L’histoire du Parc Jean-Jacques Olier

Parc Jean-Jacques OlierLa météo était incertaine, à Montréal, samedi après-midi, mais les enfants rassemblés autour du bac à sable et leurs familles n’en avaient cure. Bien leur en prit, car la pluie épargna le petit coin de Plateau où se déroulait la fête… d’un parc ! Eh oui ! Un groupe de résidents et quelques commerçants du quartier organisaient une petite fête en l’honneur du Parc Jean-Jacques Olier, créé, en 1974, sur les ruines d’une rangée de maisons incendiées. L’ancien vicaire Gaston Michaud avait déjà raconté la petite histoire de ce parc à des étudiants de l’UQAM, l’hiver dernier. Cette fois-ci, elle fut interprétée par les enfants qui y jouent régulièrement — dont ma fille, Juliette. Évidemment, ma caméra et moi-même ne pouvions résister à cette tranche sucrée d’histoire populaire 🙂

Vers l'accessibilité des nouveaux médias

Le réseau e-InclusionJe publie aujourd’hui la première version d’un article rédigé fin juin pour le CRIM et consacré au Réseau E-inclusion. À l’origine de ce projet de recherche, le concept international E-Inclusion décrit les efforts à produire pour diminuer la fracture numérique excluant de la société de l’information certaines populations, tels les personnes handicapées visuelles ou auditives et les habitants des régions pauvres ou éloignées. Au Québec, ce mouvement a pris corps sous la forme d’un réseau de recherche composé du CRIM, de plusieurs laboratoires universitaires, d’organismes communautaires et de partenaires publics et privés.

L’article que m’a commandé le CRIM a été publié dans le magazine @cceleraTIon no 9 (automne 2006), après avoir été réduit d’un tiers, faute d’espace, et légèrement remaniée par mes soins.

» Lisez la version originale, agrémentée de liens, dans mon archithèque.
» Lisez la version finale dans le magazine (PDF, 5 Mo -> pages 12-13).


Ce billet a été publiée le 8 septembre 2006 sur economielogique.com et transféré ici le 15 mars 2009, en prévision de la fermeture prochaine de mon ancien site corporatif.

Elle court, elle court, la communication!

Téléphone mobile et marteauLa frontière entre communication d’entreprise, journalisme et expression personnelle sur Internet est de plus en plus floue. Les journalistes prétendent souvent que les blogueurs ne sont pas soumis aux techniques de vérification et à la déontologie qui sont les leurs et qu’ils véhiculent des tonnes d’informations non vérifiables et autres rumeurs infondées. C’est en partie vrai, mais tout dépend en fait du sérieux de qui tient la plume. Certaines entreprises et certains blogueurs « indépendants » font plus et mieux, dans ce domaine, que des journalistes professionnels aux prises avec des délais de publication serrés et une conscience professionnelle élastique. Voici une histoire qui témoigne d’un certain flou journalistique : il était une fois une dizaine de téléphones mobiles usagés…

L’une de mes amies m’envoyait, ce matin, un lien pointant vers le dernier billet d’André Simard, un journaliste de La Presse qui blogue professionnellement sur Technaute : « Votre cellulaire conserve tous vos secrets » On y découvre l’histoire sulfureuse d’un mari infidèle qui a vendu son cellulaire, sur eBay, à une firme nommée Digital Trust. Celle-ci y a ressucité la preuve de ses frasques amoureuses. En guise de conclusion, le «blogo-journaliste» évoque la masse de données corporatives abandonnées à la mémoire flash peu sécuritaire des téléphone usagés. Voici la solution fort peu écologique qu’il préconise : écrasez donc votre vieux cellulaire d’un bon coup de marteau !

André Simard a cependant la bonne idée de reconnaître qu’il a pêché cette histoire sur le site du Globe and Mail. Tous les journalistes n’ont hélas! pas cette honnêteté élémentaire. Lui, il donne l’adresse du papier original qui, semble-t-il, constitue sa seule source. On y découvre une foule d’informations moins scabreuses que cette histoire d’adultère, dont des développements techniques intéressants et des citations de plusieurs personnes interrogées par le journaliste Ted Bridis. Manifestement, celui-ci a fait une bonne job en vérifiant l’information, en la complétant et en la considérant sous plusieurs angles, ce que n’a pas fait Simard en la réduisant au contraire à sa plus simple expression — le sexe, babe.

