et 29 août, à Montréal.

Comme mes reportages Confoo Report et webcom live, le WordCamp Montreal Report sera composé d’entrevues de ± 8 minutes avec des conférenciers, participants, commanditaires et organisateurs de l’événement. Nous réaliserons un minimum de 20 à 30 entrevues diffusées sous licence Creative Commons BY sur Youtube et, probablement, WordPress TV, afin de maximiser leur circulation et leur réutilisation.

Côté technique, je serai assisté de Mathieu Chartier (Kindoweb) avec qui j’ai travaillé à Confoo et à webcom 2010, sans parler des conférences du W3Québec. C’est lui qui m’a suggéré de monter ce reportage à Wordcamp et je dois dire que c’était une excellente idée.

Un partenariat média et communautaire

Depuis lors, j’ai contacté Brendan Sera-Shriar, co-organisateur de Wordcamp, que nous avions rencontré en février à Confoo. Brendan a examiné le projet avec le Comité organisateur de #WCMTL et nous a accordé un statut de « Partenaire Média » comprenant :

  • Des entrées pour l’équipe de co-production (voir plus bas);
  • Un espace de ±20 m2 pour le studio vidéo mobile dans le foyer principal;
  • L’accès au courant pour nos équipements;
  • l’autorisation de réaliser des entrevues avec qui nous voulons, pour autant que les intéressés acceptent 🙂

Car, bien entendu, ce reportage serait impossible sans la collaboration des conférenciers et participants. Pour être très précis, ce show est le leur. C’est leur travail et leur expertise que nous nous attacherons à explorer, promouvoir et célébrer. Nous ajouterons ainsi à l’événement une riche couche de conversations et d’idées lui procurant une portée plus large et une plus longue traine sur le Web.

En temps réel ou en différé ?

À l’instar du webcom live nous pourrions décider de webdiffuser l’émission sur Ustream en direct, puis d’en « pousser » les meilleurs moments sur Youtube. Cela implique cependant que nous disposions d’un accès Internet filaire dédié offrant une bande passante garantie, sans mur pare-feu ni filtrage mettrant en danger nos communications avec les serveurs de Ustream.

Wordcamp Montreal se déroulant pendant une fin de semaine d’été, je ne pense cependant pas qu’une webdiffusion en direct aurait beaucoup de succès. Il serait plus simple et plus efficace d’enregistrer les entrevues puis de les diffuser en qualité HD 720p quelques jours plus tard. Nous pourrions même les publier d’abord sur WordPress TV — bien qu’il soit impératif, pour en maximiser l’audience, de les diffuser également sur Youtube.

Un partenariat de co-production

Mes activités de reporter Web vidéo indépendant m’ont amené à développer, au cours des quatre dernières années, une expertise assez rare dans le montage et l’opération de reportages événementiels « 2.0 » de ce genre, et ce au bénéfice des communautés concernées. Ceci dit, il s’agit pour moi d’une activité primaire et je dois donc en tirer un revenu raisonnable, sans quoi je n’ai plus qu’à fermer boutique ou à me trouver un deuxième boulot de gardien de nuit. 😉

Mon modèle d’affaires innovant est le suivant :

  • J’estime le coût commercial de production d’un reportage de ce genre à ± 3000$, incluant les ressources humaines et l’équipement. C’est la valeur nominale de ce partenariat média.
  • Puisque Mathieu et moi-même sommes membres de la communauté WordPress, nous contribuerons au budget en nature à titre de co-producteurs. Les sommes restantes seront déboursées par d’autres partenaires intéressés à co-financer le show afin d’en tirer leurs propres bénéfices.
  • En échange de quelques centaines de dollars chaque co-producteur recevra en effet :
    • L’apparition de son logo corporatif à titre de co-producteur dans chaque vidéo (début et fin);
    • Le droit d’organiser et d’animer un certain nombre d’entrevues en personne, démontrant ainsi son intérêt, ses compétences et son expertise d’une façon subtile et non-intrusive — tout comme Marc-André Lanciault d’INBOX International le fit avec Brendan à Confoo:

Je suis déjà en contact avec plusieurs entreprises œuvrant dans des secteurs distincts mais toutes reliées à WordPress, et toutes intéressées à cette production. Je reste cependant disposé à en discuter avec d’autres partenaires potentiels — que ce soit pour cette production ou pour d’autres qui suivront bientôt. N’hésitez donc pas à me contacterand please TWEET and RETWEET if you LIKE IT! 😉

rezopointzero: une expérience néo-journalistique, économique et marketing

Cette entrevue de Diane Nadeau à propos des Pages Jaunes est la seconde vidéo que je publie sur rezopointzero, le blogue collaboratif animé par une coopérative de professionnels en communication numérique et en marketing Web lancée à la conférence webcom Montréal le mois dernier. Il s’agit d’une expérience d’autant plus intéressante qu’elle éclaire à sa manière l’une des nombreuses formes que pourrait prendre le « néo-journalisme » au XXIème siècle.

À partir du 25 janvier prochain, le blogue de rezopointzero se transformera en communauté semi-privée, l’accès à une partie de ses contenus et fonctionnalités d’échange étant alors réservée aux abonnés payants, qui feront partie intégrante du réseau. Il s’agit en effet d’aider les entreprises francophones à mieux comprendre les innovations Web par le biais d’articles de veille et d’analyse, mais aussi en les mettant en relation directe avec une communauté de spécialistes qui deviendront, par le fait même, les animateurs d’une communauté d’affaires d’un tout nouveau genre. Et. à ce titre, nous en sommes encore aux balbutiements du projet.

Des contenus payants sur le Web? Oui, nous croyons que c’est possible, à condition d’offrir une valeur ajoutée propre à Internet, ce que peu de médias ont réellement tenté jusqu’à présent. On se contente souvent de reproduire sur le Web les modèle d’affaires et de production qui ont fait notre richesse au temps des industries physiques et des médias de masse. Un peu comme les Pages Jaunes, justement, qui ont bien saisi la nécessité de déployer leurs annuaires sur le Web, mais qui l’ont fait, jusqu’ici, sans revoir de fond en comble leur produit. Leur offre commerciale est fatalement moins attrayante pour les entreprises ayant pignon sur Web.

Heureusement, il n’est jamais trop tard pour bien faire. ;~)

La "refonte" de Libé : un rituel primitif sans intérêt

Quand le ciel leur tombe sur la tête, les humains primitifs revêtent des masques à plume, se dessinent des signes magiques sur le corps et exécutent des rituels destinées à chasser les mauvais esprits et à conjurer le mauvais sort. Le nouveau design de Libé n’apporte à peu près rien de neuf à part des mots creux et des concepts éculés. Il est du même ordre et aura fatalement le même résultat : aucun.

Ce matin, j’ai été interpellé par un gazouilli que Jeff Mignon venait de publier sur Twitter et sur Facebook: « Quel journal redesigné (seulement) a vu ses revenus augmenter? C’est bien que Libé ait de l’argent pour faire de la déco. » Je venais tout juste de lire mes courriels. La newsletter quotidienne de Libération pointait en effet vers un document PDF de deux pages au lieu de la traditionnelle page Web attendue.

Ce choix de format, lourd et inutile dans le contexte de cette nouvelle, n’est pas anodin. En parcourant le dépliant auto-publicitaire, j’ai été sidéré. Voici, pour mémoire, les commentaires que j’ai renvoyés à Jeff par l’entremise de son profil Facebook :

Nuba - body painting by Rita Willaert - Licence Creative Commons BY/NC/SA

  1. C’est complètement ridicule. Je n’en reviens pas que la refonte Internet n’occupe qu’1/12e de page dans leur autopub PDF.
  2. On ne parle que de redesign graphique et éditorial. On introduit des abonnements payants qui ne donneront qu’une valeur ajoutée cosmétique aux abonnés — voir les articles au moment où ils sont envoyés à l’imprimerie, quelle belle affaire!
  3. Il n’y a là aucune vison de la valeur ajoutée d’Internet, de l’hypertexte, de la profondeur de l’info et des sources, enfin, qui restent encore inaccessibles, inviolées.