Mais d’où vient cette histoire, au fait ? Bridis et Simard citent la firme Trust Digital, sans préciser s’il s’agit d’une entreprise quelconque, d’un centre de recherche ou d’une firme spécialisée ayant un rapport avec le sujet. Vérification faite, c’est le cas, bien sûr : « Trust Digital est le chef de file des fournisseurs de logiciels de sécurité mobile. Elle sécurise les données d’entreprise qui résident à la périphérie du réseau, là ou téléphones évolués, ordinateurs de poche et assistants numériques ont accès à l’information corporative. » Cette description figure noir sur blanc au bas du communiqué de presse du 30 août qui constitue, de toute évidence, le point de départ de l’enquête du Globe and Mail.

En résumé :

  • Une firme aux intérêts privés s’est livrée à une expérience intéressante afin de s’en servir pour démontrer la valeur de son offre commerciale. Elle a publié un communiqué de presse factuel à ce sujet, positionnant correctement ses arguments de vente sans cacher son intérêt dans l’histoire. Jusque là, rien à dire.
  • Un journaliste disposant du temps et du savoir nécessaire s’en est saisi et a enrichi le sujet en analysant l’information brute et en la vérifiant auprès d’autres sources. Ceci dit, il a oublié de préciser que Trust Digital vendait des logiciels de sécurité, ce qui aurait ajouté une importante précision à son article. Dans l’ensemble, cependant, il s’agit d’un bon travail journalistique.
  • Probablement pressé par le temps, faute d’être correctement rémunéré par son employeur, un autre journaliste réduisit la nouvelle à son aspect le plus accrocheur, se permettant même d’inviter ses lecteurs à commettre un petit désastre écologique, puisque chacun sait que les téléphones cellulaires contiennent des matières hautement toxiques pour l’environnement. Ce n’est pas la fin du monde, certes, mais c’est là que le lien de sérieux s’est brisé en nous projetant dans la rumeur, aux confins du divertissement facile et de la légende urbaine. Heureusement, en ajoutant un simple lien à son billet, il permet aux lecteurs exigeants de trier le grain de l’ivraie. Mais combien se seront donné cette peine ?

Bref, ce n’est pas l’environnement du blogue qui crée la rumeur et l’imprécision, ni le fait d’avoir affaire à de vrais ou de faux journalistes. C’est un choix qui relève de chaque communicateur, quelque soit son statut — mercenaire d’entreprise, journaliste professionnel ou simple citoyen. La responsabilité de mieux informer, de façon plus juste, plus exigeante et plus honnête appartient à chacun d’entre nous.

La Terre est une dure à cuire

La Terre auscultée avec un stétoscopeD’après des scientifiques britanniques qui ont analysé les bulles d’air emprisonnées dans les glaces de l’Antarctique, la teneur en méthane et en dioxyde de carbone de l’atmosphère dépasse aujourd’hui tout ce que la Terre a connu depuis 800 000 ans. Le CO2, qui s’est toujours maintenu entre 180 et 300 particules par millions, atteint maintenant 380 ppm. Quant au méthane, sa pointe protohistorique de 750 particules par milliards n’est rien comparée aux 1 780 particules par milliards actuelles. Le pire, c’est qu’au cours des 17 dernières années, le taux d’accroissement de la teneur en CO2 équivaut à ce que la nature avait déjà réalisé… en mille ans !

C’est le quotidien The Independent de Londres qui tire une fois de plus la sonnette d’alarme avec cette nouvelle, ce matin. Le plus angoissant, c’est que les scientifiques n’ont aucun repère qui leur permette de prédire avec précision ce qui va arriver. Les lecteurs du Huffington Post, le site où j’ai glâné l’information, en tirent la seule conclusion qui s’impose : la Terre finira bien par s’en remettre, mais les humains ne seront probablement plus là pour s’en réjouir.

Notre chère planète est une dure à cuire. Pas nous.

Journaliste et blogueur en liberté

Le journaliste indépendant et « vidéoblogueur » californien Josh Wolf, qui a filmé une manifestation ayant mal tourné, a passé un mois en prison car il refusait de céder ses bandes à la police. Celle-ci souhaiterait les utiliser comme preuve contre les casseurs. Heureusement pour lui, un juge vient de le remettre en liberté jusqu’à ce qu’un autre jury statue sur sa demande d’appel, selon ce billet de boingboing. La Society of Professional Journalists a contribué à hauteur de 30 000 US$ à ses frais d’avocats dont elle a négocié le plafonnement au double de cette somme, selon ce communiqué. Le 2 août dernier, la National Lawyers Guild prenait fait et cause pour lui et la résistance médiatique s’organisait sur Internet, à grand renfort de blogues et de wikis.

Question moralisante : les journalistes indépendants n’ont-il pas intérêt à utiliser les ressources d’Internet et des technologies numériques, qui peuvent les libérer en partie de l’emprise économique des groupes de presse ? À mon avis, oui, car ils y trouveront un public, des alliés et la possibilité de mieux atteindre les objectifs fondamentaux qui (on l’espère) les a amenés à choisir ce métier. Cela ne les empêchera pas de respecter leur code déontologique à la lettre, rehaussant d’autant la qualité de l’information disponible en ligne.

Le temple des marchands

Jamais je n’aurais cru passer plus d’une heure, ce soir, sur le site Web d’une marque de jean’s. C’est pourtant ce qui m’arriva. Diesel Heaven : un « voyage » remarquable dont je reviens indemne, mais avec plus de questions en tête que de réponses…

Les mille et une tentations de Diesel Heaven

La première évidence qui m’est venue à l’esprit, c’est que j’étais en présence d’une nouvelle forme d’art numérique interactif très achevé. Cette gigantesque animation vidéo hyper scénarisée est franchement… euh… magnifique. Ainsi, les marchands du temple de la mode sont prêts à enfouir leur discours mercantile derrière une riche fresque de lumière, de couleur, de mouvement, de musique et d’émotion.

Les artistes qui ont réalisé ce travail colossal ― car il s’agit véritablement d’artistes, à ce que j’ai pu voir et entendre ― sont au service d’une marque, comme Léonard de Vinci et Michel-Ange furent autrefois au service des princes. L’argent confère le pouvoir, le pouvoir nourrit l’artiste, l’artiste génère la grâce et celle-ci subjugue le peuple comme les puissants.

La seconde évidence, c’est que la communication de la marque ― car il ne s’agit pas de publicité, ici, mais bien de communication ― est entrée de plein fouet dans l’ère de la nouvelle cyberculture, atteignant un degré d’esthétisme supérieur à celui de bien des sites culturels. Derrière Diesel Heaven, sa richesse graphique, ses petits cadeaux numériques et son interactivité, il y a d’ailleurs d’autres sites remarquables, comme Camouflage Tales, un conte interactif à la gloire de l’amour et de la sensualité textile, ou Diesel Denim Dimension, un magistral défilé de mode virtuel, auquel on est invité à ajouter sa photo.

Je n’ai rien appris d’intéressant, ce soir, mais j’ai vécu un bon moment de divertissement en ligne, gracieuseté d’un fabricant de vêtements. Dois-je applaudir et en redemander ou bien me lamenter devant un tel gaspillage de talent?

Émotion pour un bout de chiffon
Saisie d’écran de Camouflage Tales

Tintin Kim au Congo

Kim à Montréal, juillet 2006

Mon copain Kim Gjerstad joue avec le feu. Je ne sais pas si c’est le portrait de blogueur que nous lui avons consacré le mois dernier qui lui est monté à la tête, mais voilà que, de retour à Kinshasa en pleine crise post-électorale, alors que l’armée régulière et les milices rebelles se tirent dessus à balles que veux-tu, il a eu l’idée aussi géniale que téméraire de braquer une webcam sur le Boulevard du 30 Juin, du haut de son balcon. Bravo pour le courage, Kimmy, mais bon Dieu, fais gaffe aux retombées !