Au final, je crois qu’il ne faut pas chercher à comprendre cette nouvelle de façon rationnelle. Il faut au contraire l’interpréter de façon anthropologique, en intégrant la dimension irrationnelle qui justifie, même de nos jours, bien des prises de décisions humaines aux conséquences catastrophiques.

Plutôt que d’introduire dans sa refonte les concepts novateurs requis par le passage inévitable d’une économie matérielle à une économie immatérielle; plutôt que de se concentrer sur la valeur tangible de son produit, la valeur ajoutée offerte à ses clients et la logique profonde d’Internet et des médias sociaux, qui reconfigurent inexorablement nos besoins et nos habitudes de consommation de l’information, la direction de Libération a choisi de faire du bruit… avec rien. Elle a choisi le cosmétique, le rituel magique, l’incantation religieuse.

Quand le ciel leur tombe sur la tête, les humains primitifs revêtent des masques à plume, se dessinent des signes magiques sur le corps et exécutent des rituels destinées à chasser les mauvais esprits et à conjurer le mauvais sort. Le nouveau design éditorial de Libé n’apporte à peu près rien de neuf à part des mots creux et des concepts éculés. Il est du même ordre et aura fatalement le même résultat : aucun.

Pire. L’introduction de contenus payants sans réelle valeur ajoutée (voir plus haut) créera un réflexe de méfiance dans le lectorat, qui ne tardera pas à se sentir floué par la minceur des privilèges payants qu’on lui accorde. Or, au contraire, toute offre de contenu payante devrait puiser dans les fabuleux trésors encore inexploités par les entreprises de presse et ouvrir enfin l’accès à des contenus actuellement inaccessibles — ou très peu accessibles :

  • des sources textuelles, audio et vidéo brutes, mais validées, structurées, référencées, en consultation simple ou exportables aux fins d’exploitation par des éditeurs tiers (en mode « remix« ), qu’il s’agisse d’autres médias, de blogueurs, d’entreprises ou d’organisations — bref, ce que j’appelle des « open sources ».
  • des dossiers thématiques exhaustifs, incluant une profondeur inégalée grâce, non seulement aux archives propriétaires du journal, mais également aux liens externes menant vers les pages Wikipédia, articles de blogues, autres sites de médias voire d’entreprises de ce monde qui, tous, constituent des sources auxquelles s’abreuvent les journalistes et auxquelles leurs lecteurs trouveraient probablement enrichissant de pouvoir également s’abreuver.

Cette future architecture de l’information « open sources » nécessite de grands investissements en formation. Les journalistes en place ne veulent pas, aujourd’hui, s’embarrasser avec la production de sources multimédia (audio et vidéo) en temps réel ou quasi réel. Heureusement, la génération qui arrive derrière n’a pas de scrupule à cet égard, d’abord parce que c’est devenu très simple avec les outils dont nous disposons aujourd’hui, mais aussi parce qu’elle a intégré cette dimension dans sa culture. Or, c’est le seul moyen dont la presse « écrite » dispose pour damer le pion aux médias électroniques (radio/TV) et aux médias sociaux sur lesquels l’information circule désormais en temps réel.

Cette future architecture de l’information « open sources » nécessite également le développement de systèmes informatiques complexes permettant de structurer, indexer, présenter, rendre digestes et accessibles ces masses d’informations spécialisées à haute valeur ajoutée. Au lieu de concentrer ses forces humaines et financières sur cet objectif stratégique aux plans économique, technologique et social, Libération investit son temps et son argent dans un rituel de cosmétique journalistique qui n’a aucune chance de fonctionner. C’est bien dommage.


Photo : Sudan deel 4 – De Nuba school / body painting
Photographe: Rita Willaert
Licence: Creative Commons BY/NC/SA


PS : Si vous êtes à Montréal (Québec) le week-end du 19-20 septembre, venez discuter du modèle d’affaires du journalisme « open sources » à Podcamp Montréal. Plus nous serons de fous à refaire le monde des médias et plus rira bien qui rira le dernier ;~}


Mise à jour @ 18h22 : Il y a quelques jours, 01net écrivait qu’« une application payante très innovante permettra d’accéder à d’autres services, dont on ne connaît pas encore la teneur ». Espérons que Libé ira dans le sens de l’ouverture des sources, de l’info multimédia, du temps réel et du remix. Si c’est le cas, je réviserai ma position en conséquence…

Atelier sur le journalisme « Open Sources » à Podcamp Montréal

En plus de webdiffuser l’une des pistes de PodcampMontréal les 19 et 20 septembre prochains, tout comme l’an dernier, j’aurai le plaisir d’y produire cette fois une conférence interactive sur le concept de journalisme « open sources ».

PodcampMontréal 2009 a lieu le samedi 19 et le dimanche 20 septembre, de 10h à 16h30, au Pavillon de design de l’UQAM. Puisqu’il s’agit d’une anti-conférence, j’en webdiffuserai comme l’an dernier la piste francophone sur Ustream.TV, mais j’y animerai aussi, dimanche à 15h30, une conférence interactive sur le journalisme « open sources ».

Résumé de l’atelier

L’information est un océan sur lequel flottent des icebergs appelés « articles » dont l’essentiel, soit les « sources », demeurent toujours inaccessibles. Imaginez que vous puissiez les consulter et même les réutiliser ! Ce modèle d’information collaborative et recyclable est-il viable ? Quelles sont ses attraits et ses limites ? Pourrait-il remettre les entreprises de presse sur la voie de la rentabilité ? Après ma courte présentation (± 20 mn), c’est ce dont je vous invite à discuter ensemble.

J’aimerais beaucoup que cette conférence soit hautement interactive. Si vous êtes intéressé à y défendre votre point de vue de communicateur, de podcasteur, de journaliste, de gestionnaire de médias ou de citoyen — bref de partager votre réaction face à cette proposition, venez participez sur place et/ou inscrivez-vous à l’événement facebook afin que nous puissions donner une suite à ce brain storming collectif sur l’avenir de la presse.
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Vidéo de la conférence

Merci à Heri Rakotomala qui a gentiment surveillé la caméra pendant que je faisais ma conférence ! 😀

 

Dernière mise à jour: 24 septembre 2009
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Pourquoi la presse écrite doit devenir « open sources »

Après m’être ennuyé copieusement, hier après-midi, au premier bloc du Rendez-Vous des médias citoyens (Allo? Creative Commons, vous connaissez ?), puis avoir plaint dans ma tête les jeunes et gentils journalistes pigistes de l’AJIQ qui tombent encore beaucoup trop, à mon goût, dans le panneau de la propriété intellectuelle au lieu de se lancer en affaires, je me suis retrouvé confronté ce matin à un article citoyen traitent de l’avenir de la presse et publié sur Agoravox (Merci @VallierLapierre !) qui m’a fait réagir comme suit.

La mer de l'information vue par Natalie Lucier»

Je trouve que cet article prospectif manque singulièrement d’imagination. Une fois épuisé le recours à la publicité pour vivre, les « médias trad » n’auraient donc d’autre choix que de vivre au crochets de l’État. Ce qui me rassure, c’est que vous reconnaissez vous-même la fragilité et la maladresse de vos « pistes de solution » et que vous posez les prémisses du problème de la bonne façon : ce ne sont pas les coûts qu’il faut réduire; il faut au contraire augmenter les recettes.

Et comment augmenter les recettes sur Internet ? Simple : en vendant, plus chers, des produits à valeur ajoutée. Et de quels produits à valeur ajoutée les entreprise de presse disposent-elles ? Leurs archives ? Oui, certainement, mais ce n’est pas rare, pas très utile, donc pas suffisant. La réponse est, selon moi, évidente et je le répète depuis plus 10 ans : LES SOURCES, nom de Dieu !!!