Heureusement, au bout de quelques heures, c’est l’ordinateur portable qui a rendu l’âme en premier. J’imagine que Kim va tout de même continuer à se débrouiller pour témoigner prudemment de ce qui se passe à Kinshasa, ouvrant ainsi une petite fenêtre de journalisme citoyen sur un conflit trop longtemps oublié. Le moins que l’on puisse faire, pour lui prêter main forte, c’est de visiter et commenter son blogue en lui recommandant, au besoin, de ne pas trop jouer les Tintin au Congo. À vos claviers !

Le retour des années folles ?

Back to the future...

Intéressant, ce bas de page du Globe and Mail du mardi 22 août 2006, tel que photographié, ce midi, au restaurant. Du haut en bas, on y apprend le retour en force des grosses cylindrées dévoreuses d’essence, alors que le prix du pétrole n’a jamais été aussi élevé, puis ce sophisme d’Air Canada : « MORE SALES. LESS E-MAILS. » Bon sang, mais c’est logique ! Si vous prenez l’avion pour allez voir vos clients, vous aurez plus de chances de les convaincre de faire affaire avec vous et, par la même occasion, vous devrez vous taper moins de courriels. Allôôôôôôôôô ! Y a-t-il un pilote dans l’avion ?!?

Cynismes, compromis et libertés

Omar Aktouf

Le quotidien Le Devoir publiait, ce matin, une excellente contribution signée par Omar Aktouf sur le désastre libanais. Sous le titre Barbarie au Moyen-Orient et Arabes tétanisés, le professeur de gestion des HEC Montréal s’insurge avec rigueur contre la désinformation que nous servent sans vergogne les diplomaties occidentales et les agences de presse au sujet de ce conflit. Au-delà du cynisme occidental, il stigmatise les élites arabes dont les « revenus sont placés à Paris, à Londres ou à New York, et [que] la crainte d’idées et de groupes organisés (Hamas, Hezbollah, groupes chiites…) qui s’opposent aux familles arabes hyper-milliardaires (…) épouvante. Ils signeront plutôt les chèques qui garniront les coffres des multinationales qui viendront « reconstruire » Beyrouth, et qui assureront leur pérennité au pouvoir. »

En page B2, les lecteurs du même quotidien peuvent s’enrichir d’un texte de John R. MacArthur qui élargit cette analyse du cynisme diplomatique au Proche-Orient. Il remonte à la Guerre du Golfe et bien avant afin de nous faire comprendre le jeu pervers des grandes puissances (États-Unis en tête) dans la région. « Ayant acquis le goût pour le pétrole arabe (et iranien) pendant la Deuxième Guerre mondiale, écrit-il, l’Amérique avait appris les règles du jeu pour manipuler les nations arabes inventées par les Britanniques et les Français afin de mieux exploiter les biens des tribus et des clans rivaux. La règle diviser pour mieux régner continue d’une certaine manière d’être appliquée. L’instabilité et la guerre «communale» arrangent le maître colonial, du moins jusqu’à un certain point. »

(Malheureusement, ce brillant article est réservé aux seuls abonnés du journal. Je trouve cela aussi stupide que le fait de ne jamais ajouter des liens pertinents vers des sources externes aux articles, lorsqu’elles existent. Cela démontre une méconnaissance totale de la dynamique économique de l’Internet, les profits que Le Devoir retirerait d’une publication complète de ses contenus en ligne surpassant de loin les pertes qu’elle lui infligerait.)

Ceci dit, cela permet aux lecteurs exigeants de faire des recherches et de trouver facilement des perles équivalentes sur Internet. L’article de MacArthur publié par Le Devoir n’est, par exemple, qu’une traduction mise à jour d’une analyse publiée le 31 juillet dernier et disponible gratuitement, mais en anglais, sur le site de Harper’s.