Considérez l’information dans son ensemble comme un océan et chaque sujet comme un iceberg qui y fond tranquillement et, ainsi, l’alimente. Ce qui dépasse au-dessus de la surface, c’est le « papier », l’article. C’est beau et c’est impressionnant. Mais ce qui nourrit l’océan, ce n’est pas simplement la partie émergée de l’iceberg, c’est aussi et surtout sa partie immergée, beaucoup plus importante. Au niveau de l’information, cela s’appelle LES SOURCES.

Pour des raisons de contraintes spatiales et temporelles, puis par habitude ou par nécessité de conserver jalousement le feu qui alimente leur pouvoir magique, les journalistes des siècles passés ne publiaient pas leurs sources, même lorsqu’aucun enjeu de sécurité ou de confidentialité n’était en cause. Or, au XXIe siècle, ce comportement propriétaire n’a plus lieu d’être. Les sources viennent du peuple, qu’elles y retournent puisque ni l’espace disque ni le « temps d’antenne », désormais, ne sont limités.

  • Enregistrez donc en audio, vidéo, pdf ou HTML autant de sources INTÉGRALES que possible.
  • Puis validez-les, décrivez-les, « taxonomisez-les » et classifiez-moi tout ça.
  • Enfin, entrez-les dans un système informatique qui me permette à moi — utilisateur final, journaliste, chercheur, étudiant, cadre d’entreprise, fonctionnaire, peu importe — de la retrouver quand j’en aurai besoin.
  • En complément de votre article, disponible gratuitement en ligne et maigrement financé par la publicité, vendez-moi UN ABONNEMENT DE LUXE, au moins aussi cher qu’un abonnement papier, qui me permette, SI ET QUAND CELA M’INTÉRESSE, de visiter la partie immergée de l’iceberg — toutes ces sources que vous avez trouvées pour construire votre article et traiter le sujet.
  • Si je ne veux pas m’abonner, offrez-moi la possibilité de consulter vos sources EN FORMULE DE MICRO-PAIEMENT.
  • Si je veux RÉUTILISER VOS SOURCES, ou une partie de vos sources (audio, vidéo, PDF), VENDEZ-MOI LE DROIT DE LE FAIRE et livrez les moi en haute définition afin que je puisse en inclure un extrait dans mon propre topo audio ou vidéo.
  • Devenez ni plus ni moins qu’une AGENCE DE PRESSE LOCALE (ou nationale, ou internationale, si vous en avez les moyens) et comprenez que les citoyens et les entreprises de demain deviennent peu à peu des producteurs de contenus d’information, mais que s’ils sont capables de faire flotter de beaux icebergs à la surface de l’eau, ILS ONT BESOIN DE SOURCES VALIDES POUR LES NOURRIR SOUS LA SURFACE lorsqu’ils ne constituent pas la source eux-mêmes.

Ce faisant, vous ferez œuvre sociale, vous augmenterez la valeur de l’information commerciale et citoyenne et vous engrangerez des recettes suffisantes pour payer correctement (1) vos journalistes d’enquête et de terrain (2) vos secrétaires de rédaction traitant non seulement l’info interne, mais également celle provenant des citoyens et des entreprises et (3) vos programmeurs-intégrateurs qui feront fonctionner et amélioreront sans cesse les systèmes d’information complexes nécessaires à l’exploitation de vos sources.

Libérez le cœur même de l’information. Ouvrez vos sources. Ne les gardez plus jalousement sous clé. Permettez que l’essence-même de l’information circule librement à la manière du code, essence des logiciels libres et ouverts. Entrez dans l’ère de l’information « open sources » et n’hésitez pas à les tarifer, si nécessaire, afin de survivre et prospérer. La démocratie a un prix que les citoyens seront prêts à payer pour peu que vous sachiez la leur vendre intelligemment.

Quand le jeu du Shah et de la souris nous ramène au journalisme «open sources»

Worried about #iranelectionLe journalisme a et aura toujours besoin de sources. Quand un État empêche les journalistes de travailler, il est bon que les citoyens prennent le relais en diffusant leurs propres témoignages. Idem quand une catastrophe survient trop loin des salles de rédaction ou que celles-ci omettent tout simplement, pour toutes sortes de raison, de couvrir un événement. Ce qui n’empêche pas les « novellistes », comme on les appellera peut-être un jour, d’avoir leur place dans la longue chaîne de l’information citoyenne. Bien au contraire !