Et puis cela m’aura permis de retrouver un autre article passionnant du même auteur que j’avais raté, le 24 juillet, sur la censure politique ou commerciale des médias français et américains. On y trouve notamment cette inquiétante citation : « La demande des médias et des entreprises de presse pour former leurs journalistes aux réalités du management est croissante, écrit Nicolas Beytout, directeur du cycle du programme et directeur de la rédaction du Figaro. Aujourd’hui, les nominations aux postes d’encadrement se font davantage sur des critères d’excellence journalistique […] pourtant il y a des professionnels prêts à s’investir pour se former à l’exercice des responsabilités intégrant management de proximité et logique économique qui déterminent la vitalité et la créativité des médias. »

Raison de plus pour apprécier l’engagement dénué de censure et de langue de bois d’un professeur de « management » québécois comme Omar Aktouf. Le fait qu’il soit d’origine algérienne, ancré à gauche et professeur plutôt que journaliste n’est certainement pas étranger à cette transparence.

Voilà pourquoi les libertés de migrer librement, de penser librement et d’enseigner librement sont aussi importantes que la liberté de presse. Partout où les logiques inavouables de l’exclusion et de la compromission s’insinuent, l’humanité recule et le diable se réjouit, pour reprendre la formule de conclusion de MacArthur.

Sida et terrorisme : même combat

Ruban anti-sida et ruissellement de sang

La seizième conférence annuelle sur le sida s’est achevée, cette semaine, sur un mot d’ordre constituant, dès le départ, son thème central : it’s time to deliverFinissons-en avec le sida! La logique économique implacable d’un Bill Gates donnerait-elle plus de résultats que la machine politique et sanitaire? Cela reste à prouver. Mais ce qui m’a le plus étonné, à entendre des dizaines d’analyses à la radio ou à la télévision, c’est le parallèle flagrant des discours concernant les deux ennemis publics numéro un de l’heure, le terrorisme et le sida. Un rapprochement abstrait mais riche de sens.

Je ne fais pas simplement allusion à la sortie remarquée du quatuor présidentiel de Médecins du Monde, dans Le Devoir du 12 août dernier. Certes, le sida tue bien plus que le terrorisme, mais ce qui est drôlement intéressant, c’est que leurs contextes et leurs modes d’action furtifs trahissent de grandes similitudes.

Le sida frappe d’abord des populations marginalisées — homosexuels, toxicomanes, prostituées — puis se répand dans l’ensemble de la société. Idem pour le terrorisme, qui recrute au départ des individus issus de populations marginalisées — musulmans extrémistes vivant au sein des sociétés occidentales — avant de se répandre dans les ghettos de banlieue d’Angleterre, d’Irak ou d’Indonésie, jusqu’à plonger toute la société dans la peur et l’angoisse.

Dans le tiers-monde, le sida prolifère sur le terreau de la pauvreté et de l’ignorance dans lequel baignent les populations sciemment sacrifiées par le reste du monde. Idem pour le terrorisme, qui permet à des Palestiniens sans futur ou à des Pakistanais de Londres ostracisés de transformer leur criminel suicide en héroïsme.

Le sida ne tue pas que des toxicomanes ou des individus aux comportements sexuels considérés, par la majorité normative, comme « déviants ». Dans le tiers-monde, il fauche aussi des femmes et des enfants aussi « innocents » et démunis, face au fléau, que le sont les victimes innocentes du terrorisme néo-européen ou irakien.

Le sida n’est pas qu’une maladie active. C’est aussi une épée de Damoclès se terrant silencieusement dans des cellules baptisées « réservoirs à virus » jusqu’au jour où elles quittent leur réserve pour déclencher une pathologie. Ainsi, là où la pandémie règne, tout le monde est « à risque » et tout partenaire potentiel est suspect. Il en va de même pour le terrorisme qui positionne en catimini ses « cellules dormantes » dans la société, jusqu’à ce qu’un ordre ou un impératif logistique les réveille de leur sommeil.

Le sida hypothèque l’économie des pays pauvres. Le terrorisme ralentit celles des pays riches, non sans porter atteinte à leurs droits civiques.

Le sida est l’ennemi de tous les gouvernements mais ceux-ci posent rarement les bons gestes pour l’éradiquer. Ils privilégient la recherche pharmaceutique, certes très importante, mais sans trop d’emphase sur l’éducation, la prévention et l’éradication de la pauvreté. Ils s’attaquent ainsi aux symptomes de la maladie plutôt qu’à ses causes. Même chose pour le terrorisme, face auquel les gouvernements anglo-saxons de la planète brandissent la menace militaire et la répression sans reconnaître les problèmes inhérents à la décolonisation bâclée du Proche-Orient.

Quelles conclusions tirer de tout cela ? Je ne le sais pas vraiment. Peut-être qu’il est difficile de lutter efficacement contre une réalité que l’on n’ose pas regarder en face. Et vous, qu’en pensez-vous ?

Un plan-séquence vaut mille mots

Le 6 août 2006, des milliers de Montréalais manifestèrent dans les rues de la métropole québécoise afin de réclamer la paix immédiate au Liban. Le défilé dura 26 minutes et 46 secondes, comme l’atteste très précisément le plan-séquence ci-dessous, et rassembla quelque 15 000 personnes, selon Le Devoir.

Pour le YulBlogger Jonas Parker, il ne fait pas de doute que ce défilé était beaucoup trop pro-Hezbollah. Or, s’il est vrai qu’un certain nombre d’arabes canadiens exaspérés arboraient les couleurs du mouvement chiite libanais et scandaient des slogans anti-israëliens, le montage vidéo du site Judeoscope.ca, qui dure à peine plus d’une minute, ne montre que cette réalité. Elle occulte du même coup la présence de milliers de manifestants plus sages et plus modérés, quelles que soient leurs origines. Quant aux libanais qui défilaient sous le drapeau de leur mère-patrie, ils avaient au moins autant de légitimité que les milliers d’italo-canadiens et de franco-français fêtant les victoires de leurs équipes nationales lors de la dernière Coupe du monde de football.

En ce qui me concerne, voilà tout ce que je souhaitais capter en tournant ce plan-séquence : la réalité. Si le blason du Hezbollah est redoré par la destruction du Liban, cela n’a rien pour m’étonner.

*

Hier soir, à l’issue d’une couverture nuancée de la manifestation, Radio-Canada donna la parole au consul général d’Israël à Montréal, M. Marc Attali. Celui-ci dénonça vigoureusement la présence des drapeaux du Hezbollah au milieu de la foule, puis rejeta sans nuance la faute de la guerre sur le mouvement chiite libanais qui — c’est vrai — tue des civils israëliens et utilise la population libanaise comme bouclier humain. Mais il ne commenta nullement le fait que Tsahal n’a pas plus de scrupule à liquider froidement des civils libanais et palestiniens. Il évita également la question des « colonies juives de peuplement » qui sont, elles aussi, des boucliers humains permettant de conquérir, illégalement et par la force, le territoire palestinien.

Encore une fois, on ne règlera pas cet interminable conflit en jouant à l’oeuf et à la poule. Il faudrait prendre quelque distance et considérer l’historique complet du dossier, des premiers pogroms à aujourd’hui, en passant par l’Affaire Dreyfus, le mandat britannique en Palestine, la Shoah, la décolonisation et tout le sang — plus souvent arabe que juif — qui coula depuis.

Les Occidentaux ont autant de responsabilité dans ce qui se passe là-bas que les peuples du Moyen-Orient et ils ont donc aussi leur mot à dire. En tant que citoyen occidental, j’aimerais faire savoir aux gouvernements d’Israël et des États-Unis (voire, à l’occasion, du Canada) que j’en ai assez de la réthorique à « deux poids, deux mesures » derrière laquelle on masque sans cesse les évidences inavouables de ce conflit. Israël a le droit d’exister, certes, mais le Liban et la Palestine aussi. Pas comme un bantoustan que l’on tolère tant qu’on y accepte sans broncher le désespoir et la misère, mais comme un pays viable exprimant les aspirations démocratiques de citoyens ayant autant de devoirs et de droits que moi.

Aucune négociation de bonne foi n’ayant réussi à mener la région de la « Terre-Sainte » (?!?) à une paix assez juste pour durer, on peut difficilement reprocher à certains pays de la région de rêver à la bombe atomique. Certains matins, en écoutant les nouvelles à huit mille kilomètres de distance, j’en arrive à me demander si la seule solution ne consiste pas, en effet, à rayer toute cette région de la carte. Ce serait tout de même navrant d’avoir laissé couler tant de sang, d’encre et de temps pour en arriver à une « solution finale » rivalisant d’atrocité avec la fureur nazie !