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Le débat des chefs de pub

Téléspectateur avachi
Source: ClipartKey

Le Canada est en campagne. Après les premiers débats télévisés opposant — ou, plutôt, juxtaposant — les chefs des principaux partis fédéraux, une question demeure: s’agit-il d’une campagne électorale, publicitaire ou médiatique? La nouvelle formule pose en effet plus de questions médiatiques qu’elle n’apporte de réponses politiques. Résultat: cet exercice hautement démocratique s’apparente moins à un débat d’idées qu’à une longue pause publicitaire. Inévitablement, c’est la qualité de l’information offerte aux citoyens qui en fait les frais.

À première vue, pourtant, le citoyen est à l’honneur. Dans un effort louable pour lui laisser toute la place, la journaliste animant le débat ne fait que relancer les questions posées directement par un échantillon hétéroclite de citoyens et encadre les réponses données par les politiciens. N’est-ce pas là l’expression même de la démocratie participative? Pas vraiment, et ce pour plusieurs raisons.

  1. Les questions sont filtrées. Environ 10,000 questions ont été adressées par les citoyens, mais les états-majors médiatiques n’en ont retenu qu’une vingtaine. Selon quels critères? On ne le saura jamais.
  2. La mise en scène « télé-réaliste » domine. En effet, on est allé filmer les citoyens chez eux, dans la rue, au travail, ce qui ajoute une foule d’informations subjectives à leurs questions. De cet homme un peu hautain, qui attaquait le Bloc Québécois, par exemple, j’ai pensé qu’il avait un mobilier aussi cossu que quétaine. Cela a inévitablement influé sur la façon dont j’ai reçu sa critique.
  3. Le zapping est réducteur. La règle d’équité absolue, qui force les politiciens à exprimer des idées parfois complexes en 29 secondes et trois quart, n’a en effet aucun sens. Contrairement à un message publicitaire, la valeur d’une pensée politique ne réside pas dans sa concision, mais dans sa justesse et dans la nature de la conviction qui la porte — autant d’éléments qui ont besoin d’autant de temps et d’espace que nécessaire pour s’exprimer.
  4. L’absence de dialogue entre les adversaires, enfin, ne permet pas d’aller au bout des contradictions ou, au contraire, des similitudes qui existent entre leurs options. Il faut les appréhender à partir d’une juxtaposition de « clips politiques », ni plus ni moins, certains barbouillant à gros traits le linge sale de l’adversaire, la plupart lavant plus blanc que blanc.

Qu’est-ce qui ressort de cette heure de réclame? Pas grand-chose d’intéressant, d’où la déception et le désintérêt manifestés par le public pour ce débat. Comme par hasard, les quatre chefs de pub se sont déclarés satisfaits de leur prestation — et pour cause, puisque la formule leur évitait tout dérapage et incident majeur. Seul le Bloc Québécois a fini par la désavouer, admettant qu’elle « ennuyait » les citoyens.

Une fois de plus, la preuve est faite que « le médium est le message » et que le fast debate est à la démocratie ce que le fast food est au métabolisme. Cela fait quelques décennies que le médiatique dénature ainsi le politique, n’ayant pas pour mission d’éclairer la conscience citoyenne sur les enjeux véritables, mais plutôt d’alimenter en clichés cathodiques une « opinion publique » affective et mollement consentante. Il n’est donc pas étonnant que la propagande à courte vue remplace les projets visionnaires, ni que la corruption subsiste, ni que les méthodes autoritaires l’emportent sur l’art de la négociation.

Le pire, c’est que les journalistes, les politiciens et même les braves citoyens-inquisiteurs qui se prêtent à ce jeu lamentable ne s’en rendent pas compte, obnubilés par leur image et par les hallucinations cognitives auto-satisfaisantes qu’elle génère. On appelle cela la « démocratie d’opinion ».