Trou noir totalitaire au Proche-Orient

Mobilisation médiatique générale

Comment parler du Liban quand toute la blogosphère en parle ? D’un autre côté, peut-on garder le silence face à un génocide larvé et à la mise à nu d’une tentation totalitaire que l’on espérait révolue ? Car cette guerre totale qu’Israël a déclaré au Hezbollah est bel et bien d’inspiration totalitaire. Elle englobe sans distinction toute race et toute religion. Elle vise les ennemis déclarés au même titre que les innocents. Elle dissout les structures sociales et raye de la carte les biens, les réalisations, l’espoir et la mémoire de tout un peuple. Quel que soit le nombre de « morts physiques », chaque Libanais est atteint par ce génocide psychologique, économique et culturel, confronté aux ruines fumantes de son pays, aux souvenirs de ses proches ensevelis et à sa formidable impuissance. Car la résolution de ce conflit, bien sûr, se joue ailleurs.

Si résolution il y a, il faudrait la dresser sur les décombres des illusions du XXème siècle. C’est à l’aube de ce siècle maudit que le libéralisme triomphant engendra la première guerre « totale » ― quatre années de sang et de haine curieusement baptisées « Grande Guerre », comme s’il y avait une grandeur quelconque à déchaîner l’horreur. Les séquelles mal soignées de ce massacre favorisèrent, par la suite, la montée de deux totalitarismes s’opposant, apparemment, au libéralisme, soit le fascisme et le communisme.

Pourtant, ces trois idéologies, qui se heurtèrent alors de plein fouet, ont en commun d’être fondés sur des systèmes de pensée niant la complexité et la subtilité de la condition humaine. Ce qui débuta par une « Drôle de guerre » se termina, quelques années et millions de morts plus tard, par un holocauste, quelques génocides marginaux, deux catastrophes atomiques et la destruction de vastes portions du monde dit « civilisé ».

C’est dans ce contexte chargé de blessures profondes que fut scellé le destin de la Palestine. Bien entendu, on ne donna pas voix au chapitre à la plupart des populations concernées. Ainsi naquit Israël, premier pays virtuel de la planète, issu du colonialisme et de la barbarie, porteur de tous les péchés du monde, héritier de la Colère de Dieu et de la Fureur des Hommes.

Le malheur des uns ne fait pas nécessairement la sagesse des autres et Israël évolua comme on le sait. Côté jardin, c’est une démocratie irréprochable dans laquelle se mirent complaisamment toutes les élites de l’Occident. Côté cour, c’est une superpuissance militaire prête à tout pour assurer sa survie, y compris à perdre son âme en rayant pratiquement un pays de la carte.

Juifs, Chrétiens ou Musulmans; Catholiques ou Protestants; Chiites ou Sunnites; Israëliens, Libanais, Palestiniens, Syriens, Irakiens, Iraniens, Saoudiens ou Égyptiens; tous sont des hommes appelés à s’entraider et vivre ensemble. Il est inconcevable, six ans après le début du XXIème siècle, que nous n’ayons pas encore tiré la leçon des horreurs du passé, que certains de nos dirigeants pensent encore le monde en termes manichéens (le Bien absolu contre le Mal absolu) et que ressurgissent les vieux démons du suicide humain ― car c’est aussi de cela qu’il s’agit.

Espérons que les Montréalais iront manifester nombreux en ce dimanche 6 août, non pas pour régler le problème du Proche-Orient (car ils n’ont certainement pas plus de prise sur ces événements que les Libanais eux-mêmes), mais pour exprimer leur rejet formel de tous les totalitarismes.

Espérons, sans trop y croire, que la terreur qui s’épanouit si bien de l’Irak à la « péninsule » (?) de Gaza en passant par le Liban n’est que l’un des derniers trous noirs dans lequel le totalitarisme se concentre et se consumera.

Espérons que les citoyens du monde finiront par s’affranchir des idéologies meurtrières et des systèmes productivistes cherchant à les asservir à leurs fins propres, transformant les uns en victimes impuissantes et les autres en monstres surpuissants.